France 2 – JEUDI 24 OCTOBRE À 21H05 – REPORTAGE
Selon le dernier rapport des États généraux de la Justice, une affaire civile a été traitée en sept mois en 2005 ; aujourd’hui, cela se fait en quatorze mois. Derrière ces chiffres, les conséquences humaines peuvent être dramatiques, voire mortelles. Pour le magazine « Envoyé Spécial », la journaliste Julie Pellet a enquêté sur trois cas emblématiques, qui révèlent des dysfonctionnements inimaginables, et que le manque de moyens ne suffit pas à expliquer – le reportage s’ouvre également sur une vue du palais de justice de Paris, construit dans le quartier des Batignolles. en 2019 pour un coût total de 2,35 milliards d’euros.
Lire l’enquête (en 2019) : Article réservé à nos abonnés Coûts exorbitants, dialogues de sourds… Enquête sur la gestion privée grotesque du palais de justice de Paris
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Eric Mouzin, père d’Estelle Mouzin, disparue à l’âge de 9 ans, en janvier 2003, à Guermantes (Seine-et-Marne), est le premier à venir raconter ses dix-sept années de recours à l’administration judiciaire, jusqu’à pour Monique Olivier d’admettre, en 2019, que son ex-mari, Michel Fourniret, avait kidnappé, violé et tué la petite fille. Cependant, cette voie avait été écartée par les tribunaux. Eric Mouzin a assigné l’Etat en justice pour « faute lourde ».
Deuxième cas, celui de Johanna Dias, décédée d’une cinquantaine de coups de couteau à Pannes (Loiret), près de Montargis. Cette fois, c’est sa sœur qui rappelle que Johanna avait porté plainte à quatre reprises contre son compagnon pour violences. En mai 2018, il a même été condamné à douze mois de prison, dont six ferme. Mais comme sa condamnation ne lui a pas été « notifiée », il restera libre. En 2023, 26 000 personnes condamnées à la prison ne se sont pas présentées à leur procès.
Approche « manager »
Seule Albertine Muñoz, juge de l’application des peines à Bobigny, accepte de s’exprimer au nom du Syndicat de la Magistrature. Sans surprise, elle évoque le manque de moyens dans une France qui compte 8 822 magistrats, soit « deux fois moins que la moyenne européenne ». Et ce, malgré un budget qui ne cesse d’augmenter depuis sept ans. « Une situation tendue qui exonérerait un peu trop facilement certains magistrats »affirme le commentaire.
Sylvaine Grévin a ainsi gagné son procès pour « faute grave » contre l’État, après le décès de sa sœur Bénédicte Belair, prétendument “mangé par son chien”selon sa compagne, à Pont-Sainte-Maxence (Oise), le 4 avril 2017. Cette affaire conduit au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ou plutôt à son non-fonctionnement : en 2023, sur 489 plaintes enregistrées , 349 ont été déclarées irrecevables, 130 non fondées et aucune n’a été suivie de sanctions ; en quinze ans, un seul magistrat a été sanctionné… d’un blâme.
Là encore, le manque de moyens n’explique pas tout. Le suicide d’un juge de 29 ans en août 2021 a poussé 3 000 magistrats à dénoncer l’approche « gestionnaire » de la justice française. Ce que confirme Floriane Chambert, 28 ans, qui a démissionné de ses fonctions de magistrate. L’approche « managériale » est une politique du nombre.
Lire l’histoire (en 2021) : Article réservé à nos abonnés L’exécutif embarrassé face à la bronca des magistrats
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M.e Caty Richard, avocate pénaliste à Pontoise (Val-d’Oise), fournit, quant à elle, les rouages de sa mise en œuvre grâce au « classement sans suite », promu, depuis 2021, afin de« des stocks nets de procédures non traitées ». Qu’en est-il alors du justiciable ? « Si on tombe sur un bon enquêteur, un bon magistrat, on a de la chance, résume-t-elle. Sinon nous rejoignons les stocks. » En 2023, le « stock » représentait 1,2 million de cas.
Les naufragés de la justicereportage de Julie Pellet (Fr., 2024, 55 min). Diffusé dans le cadre du magazine « Envoyé Spécial », présenté par Elise Lucet, sur France 2 et disponible en replay sur France.tv.