comment des escrocs ont transformé un bijou en ruine

comment des escrocs ont transformé un bijou en ruine
comment des escrocs ont transformé un bijou en ruine

Par Renaud Vilafranca
Publié le

9, 24 mai à 6h16

Des siècles d’histoire contemplent les curieux qui s’y aventurent. Le château d’Acqueville, à Villennes-sur-Seine (Yvelines), est-il sur le point de renaître de ses cendres après plusieurs décennies d’abandon ?

Ce petit joyau du patrimoine local, vieux de quatre siècles, a été vendu aux enchères pour 451 000 €, le 2 mai 2024, suite à la liquidation judiciaire de la société propriétaire d’une grande partie des locaux. Elle est également poursuivie en justice par plusieurs investisseurs qui affirment avoir été floués par une énième opération de restauration avortée.

Des années de négligence

Ce grand château en forme de T, niché dans un domaine de neuf hectares comprenant fontaine, étang, chapelle et dépendances avec piscine, ressemble aujourd’hui à un champ de ruines. La faute réside dans des années de négligence.

N’étant plus surveillée depuis longtemps, cette friche fantomatique, à plusieurs reprises pillé, tagué et vandaliséattire les explorateurs urbains, les vidéastes et les gens plus ou moins bien intentionnés.

« Les tombes des anciens propriétaires ont été profanées dans la crypte. »

Olivier Daeschner, adjoint au maire de Villennes-sur-Seine en charge de ce dossier


Construit en 1598

Construit en 1598 pour le compte d’un seigneur local, ce château transformé et agrandi au fil du temps, a été successivement la propriété de nobles et de puissants, au gré des successions et des ventes aux enchères.

En 1975, abritant alors une famille de militaires de haut rang, il accueillit le tournage de Folies bourgeoises, de Claude Chabrol, tel que rapporté par la société d’histoire locale sur son site Internet. ” Les Villennois le savent peu, car elle est cachée derrière de hauts murs, souligne Michel Kohn, président de Mémoire de Villennes. On l’aperçoit depuis la voie ferrée et les berges. »

Une coquille vide depuis 2004

Dans les années 1980, il est racheté par un industriel villennois, rénové, puis transformé en club privé. L’activité s’arrête en 2004. Six ans plus tard, pour rembourser ses dettes, le domaine est vendu pour 4,5 millions d’euros à un premier promoteur afin d’en faire une résidence hôtelière de 80 chambres, avec divers équipements.

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Le château d’Acqueville (Yvelines), non surveillé depuis des années, fait très régulièrement l’objet d’intrusions et de dégradations. ©Renaud Vilafranca

Des investisseurs trompés

L’entreprise qui menait le projet n’avait paspas de pari initial. Elle a financé l’achat en revendant des lots de l’établissement à des particuliers (cadres, jeunes couples, retraités), pour des sommes pouvant atteindre 200 000 €. Un investissement locatif, censé apporter un revenu aux acheteurs.

Tout ne s’est pas passé comme prévu. La réhabilitation a échoué. LE trente-quatre investisseurs, qui ont versé à eux deux environ 5,5 millions d’euros, n’ont jamais reçu un centime. Au contraire, ils accumulèrent les dettes et les ennuis. Réunis au sein d’une association, ils ont porté plainte.

« Des vies brisées »

« On nous a emmenés faire un tour. Ils avaient fini deux appartements à nous faire visiter et nous avons pu débloquer les fonds, explique une victime, originaire de la région Rhône-Alpes. Nous avons beaucoup perdu, ce sont des vies brisées. »

« L’un des copropriétaires est ruiné, il ne peut plus payer ses frais médicaux. Nous passons notre vie à traiter avec des banques et des avocats. Il y a des nuits où je ne dors pas. »

Une victime
Le domaine du Château d’Acqueville (Yvelines) abrite notamment une chapelle, sous laquelle se trouve une crypte, profanée il y a quelques années. ©Renaud Vilafranca

Peines de prison prononcées

Un million et demi d’euros ont été complètement détournés. Cinq hommes – les deux gérants, l’architecte, le commissaire aux comptes et le contremaître – ont été condamnés dans cette affaire, en première instance, puis le 7 septembre 2023, par la cour d’appel de Paris, pour « abus de confiance », « complicité d’abus de confiance ». fraude », « évasion fiscale », « abus de biens sociaux » et « non-dénonciation d’actes criminels ».

Des peines allant jusqu’à deux ans de prison ont été prononcées. LE cerveau présumé du gangun homme d’affaires marseillais qui a financé d’autres projets avec l’argent des investisseurs, n’a plus le droit d’exercer dans l’immobilier.

« Il a été interdit d’exercer des activités bancaires. Cette affaire était une véritable usine à gaz. Ils s’y sont pris avec bravade et ont été aussi malhonnêtes qu’incompétents. Ce sont des échecs immobiliers. »

Me Eric Rocher-Thomas, avocat de certains des copropriétaires

Un deuxième promoteur entre dans la danse

Au liquidation de la société en 2014, un deuxième promoteur a racheté sa part dans le quartier. Pour finir les travaux, ce nouvel acteur du dossier a levé des fonds de 2 à 3 millions d’euros auprès d’intermédiaires en placements immobiliers majoritairement basés en Suisse.

On leur garantissait alors un 10 % de rendement, avant la revente du bien, dans un délai de trois ans, ce qui leur aurait permis de récupérer leur investissement. Il n’a jamais réussi à s’entendre avec les copropriétaires et aucune première pelletée de terre n’a été donnée depuis.

Plusieurs plaintes déposées contre le deuxième promoteur

Ce promoteur (que nous n’avons pas pu contacter), à son tour placé en liquidation judiciaire, fait l’objet de plusieurs plaintes et Présumé innocent. « Un de mes clients a investi, personnellement et en tant qu’agent d’investissement, dans ce qui semble être un stratagème frauduleux », affirme M.e François Buthiau, avocat d’un des plaignants.

Ce château n’est pas classé et ne bénéficie donc pas de mesure de protection particulier. “C’est dramatique”, a déclaré Pierre-François Degand, élu d’opposition, qui a récemment alerté la commission d’urbanisme sur le sujet.

« La mairie ou le conseil départemental auraient pu mener un projet de sauvegarde de ce patrimoine. »

François Degand, élu d’opposition au conseil municipal de Villennes-sur-Seine

Un nouvel acheteur « sérieux et honnête » selon la mairie

Le nouvel acquéreur, reçu cette semaine par le maire, souhaite développer un activité hôtelière comprenant un espace de promenade ouvert à tous. Parviendra-t-il à briser la malédiction qui entoure ce château depuis des lustres et parviendra-t-il à lui redonner sa splendeur d’antan ?

« Il a l’air sérieux et honnête. Il envisage déjà de sécuriser les lieux pour éviter les intrusions, assure Olivier Daeschner. S’il veut mener à bien son projet, il devra parvenir à une entente avec les copropriétaires et réunir les fonds nécessaires aux travaux. »

Coût total de l’opération : entre 12 et 15 millions d’euros. Sauf surenchère de dernière minute, la vente sera signée dans les prochains jours et la mairie disposera d’un délai pour décider de préempter ou non les lieux.

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