Après des mois très secs en 2023, l’hiver 2023-2024 a été marqué par des épisodes pluvieux réguliers. Ont-ils permis de combler, ne serait-ce que peu, le déficit hydrique de l’Hérault ? Plongez dans les profondeurs de la grotte de Clamouse, à Saint-Jean-de-Fos, pour constater l’évolution des réserves d’eau souterraines.
Combinaisons et gants, casques attachés. Après quelques pas sur le sentier touristique, l’expédition dans les profondeurs de la grotte de Clamouse, dans les gorges de l’Hérault, à Saint-Jean-de-Fos, débute, à la seule lueur des lampes frontales, fin septembre 2024.
Un voyage à la fois fabuleux et impressionnant pour un novice, se glissant dans la peau d’un explorateur le temps de quelques heures, 1h30 de descente, un peu moins pour retrouver la lumière. Mission du jour, avec comme guides Sandro Casagrande, directeur technique du site et Charline Morin, ingénieure risques naturels : atteindre la rivière souterraine, 120 mètres plus bas, et observer son niveau d’eau.
Parcours sportif, décor unique
Grimper, grimper, glisser un peu sur les fesses, se faufiler dans une galerie étroite, traverser un trou, sortir du siphon – cet espace où il vaut mieux ne pas se trouver lors de fortes précipitations – le parcours est sportif, le décor, unique.
Cristaux de calcite, stalactites, stalagmites, les paysages se dévoilent, magnifiques, et semblent à portée de main. Au fur et à mesure de la descente, les sensations changent. Sous les pieds, le sol est tantôt glissant, tantôt sablonneux ou encore fragile et cassant.
Calme et translucide
Alors qu’on ne s’y attendait presque plus, rattrapée par l’effort, concentrée dans chaque mouvement, l’expédition atteignit son but. L’eau est là. Pas une immense rivière, non, plutôt un tout petit lac. Calme et translucide. Après l’effort, l’eau semble si claire et pure qu’on aurait envie de s’y glisser lentement. Avant de savoir qu’il ne fait que 12°C.
“Je ne suis pas désagréablement surpris”. A 120 mètres sous terre, Sandro Casagrande, directeur technique de la grotte de Clamouse, regarde la corde qui sert de repère au niveau de l’eau. « L’eau est plus basse, 1,20 mètre de moins par rapport à juin 2023 ».
« En apparence, les choses vont mieux »
Charline Morin, ingénieur risques naturels, co-fondatrice de Senso Terrae, confirme : « Il y a eu plus de pluie ces derniers temps donc, en surface, les choses vont mieux. Mais cette eau n’était utilisée que pour la végétation. Sous terre, le niveau est bien plus bas que les années précédentes, la recharge n’a pas fait assez”.
Il y a seulement six ans, personne n’était jamais venu dans cette grotte. Sauf une seule et unique personne : le spéléologue Franck Vasseur qui y est descendu mais… avec des bouteilles de plongée.
« Situation alarmante »
« On a l’illusion que les choses s’améliorent. Mais c’est à court terme, déplore celui qui voit la grotte évoluer de près depuis 14 ans. Les pluies étaient alors bonnes pour la végétation mais étaient loin d’être suffisamment abondantes et régulières pour recharger les réserves en eau. Nous avons eu un découvert d’eau de 6 ans. Grâce aux pluies, nous avons parcouru 2 ans en perdant une année à cause de l’activité humaine. En réalité, la dette en eau s’accumule et la situation reste alarmante.»
Après des mois de sécheresse, la situation des eaux souterraines reste précaire, voire dramatique dans certaines régions françaises, comme le souligne La Chaîne Météo, citée par Le Figaro. Si l’hiver 2023-2024 affiche un excédent de pluie de 12 % en moyenne en France, l’ensemble de la région Languedoc-Roussillon et les Pyrénées-Orientales enregistrent leur troisième hiver avec un déficit important.
ud83dudca6Notre #hiver La prévision météorologique 2023-2024 qui s’est terminée le 29 février a été bien pluvieuse sur les 3/4 du pays. C’est une bonne chose puisque c’est à cette période de l’année que nos nappes phréatiques se rechargent. On note néanmoins un #sécheresse persistant et inquiétant sur le… pic.twitter.com/ULOLW0sY6R
— La Chaîne Météo (@lachainemeteo) https://twitter.com/lachainemeteo/status/1763573335286304902?ref_src=twsrc%5Etfw
Quelles conséquences ?
Concrètement, si l’eau continue de baisser, que pourrait-il se passer ? « L’affaiblissement des réserves d’eau peut provoquer des affaissements, des effondrements dans la grotte, explique l’expert en risques naturels. Cela aura aussi un impact sur la vie, sur l’ensemble de l’écosystème souterrain. Les espèces et la faune qui prospèrent ici ont besoin de cette eau. À l’extérieur, avoir moins d’eau entraînera une modification de la faune et de la flore locales, ainsi que des maladies respiratoires. »
« Tout commence à être repensé »
Les types de cultures et d’agriculture seront remis en question. “C’est aussi ce qui se passe à Bordeaux, continues Charline Morin. L’aridification des terres les amène à se demander s’il ne vaudrait pas mieux cultiver des olives plutôt que du vin. Tout commence à être repensé.
Tourisme inclus. La grotte de Clamouse a choisi de limiter la fréquentation estivale à 900 visiteurs par jour, comme pendant le Covid. « Grâce à cette mesure, nous consommons moins d’eau depuis 4 ans. L’eau des climatiseurs est également récupérée pour laver les sols, et l’eau du lave-vaisselle pour arroser les plantes”illustre le directeur technique.
Des solutions ?
Face à ce triste constat, Charline Morin, l’ingénieure risques naturels, veut rester positive. Des solutions existent. « Chacun peut trouver comment agir à son échelle. Si nous économisons tous 3 litres d’eau par jour, en prenant une douche par exemple, multipliés par le nombre de Français, cela fait beaucoup. Il est trop tard pour changer la réalité mais nous avons le pouvoir de consommer autrement, de nous réajuster sans y voir une contrainte.»