Qualinet ne peut pas avoir de chèque en blanc

Qualinet ne peut pas avoir de chèque en blanc
Qualinet ne peut pas avoir de chèque en blanc

Lorsqu’il y a deux pieds d’eau dans votre sous-sol, vous souhaitez résoudre ce problème le plus rapidement possible. À tel point que nous prenons rarement le temps de magasiner après les entreprises de nettoyage après sinistre pour obtenir des devis et négocier les prix. Mais l’urgence ne permet pas à Qualinet de facturer ce qu’elle veut, quand elle veut.


Publié à 02h38

Mis à jour à 6h30

“Ils profitent de personnes en situation de vulnérabilité et de désespoir” pour facturer des montants surprises “exorbitants”, estime l’avocat Joey Zukran, du cabinet d’avocats LPC.

Convaincu que Qualinet a développé un modèle d’affaires qui contrevient à une série de règles et de lois, il demande à la Cour supérieure d’autoriser un recours collectif. Sa demande a été déposée dans les dernières heures au palais de justice de Montréal. Il demande notamment l’annulation des contrats conclus depuis le 7 octobre 2021 et l’imposition de dommages punitifs de 1 000 $ par client.

Le nombre de Québécois touchés par cette mesure devrait se chiffrer en dizaines de milliers. Sur Facebook, Qualinet a mentionné avoir traité 7 000 dossiers dans la seule région de Montréal entre le 9 août et le 4 septembre.

Joey Zukran voit plusieurs problèmes dans la façon dont l’entreprise mène ses activités.

En tant que commerçant ambulant, Qualinet doit faire signer à ses clients un contrat précisant le montant total des prestations qui seront fournies, donne-t-il en exemple. Mais elle leur fournit plutôt une grille de prix que l’avocat décrit comme un « menu avec 50 choses différentes ». Ce n’est qu’une fois les travaux terminés que le client découvre la facture définitive.

Cette approche contreviendrait à l’article 58(g) de la Loi sur la protection du consommateur (LPC). “Ils savent combien de personnes et d’équipement envoyer, ils devraient donc savoir plus ou moins combien cela va coûter.” Ils ne peuvent pas avoir de chèque en blanc», insiste Joey Zukran. De plus, l’entreprise a été condamnée à une amende de 5 302 $ en 2018 après avoir contrevenu à cet article spécifique de la loi et à d’autres.

Mais n’est-il pas difficile d’évaluer l’ampleur des dégâts et le travail à accomplir en pleine crise alors que la situation peut encore évoluer ? Non, au moins deux juges de la Cour du Québec ont déjà statué.

“Qualinet est habitué à de tels dégâts et de l’avis du Tribunal il peut évaluer à l’avance, même approximativement, le nombre de jours nécessaires pour sécher l’eau, ainsi que le nombre de séchoirs qui seront installés”, avait par exemple écrit la juge Sylvie Lachapelle.

Ce n’est pas ce qui est arrivé aux victimes de l’inondation survenue à Baie-Saint-Paul le 1est mai, comme en témoigne un reportage de Radio-Canada. Les clients Qualinet ont dénoncé le montant élevé de leur facture reçue après les travaux de nettoyage. Ils ne s’attendaient pas du tout à voir des sommes de 7 000 $ à 14 000 $.

L’un d’eux a déclaré avoir interpellé un représentant de l’entreprise qui parcourait les rues inondées et signé rapidement un contrat sans demander de devis. Le lendemain, deux techniciens ont enlevé la boue de son sous-sol et désinfecté les lieux. Le travail a duré une journée. Un technicien est ensuite venu effectuer un test d’humidité. Sa facture : 8 000 $.

“Nous n’étions pas là pour profiter des gens, loin de là”, s’est défendu le directeur des opérations de Qualinet, Roger Vigneault1.

Le sentiment d’urgence ne justifie pas tout. Une entreprise peut toujours prendre quelques minutes pour rédiger un devis, insiste Joey Zukran. « Qualinet, ils attrapent les personnes vulnérables dans un moment de désespoir. Mais ce ne sont ni les pompiers, ni les policiers, ni les plombiers qui fermeront les vannes. A leur arrivée, les dégâts sont déjà là. Ils viennent nettoyer. A ce stade, il n’y a aucune urgence. »

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Me Joey Zukran, de LPC Avocats

L’avocat spécialisé dans les recours collectifs trouve choquant que Qualinet ait intenté 593 poursuites judiciaires au fil des ans. Il qualifie l’entreprise établie au Québec de « procédurale » et écrit que son « mode opératoire consiste à envoyer des lettres d’huissier à ses clients et à les poursuivre en justice, tout en sachant pertinemment que leurs contrats ne sont pas valides ».

À Charlevoix, les clients ont été surpris lorsqu’ils ont vu sur leur facture des « frais d’administration » de 10 % et des frais de « profit » de 8 %. Pour cause, estime Joey Zukran, puisque l’article 224c) du CPA interdit la tarification fragmentée. En d’autres termes, les commerçants ne peuvent pas facturer un prix plus élevé que celui annoncé en ajoutant des frais. C’est également un élément évoqué dans la demande d’action collective.

Qualinet continuerait également de facturer des intérêts de 2 % par mois sur les soldes impayés, ce qui serait illégal en vertu de la loi. Droit des intérêtsselon LPC Avocats. Au moins deux jugements de la Cour du Québec, rendus en 2022 et 2023, mentionnent l’illégalité de cette pratique qui assure que le client « paie des intérêts sur l’intérêt de 2 % », a relevé la juge Suzanne Paradis. Depuis, selon Joey Zukran, Qualinet utilise plutôt l’expression « frais administratifs », mais cela ne rend pas ces frais « moins illégaux ».

Je n’ai pas pu parler au président fondateur de Qualinet, Éric Pichette, pour connaître sa réaction face à cette nouvelle procédure judiciaire qui sera sans doute suivie de près compte tenu du montant des factures en cause. Parlant de factures, celles-ci sont parfois largement payées par Québec, qui se retrouve ainsi impliqué dans l’affaire.

Espérons que cela lui donne l’idée de se pencher sur les pratiques de l’industrie du nettoyage post-sinistre pour mieux l’encadrer, comme il l’a déjà fait avec les mécaniciens, obligés de rédiger un devis pour toute réparation de plus de 100 $. Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que le changement climatique et les dégâts des eaux causés par les ruptures de canalisations se multiplient.

1. Regardez le reportage de Radio-Canada

Visitez le site du cabinet LPC Avocats

 
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