Par
Vincent Guerrier
Publié le
15 mai 2024 à 6h30
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« C’est quoi ce bordel ? Je travaille, il y a des cloches qui sonnent toutes les heures en ville, je veux que ça arrête. » Dans la salle de l’ancienne cour de Mortagne-au-Perche (Orne) un homme se présente devant deux maires, assis derrière une table. L’homme serait un nouvel habitant qui découvre les bruits de la campagne, et qui a du mal à s’y habituer.
“Quand je viens ici, je veux me reposer”, jure-t-il en faisant des moulins à vent avec ses bras. Il ne bougera pas tant que les élus en face de lui n’auront pas trouvé une solution. « Nous ne pouvons pas arrêter de sonner les cloches. Si ça ne vous plaît pas, il vous suffit de partir», rétorque Daniel Chevée, maire de Bretoncelles (Orne).
Dans la salle, la réponse provoque des éclats de rire. Presque tout le monde rêverait de répondre ainsi à un résident local en colère, mais ce n’était en réalité pas la réponse attendue. Car c’est bien un exercice qui se jouait ce mardi 14 mai 2024 à Mortagne-au-Perche.
Une formation a été proposée par le Groupement de Gendarmerie de l’Orne, avec le soutien de l’Association des Maires de l’Orne, pour apprendre aux élus et secrétaires de mairie à mieux réagir aux situations conflictuelles auxquelles ils sont confrontés. Après Domfront et Argentan, c’est à Mortagne que les entraîneurs se sont arrêtés.
Conseils pratiques
« C’est une formation qui nous a été dispensée par le GIGN, et que nous dispensons sur le territoire, à des élus qui peuvent être confrontés à des situations conflictuelles, à des personnes qui n’ont pas la même « carte du monde » que nous, et peut devenir agressif », explique l’un des trois militaires entraînés du Groupe de l’Orne, qui ne souhaite pas révéler son identité.
« C’est important d’avoir invité les secrétaires, car ce sont eux qui sont en première ligne », insiste Pascal George, adjoint à Bretoncelles chargé de la sécurité.
En effet, les secrétaires de Rémalard racontent comment elles ont dû gérer, par exemple, un individu venu à plusieurs reprises crier à la mairie et réclamer un rendez-vous. « C’est difficile pour nous, parce qu’ils veulent voir des élus, et on n’a pas toujours des réponses à leur donner pour les calmer », regrette une secrétaire.
« Faire preuve d’autorité »
Pendant plus de trois heures, près d’une trentaine de personnes ont pu écouter les militaires délivrer plusieurs conseils pratiques autour de trois piliers : désamorcer le conflit, faciliter la communication et rétablir la relation. Dans un premier temps, les militaires conseillent par exemple d’être le miroir de l’autre.
Si une personne agressive s’approche de vous et que vous êtes assis, levez-vous également. S’il fait de grands gestes, n’hésitez pas à parler aussi un peu avec vos mains, et à élever la voix si nécessaire, sans jamais crier.
Se moquer, critiquer ou porter un jugement sera vécu comme une agression par la personne déjà véhémente. Au contraire, faire preuve d’écoute, poser des questions ouvertes, proposer de reformuler et résumer la situation peut souvent aider à trouver une issue.
« Pour commencer par les personnes qui ont beaucoup de reproches à faire, nous proposons trois questions simples. “Que voulez-vous vraiment?” Pourquoi est-ce important pour toi? Qu’est-ce que cela va vous permettre ? Grâce à cela, la personne se sentira écoutée et nous pourrons créer une relation apaisée. » Il n’est pas non plus recommandé de donner des dates trop précises pour la résolution des problèmes. « Par contre, ne laissez pas quelqu’un sans nouvelles pendant trois semaines. »
Faites attention aux objets sur le bureau
Si le dialogue est impossible, les militaires conseillent de menacer d’agir le 17. « Vous êtes maires, vous représentez la commune. Vous devez faire preuve d’une certaine autorité lorsque cela est nécessaire. » Les négociateurs, comme les élus, doivent aussi composer avec les vidéos et la viralité de certaines réactions. « Souvent, on nous filme pour espérer qu’on va craquer. Peut-être que dans le passé, les gendarmes pouvaient s’affronter sans que personne ne le sache. Aujourd’hui, cela n’est plus possible avec les téléphones. Cela nous oblige à être prudents dans tout ce que nous disons », analyse un négociateur expérimenté du Perche.
Des exercices de respiration peuvent aussi contribuer à réduire le rythme cardiaque, avant un affrontement qui peut être virulent.
Je vous encourage également à recevoir ces personnes séparément, avec au moins une personne à vos côtés. Privilégiez les grandes pièces et non les petits bureaux. Vous pourriez vous retrouver coincé et faites attention à ne pas laisser traîner des objets qui pourraient servir d’arme à un attaquant.
Autant de conseils qui peuvent surprendre au premier abord, mais qui traduisent un réel besoin de sécurité pour tous les agents qui sont en contact avec le public.
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