L’avenir incertain de la vanille de La Réunion

L’avenir incertain de la vanille de La Réunion
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“La récolte va être catastrophique” : combatif mais bouleversé, Bertand Côme, producteur et transformateur de vanille à Sainte-Suzanne, au nord-est de la Réunion, se promène dans sa propriété où, dans un cadre idyllique, plantent alternativement des vanilliers grimper aux côtés d’arbres exotiques et de cultures à l’ombre.

Ingénieur agronome de formation, Bertrand Côme réalise un graphique pour expliquer la gravité de la situation : l’évolution des températures sur l’île. « Depuis les années 2000, ça grimpe. En 2019 nous étions à +1,2°C par rapport à la norme. En 2023, nous attendons +2°C», a-t-il déclaré à l’AFP.

Plants de vanille dans la propriété de Louis Leichnig à Saint-Philippe, à la Réunion, le 26 avril 2024 PHOTO AFP / Richard BOUHET

Orchidée fragile et encore mystérieuse, la vanille n’a pas besoin d’engrais pour pousser, mais elle nécessite des conditions climatiques bien particulières. En hiver, la fraîcheur et la relative sécheresse déclenchent sa floraison.

« Sa résilience au changement climatique est nulle (…). Maintenant, il pleut davantage et il fait plus chaud. Donc la vanille ne fleurit pas », regrette Bertrand Côme, selon qui la solution réside dans les cultures en haute altitude – la vanille est cultivée en dessous de 700 mètres – et l’abandon du sud-est de l’île, prisé des producteurs mais devenu trop pluvieux.

Étudier les effets du climat sur la vanille est l’une des missions du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) de La Réunion, qui abrite à Saint-Pierre (sud) la plus grande collection de plants de vanille au monde. .

Plants de vanille sur le tronc d’un arbre à Saint-Philippe, à la Réunion, le 26 avril 2024 PHOTO AFP / Richard BOUHET

Sous une grande ombrière, Carine Charron guide le visiteur à travers une multitude de plantes. La vanille produite à La Réunion est la Vanilla planifolia, qui représente plus de 95 % de la production mondiale. Cependant, d’autres variétés sont plus tolérantes au changement climatique.

“En s’appuyant sur cette diversité (…), nous proposerons des variétés plus intéressantes pour les agriculteurs, plus résistantes aux maladies et aux périodes de sécheresse”, explique-t-elle.

Après vingt ans de recherche, le Cirad a validé en décembre 2022 une nouvelle variété baptisée « Handa », résistante à un champignon qui s’attaque aux vignes de vanille.

Le Cirad souhaite poursuivre cette dynamique. L’idée n’est pas de remplacer les Planifolia actuelles mais de diversifier les variétés cultivées : ainsi, “on a moins de chance de tout perdre d’un coup quand arrive un pathogène ou une période de sécheresse”, poursuit Carine Charron.

Le prix de la vanille, deuxième épice la plus chère après le safran, se justifie par ses conditions de production. Lorsqu’un agriculteur débute, il doit attendre trois ou quatre ans avant d’obtenir les premières fleurs.

Louis Leichnig, producteur de vanille givrée, dans son exploitation de Saint-Philippe, à la Réunion, le 26 avril 2024 PHOTO AFP / Richard BOUHET

Il doit ensuite fertiliser chaque fleur à la main, seul moyen fiable d’obtenir des gousses, selon un procédé découvert vers 1840 par un jeune esclave réunionnais, Edmond Albius.

La récolte a lieu sept à neuf mois plus tard, lorsque les gousses sont encore vertes et ne dégagent aucune odeur. Plusieurs opérations longues et fastidieuses – échaudage, étuvage et diverses étapes de séchage avant affinage – sont encore nécessaires pour obtenir les gousses noires à l’arôme caractéristique.

Autant d’étapes à forte intensité de main d’œuvre qui expliquent la domination des mastodontes du secteur, Madagascar et l’Indonésie, qui fournissent plus de 80 % de la production mondiale (environ 3 000 tonnes à eux deux). La Réunion ne produit qu’une vingtaine de tonnes de vanille verte par an.

“Mais c’est encore là qu’on innove”, affirme Louis Leichnig dans une forêt des hauteurs de Saint-Philippe (sud-est), où poussent ses vanilliers sur des troncs de palmiers. Il se spécialise dans la vanille givrée, utilisant un procédé naturel de cristallisation qu’il est l’un des rares à maîtriser et qui produit un arôme plus fort.

Louis Leichnig montre une gousse de vanille, dans son exploitation de Saint-Philippe, à La Réunion, le 26 avril 2024 PHOTO AFP / Richard BOUHET

Amoureux de cette plante « robuste et fragile à la fois », dont il faut prendre soin pour qu’elle produise et dure dans le temps, il estime comme Bertrand Côme que le seul moyen de se démarquer pour La Réunion est par la qualité.

Tous deux travaillent dur pour proposer de grandes tables et des épiceries fines hexagonales. « Nous augmentons notre notation, notre réputation. Nous œuvrons pour que l’image de la vanille de La Réunion reste en haut du panier et que notre histoire ne meure pas », souligne Louis Leichnig.

 
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