quand Georges Clémenceau passait ses vacances en Vendée

Georges Clemenceau découvre sa maison de pêcheur fin 1919, lors d’une promenade dans sa Vendée natale. Sa longue carrière politique vient de s’achever avec la signature du traité de Versailles. La Grande Guerre derrière lui, le Tigre va pouvoir rentrer ses griffes. Belébat, avec sa vue immense sur l’Océan, sera, selon lui, l’endroit idéal pour souffler et écrire. Sans tarder, il signe un bail viager avec le propriétaire, tout en étant prêt à céder gracieusement sa « cabane » au « Père Victoire » !


A Mouilleron-en-Pareds, la maison natale de Clemenceau qui appartenait à son grand-père est devenue un musée.

Julie Daurel

Entouré de crevettes et de homards

Dès lors, Clemenceau partage sa vie entre son appartement parisien de la rue Benjamin-Franklin et Belébat l’été. « Depuis trois jours, j’ai pris possession de mon ciel, de ma mer et de mon sable », écrit-il à un ami (1). J’ai retrouvé sans plus d’effort le rythme de la vie vendéenne qui m’a beaucoup plu. Je vis entouré de crevettes et de homards. » Une vie douce, d’autant que l’ancien ministre de la Guerre et président du Conseil y a installé le confort moderne : eau courante, électricité, garage automobile (dont une Rolls Royce) et water-closet ! La cuisinière Clotilde Benoni règne sur la cuisine-salle à manger avec vue sur les vagues, où il prend tous ses repas. Le Tigre a un petit fauteuil près de la cheminée où il s’assoit pour discuter avec elle. Sur le râtelier, les trois fusils avec lesquels Albert Boulin, son valet de chambre, part souvent à la chasse pour le déjeuner. Quand Albert et Clotilde se rendent au marché des Sables-d’Olonne, Clemenceau les accompagne volontiers.


Salon d’été de Clemenceau à Belébat où se trouve une peau de tigre provenant d’un animal abattu lors de son voyage en Asie du Sud-Est

Julie Daurel

Un long couloir bordé de livres d’histoire, de géographie et de philosophie mène à deux chambres d’hôtes rikiki mais charmantes avec leur mobilier de cabine de bateau, leurs vases débordant de fleurs du jardin et leurs estampes japonaises. Ils sont réservés à des personnes très proches, comme l’éditrice-confidente-amie et dernier amour Marguerite Baldensperger, venue à Belébat en 1923. Ou encore le peintre Claude Monet : Clemenceau se rend rarement à Belébat sans une halte à Giverny. Et, depuis sa chambre-bureau face à la mer, il écrit mille lettres à son ami pour l’encourager ou le gronder ! Et une biographie : « Claude Monet – Les Nymphéas ». Car c’est à Clemenceau, amateur d’art, que l’on doit ces tableaux du musée de l’Orangerie.

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Georges Clemenceau ou la véritable figure du Tigre

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“Les esprits paresseux répétant les vieux refrains destinés à dénigrer Clemenceau devront s’en accommoder : il promet d’être l’un des “hommes de l’année” 2018″, estime Jean-Noël Jeanneney.

Un jardin au désordre étudié, face à l’Océan

Son bazar exotique raconte le grand voyageur qu’était Clemenceau jusqu’au bout.

« Ma chambre devient de plus en plus une sorte de musée du Louvre, mais avec moins de prétentions. » Son bazar exotique raconte le grand voyageur qu’était Clemenceau jusqu’au bout. En 1920, à presque 80 ans, il est invité en Egypte par le gouvernement anglais. Il part « voir si Cléopâtre est toujours aussi jolie », chasser aussi le crocodile et l’antilope. Il pousse jusqu’au Soudan, d’où viennent boucliers et sagaies, et, en septembre de la même année, il part pour six merveilleux mois en Asie du Sud-Est. Il visita les lieux saints du bouddhisme comme Borobudur pour son livre « Au soir de la pensée », chercha des théières rares et tua des tigres avec le Maharajah de Bikaner.

La chambre de Clémenceau.


La chambre de Clémenceau.

Julie Daurel

A 1 heure 15 minutes, Mouilleron-en-Pareds a vu naître Georges Clemenceau le 28 septembre 1841, dans la maison de son grand-père.

Aux autres visiteurs, le thé était plutôt servi, selon le rituel japonais, sous le kiosque du « Petit-Trianon » habillé de brandes. Ou dans le salon d’été, très Nouvelle-Angleterre – n’oublions pas que, son diplôme de médecine en poche, le jeune Clemenceau a vécu quatre ans aux Etats-Unis où il a enseigné dans le Connecticut, tout en écrivant pour le journal libéral « Le Temps ». Boiseries gris pâle, meubles précieux, porcelaine de Chine et peau de tigre : on dirait une publicité de Ralph Lauren, avec en prime une table de backgammon, des fac-similés de Venise de Canaletto et une estampe de Hokusai, « Vent frais par matin clair ». Un jardin au désordre étudié fait face à l’Océan. Clemenceau l’a composé sans se soucier du goût de son temps pour les allées bien entretenues, ni des avertissements d’Henri de Vilmorin et de Monet qui n’y croyaient guère, mais y apportaient quand même des plants de rosiers et des bulbes de Giverny interposés.

A 1 heure 15 minutes, Mouilleron-en-Pareds a vu naître Georges Clemenceau le 28 septembre 1841, dans la maison de son grand-père François Gautreau, maire républicain et protestant du village. Clemenceau y vécut avec ses parents les trois premières années. Il y passe ensuite ses vacances d’été et, jusqu’à la fin de sa vie, s’y arrêtera à chaque passage en Vendée. Village frontière entre plaine et bocage, Mouilleron se situe aussi entre la Vendée blanche royaliste et la Vendée bleue républicaine. Chez les Clemenceau, on était clairement dans le deuxième camp. Le magnifique musée moderne, inauguré le 16 juin 2018, met également l’accent sur l’engagement et la modernité des idées du Tigre.

La vue sur l'océan depuis la maison de Clemenceau à Saint-Vincent-sur-Jard.


La vue sur l’océan depuis la maison de Clemenceau à Saint-Vincent-sur-Jard.

Julie Daurel

Une plume

C’est parti pour cinquante ans de combats à gauche auxquels Clemenceau met son éloquence et sa plume.

Ses années américaines (1865-1869) donnent au jeune médecin farouchement opposé à Napoléon III une envie de démocratie d’autant plus forte qu’il l’étudie de près pour « Le Temps ». De retour à Paris avec la République, Clemenceau s’engage en politique : en 1870, il est élu maire du 18e arrondissement, et député de la Seine en 1871. C’est le début de cinquante années de luttes de gauche auxquelles Clemenceau met son éloquence. et sa plume. Il lance de nombreuses revues et/ou écrit pour elles, dont « L’Aurore ». Il aurait retrouvé le titre du fameux « J’accuse… ! » de Zola. Ardent défenseur de la justice et des libertés, alerté par sa profession de médecin (qu’il exerça jusqu’en 1885) sur la souffrance du peuple, il défendit les communards qu’il voulait amnistier et Dreyfus, fustigea le colonialisme, l’antisémitisme, le racisme en général. et prône la laïcité.

Nommé ministre de l’Intérieur et président du Conseil à 65 ans en 1906, il réalise la séparation de l’Église et de l’État, lance des réformes progressistes d’une part (impôt sur le revenu, pensions des ouvriers, journée de travail de dix jours). heures) mais doit maintenir l’ordre public de l’autre, réprimer les révoltes, briser les grèves. Il crée une police scientifique, des brigades régionales dotées de voitures et de téléphones, les fameuses « brigades du Tigre ». Président de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Forces armées lorsqu’éclate la Grande Guerre, il est au front, parmi les troupes, imposant le respect jusqu’à la victoire et le traité de Versailles, le 28 juin 1919. Il meurt dix ans plus tard. des années plus tard et il est enterré à Mouchamps, en Vendée, près de son père.

(1) Lettre de Clemenceau à son ami Piétri, 10 août 1920.

A voir, à faire sur place

Maison de Clémenceau. A la mort du Tigre en 1929, ses enfants modifient à peine le mobilier de Belébat pour en faire un lieu de mémoire. Elle est propriété de l’État depuis 1932, monument historique depuis 1970 et Maison des Illustres. Entrée : 9 €, gratuit pour les moins de 26 ans. 10 € avec le pass deux musées (valable un mois). 76, rue Georges-Clémenceau, 85520 Saint-Vincent-sur-Jard. Tel. 02 51 33 40 32, www.maison-de-clemenceau.fr.
Le musée national Clémenceau-De Lattre. Musée à deux têtes qui comprend la maison natale de Georges Clemenceau et la maison familiale de Jean de Lattre, l’autre gloire de Mouilleron, « village aux deux victoires ». Tous deux sont devenus Musée de France et Maison des Illustres. Plein tarif : 6 €, gratuit pour les moins de 26 ans. 10 € avec les deux pass musées. 1, rue Plante-Choux, 85390 Mouilleron-en-Pareds. Tel. 02 51 00 31 49. musee-clemenceau-delattre.fr

Clemenceau dans les livres. « Georges Clemenceau – Le Courage de la République » de Sylvie Brodziak et Jacqueline Sanson, « Clemenceau » de Michel Winock, « ​​Georges Clemenceau, Correspondance (1858-1929) », de Sylvie Brodziak et Jean-Noël Jeanneney. « Clemenceau, Portrait d’un homme libre » de Jean-Noël Jeanneney, « Le monde selon Clemenceau » de Jean Garrigues et « Claude Monet-Georges Clemenceau : une histoire, deux personnages » d’Alexandre Duval-Stalla.

 
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