ET-MOSELLE | François Pélissier : “Un manque de discernement qui est insupportable”

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Le président de la CCI Métropole et Meurthe-et-Moselle ne comprend pas la stratégie gouvernementale et il ne mâche pas ses mots pour le dire.

Imaginez François Pélissier gonflé à bloc. Il exprime sa colère dans un discours où les coutures des phrases grincent. La parole est abondante. Il fustige les arguments de ceux qui ont mis un terme au commerce dit non essentiel. Vif, passionné, très impliqué dans cette cause, le président de la chambre de commerce et d’industrie défend ses positions. Certains parlent de postures égoïstes, disons plutôt qu’il est en accord avec lui-même. Épéiste, rhéteur, promoteur des conformismes, François Pélissier dénonce le degré d’impréparation de la classe dirigeante. On le croit emporté par son tempérament, condamné au rôle de perpétuel « tireur d’artifice », au contraire il délivre ses phrases avec maîtrise et conviction. Qu’espère-t-il après cette nouvelle phase de confinement dont les conditions d’application semblent préjudiciables à l’activité économique ? Clarté et ligne d’horizon précise pour les traders qui tentent de survivre.

Que pensez-vous du sort du commerce local ?

François Pélissier: Ce n’est pas possible de gouverner ainsi. On ne peut pas tout découvrir un soir où on nous dit : « ça y est, tais-toi ». On ne pouvait même pas anticiper quelques jours pour imaginer par exemple des services de conciergerie en centre-ville, ou encore de la logistique, du click & collect, etc. Il n’y a rien. Aucune anticipation, aucune préparation. Il y a deux semaines, masques pour les enfants de six ans, on nous disait : « c’est absurde », on nous dit aujourd’hui que c’est obligatoire. Et tout comme ça. J’ai l’impression qu’on est dans la même impréparation qu’en mars, avec toutes les mesures sanitaires partout. S’il n’y a pas de cluster dans les petites entreprises, pas de cluster dans les TPE. On sait exactement d’où vient la propagation du virus : les soirées étudiantes, la plage en août. Que tous les pays s’en étonnent aujourd’hui, oui peut-être, mais le contraste avec l’Allemagne où tout n’est pas fermé en termes de commerce en centre-ville est frappant. Les gens continuent de circuler, on vérifie simplement que toutes les précautions sanitaires sont respectées. Dans notre pays, laisse-t-on ouverts les grands magasins et non les petits commerces ? Cela n’a pas de sens. Et là, on a tiré par le bas, puisque les grandes surfaces arrêtent la vente de beaucoup de choses. Maintenant plus personne ne travaille

Comment est-il possible de rectifier les choses ?

Pour moi, c’est très clair : il faut accepter le click&collect et les rendez-vous individualisés. Le passant qui se rend en ville avec son masque et qui entre dans un commerce avec les limitations qu’on peut mettre en place n’est pas un propagateur du virus. Ce n’est pas vrai. Tout arrêter ? C’est la solution pour mettre fin à tous les problèmes liés au tabac. Il y a 60 000 décès par an par cancer du poumon, pourquoi ne fermons-nous pas les buralistes ? Je ne comprends pas pourquoi on vend encore de l’alcool puisque cela cause 50 000 morts par an. Arrêtons tout ! J’exagère bien sûr, mais on ne peut pas faire adhérer un peuple à des mesures difficiles sans que cela soit compris. Il n’y a pas de travail collectif. Les chambres de commerce n’ont même pas été consultées par le gouvernement. On a tout appris à la télé. Soit ils rouvrent le 16 novembre avec les mesures sanitaires essentielles déjà en vigueur dans les commerces, soit je ne sais pas ce qui va se passer. Aujourd’hui, il n’y a plus personne, les gens décrochent. Tout cela parce qu’on nous dit qu’il y a 3 500 lits de réanimation occupés sur les 7 000. Qu’est-ce que cela signifie? On ne sait pas comment ouvrir rapidement des lits ailleurs ? Nous sommes en train de tuer toute activité économique par négligence dans la gestion des hôpitaux publics depuis trente ans. C’est pourquoi de nombreuses entreprises vont disparaître.

Qu’allez-vous faire pour essayer d’éviter une catastrophe économique ?

Nous venons d’avoir une réunion avec les Vitrines. Les gens sont dévastés. Ils disent ” on ne comprend pas, on est puni même si on est vertueux. Nous avons mis en place tous les gestes barrières, nous avons tous acheté du plexiglas, des masques, mis en place du gel hydroalcoolique, nous accueillons les gens doucement. Ils pourraient nous dire pas plus d’un tous les dix mètres carrés et non, ils nous obligent à fermer complètement « . C’est un manque de discernement qui est insupportable. Nous sommes confrontés à un type de situation où nous ne sommes jamais sûrs qu’un grain de sable, une petite bourde, ne provoquera pas une bagarre et n’embrasera pas une société. J’avais beaucoup travaillé sur la phrase d’Elie Wiesel qui disait qu’une société ne survit que si, en matière de gouvernance et d’information, on respecte cinq étapes. Le premier est celui de l’événement. Dans un deuxième temps, cet événement est transformé en information. Lors de la troisième étape, l’information doit passer en connaissance. Par rapport au Covid, la connaissance est « combien de décès l’épidémie provoque-t-elle dans le monde par rapport à d’autres maladies ? « . De la connaissance, nous passons à la quatrième étape, qui est la prise de conscience. Enfin, la dernière étape consiste à transformer cette prise de conscience en engagement citoyen. Elie Wiesel a ajouté : « il faut respecter ces cinq étapes, sinon ça devient tendu ».

Si l’on regarde ce qui se passe avec le Covid, on reste sur la deuxième étape, celle de l’information. Et cette information est tronquée car on nous donne le nombre de décès chaque jour sans indiquer le nombre de décès liés à d’autres pathologies. On nous parle de cas contacts, de personnes contaminées mais, à partir du moment où on teste de plus en plus, cela paraît logique. L’information est biaisée par tous ceux qui monopolisent les chaînes de télévision pour alimenter un côté meurtrier car elle captive le téléspectateur. C’est dramatique et je pense que le gouvernement n’en fait pas assez.

Entreprises essentielles et non essentielles, que vous inspire cette notion ?

Qu’est-ce que cela signifie? Surtout compte tenu de la complexité de la société actuelle ? Si on n’achète pas un livre pendant un mois, deux mois, trois mois, a priori ce n’est pas dramatique mais si, à terme, c’est toute l’industrie de l’édition qui s’effondre, toutes les PME sont touchées. Et enfin c’est essentiel car nous venons de mettre au chômage des milliers de personnes. Cette notion d’essentiel ou de non-essentiel n’a pas de sens. Ce qui est décevant, c’est que j’ai l’impression que nos dirigeants n’ont pas beaucoup appris de la première vague de l’épidémie. C’est franchement bizarre et assez inquiétant.

 
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