Comment l’entreprise d’un élu PS de Saint-Denis ne paie plus ses intervenants depuis un an

Comment l’entreprise d’un élu PS de Saint-Denis ne paie plus ses intervenants depuis un an
Comment l’entreprise d’un élu PS de Saint-Denis ne paie plus ses intervenants depuis un an

« Quand j’ai vu l’annonce, j’ai postulé parce que l’engagement qu’ils mettaient me parlait », se souvient Marion (1), une jeune intermittente du spectacle. Depuis 2016, Activités Éducatives – via la société BL education – propose la mise en place d’ateliers dans toute l’Île-de-France. L’objectif : favoriser l’accès aux loisirs éducatifs et à la culture et réduire les inégalités territoriales. La start-up se charge de rechercher puis d’envoyer des intervenants vers les 529 structures partenaires en fonction de leurs demandes. Sur le papier, le projet semble idéal.

Mais StreetPress a découvert que des intervenants, souvent dans une situation précaire du fait de leur métier, se retrouvent sans versement de leur salaire après avoir réalisé un ou plusieurs ateliers. « J’ai tout essayé, les larmes, la colère… Ils ne se rendent pas compte que le loyer des gens est en jeu », raconte Marion désabusée qui attend depuis plus d’un an d’être payée. Comme elle, ils sont une dizaine en attente de sommes pouvant aller jusqu’à des milliers d’euros depuis plusieurs mois ou années de cette structure dirigée par un élu de Saint-Denis, Lionel Lada, conseiller municipal de l’édile socialiste Mathieu Hanotin.

Plus de 2 000 euros en attente

« C’est uniquement à cause de l’insécurité qu’on se retrouve dans une situation pareille, poursuit Marion. Certains artistes ou entreprises ont été directement contactés par BL education, d’autres ont postulé à une offre d’emploi, souvent sur Linkedin. Pour la majorité des personnes interrogées, le choix de travailler sur des ateliers ponctuels était idéal pour compléter leurs revenus en tant qu’artistes. Après un entretien puis un après-midi de « formation » non rémunérée, les participants reçoivent des suggestions d’ateliers à suivre.

Thomas (1) en profite pour achever ses prestations début 2023 en se lançant comme DJ. Ce dernier raconte avoir exercé plusieurs activités sans jamais toucher un euro. « Après un an d’attente, je me suis dit : « Il y a quelque chose qui ne va pas… » Malgré ce retard de paiement, il continue d’avoir des propositions d’ateliers et accepte une nouvelle activité « pour dépanner » en février dernier. Mais toujours rien. Aujourd’hui, le jeune homme dit qu’il attend près de 2 000 euros de prestation. Une somme en attente également partagée par Nadège qui a réalisé plusieurs ateliers il y a plus d’un an et demi.

Communication bloquée

Pour tenter de récupérer les sommes dues, chacun affirme avoir contacté la structure à de nombreuses reprises, que ce soit par mail ou par téléphone. Davina, qui gère une troupe et des cours de samba, a envoyé des intervenants pour près d’une vingtaine d’ateliers de danse ou de percussions. Ce dernier attend depuis plusieurs années plus de 1 000 euros interventions:

« J’ai appelé plusieurs fois, on n’a jamais de manager au téléphone, ils refusent de donner leur nom ou leur email. »

Les intervenants avec lesquels nous avons discuté n’ont pour la plupart jamais vu ni pu s’entretenir avec le président de l’entreprise Lionel Lada. StreetPress s’est également vu refuser l’accès à ses coordonnées auprès de BL. Ce dernier, fondateur et créateur d’activités pédagogiques et élu à la ville de Saint-Denis L’équipe du maire Mathieu Hanotin n’a pas répondu à nos demandes. Par ailleurs, tout le monde décrit les salariés de l’entreprise comme étant très jeunes. « Il y a beaucoup d’alternants et un turnover malade », selon Lise. Plusieurs intervenants trompés affirment avoir tenté de laisser un avis négatif sur Google ou un commentaire sur les réseaux sociaux qui a finalement disparu par la suite. Deux d’entre eux ajoutent également avoir tenté de contacter le directeur par Linkedin ou par mail sans recevoir de réponse. Thomas résume :

« Tout est verrouillé, ils voient les commentaires et présentent leur structure comme fermée. »

Difficultés financières?

En janvier dernier, les parties prenantes ont finalement reçu un mail des ressources humaines dans lequel il était mentionné « des difficultés de trésorerie » et le fait d’avoir conscience que « le délai de paiement des factures a été largement dépassé », alors que la structure continue de publier sur LinkedIn jusqu’à récemment. « Il y avait toujours une bonne excuse du genre : ‘On n’est pas payés aussi, c’est pour ça qu’on ne vous paie pas’ », explique Nadège qui a fait plusieurs activités autour de la nature.

Comme elle, d’autres intervenants ont reçu cette réponse lors de leurs nombreux appels. Mais pour Lise qui a effectué ses prestations entre juillet et décembre 2022, l’attente commence à nous peser. D’autant que l’un des centres communautaires pour lesquels elle travaillait confirme le paiement : « Nous effectuons les paiements sous 30 jours. De notre côté, tous les transferts ont été effectués. »

Quelques remboursements

Après une dizaine de mois d’attente et la confirmation des structures que les virements ont été effectués, Phyl qui gère la web radio Postagalen a décidé de saisir le tribunal de commerce et d’envoyer un message de rappel à tous les emails dont il dispose dès qu’il a du temps libre. . « Parfois cinq par jour », informe-t-il, un peu amusé. Il a finalement reçu un premier versement fin mars, puis un deuxième début avril. De son côté, Lise a contacté un huissier et a perçu environ 400 euros en avril dernier alors qu’elle en attendait 2 000 de plus pour ses quinze ateliers non rémunérés. Autre technique utilisée : la médiatisation. En février, un intervenant a choisi de contacter l’émission de Julien Courbet Ça peut vous arriver. Quelques jours après sa diffusion, le magicien a reçu les 600 euros qu’il attendait depuis près de huit mois.

Mais pour cinq autres personnes contactées par StreetPress, c’est toujours l’attente. Une ouvrière de théâtre qui a réalisé un seul atelier pour la somme de 90 euros ne se voit pas jetée en justice pour si peu. «Ça n’en vaut pas la peine», résume-t-elle, blasée. Pour Nadège, qui attend 2 000 euros :

« Ils parient tout là-dessus : que les gens abandonnent à force d’attendre si longtemps… »

(1) Les prénoms ont été modifiés.

Contactés, Lionel Lada et la mairie de Saint-Denis n’ont pas répondu aux sollicitations de StreetPress. Les activités pédagogiques ont fait référence à son patron, Lionel Lada.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Ce très gros coup de la police de Saint-Étienne – .
NEXT 6 choses à retenir du conseil municipal de juin – .