À la Réunion, le tourisme met en danger une flore unique au monde

À la Réunion, le tourisme met en danger une flore unique au monde
À la Réunion, le tourisme met en danger une flore unique au monde

La biodiversité de « l’île intense », en grande partie classée par l’UNESCO, est menacée par le changement climatique, les espèces envahissantes et la pression humaine. Le département d’outre-mer a accueilli 500 000 visiteurs en 2023, un record.

Unique au monde, la flore de l’île de la Réunion, département français situé dans l’océan Indien, est largement menacée de disparition. La faute en est au changement climatique, à la pression humaine, mais surtout aux espèces envahissantes qui empiètent sur des espaces naturels jusqu’alors préservés. “Regardez cet arbuste avec ses fleurs jaunes : il est très beau. Mais ce serait bien mieux sur les côtes bretonnes», dans l’ouest de la France métropolitaine, s’exclame Dominique Oudin, directeur du Conservatoire botanique national de Mascarin (CBNM). Sur le massif du Maïdo, au cœur du Parc national de la Réunion, l’ajonc d’Europe semble chez lui par endroits, menaçant la flore endémique.

La réunion “est un environnement unique au monde, mais il est envahi», résume Dominique Oudin. Espèce exotique la plus emblématique au-dessus de 1000 mètres d’altitude, l’ajonc d’Europe n’est pas la plus envahissante : la vigne papillon, venue d’Asie, étouffe les dernières forêts sèches de l’île. Le tulipier du Gabon a envahi les terres agricoles. Les milliers de visiteurs qui visitent chaque jour ce site offrant une vue imprenable sur le cirque de Mafate, classé comme une grande partie de l’île au patrimoine immatériel de l’UNESCO, passent sans y prêter attention.

Semelles des randonneurs nettoyées à l’entrée du parc

Les visiteurs profitent de la vue sur le cirque de Mafate depuis les hauteurs de Saint-Paul.
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Le caractère exceptionnel de la flore de La Réunion lui vaut en partie son classement à l’UNESCO. Sur les 963 espèces de plantes « indigènes » recensées sur l’île, 382 sont endémiques à la sous-région (archipel des Mascareignes, avec les îles Maurice et Rodrigues), dont 230 uniques à La Réunion. “230, c’est aussi le nombre de plantes endémiques dans toute la France métropolitaine», précise Dominique Oudin. Mais fin 2023, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a réévalué sa liste rouge des espèces menacées, fruit de travaux menés sous la coordination du CBNM. Le résultat est inquiétant : entre 2010 et 2023, le taux d’espèces menacées est passé de 30 % à 41 %. Une quarantaine de plantes ont déjà disparu.

Parmi les menaces, la sécheresse et la pression anthropique sont citées, alors que La Réunion a accueilli plus de 550 000 visiteurs en 2023, un record selon l’Observatoire régional du tourisme. Mais les espèces exotiques restent l’ennemi numéro un. Tout n’est pas désespéré. “Vous disposez encore d’espaces préservés de l’invasion», assure Janik Payet, responsable de la branche ouest du Parc national de la Réunion. Depuis le Maïdo, un sentier mène au massif du Grand Bénare : «Nous l’appelons le triangle d’or car là-haut, il y a encore une biodiversité exceptionnelle », avec peu d’espèces envahissantes et « plus de 80 % d’endémicité ».« .

Pour y accéder, le Parc a installé des dispositifs de biosécurité nettoyant les semelles des randonneurs, qui peuvent transporter des graines. Mais la lutte contre les plantes envahissantes, menace identifiée à la fin des années 1970, a longtemps été menée de manière désordonnée et n’a pas été « à la hauteur du défi », résume Janik Payet.

“Si on ne fait rien, c’est un patrimoine qui disparaît”

Aire de pique-nique sur le Piton du Maïdo.
Charles de Lisle – stock.adobe.com

Il a fallu un électrochoc pour que l’île se mobilise : le classement en 2017 par l’UNESCO de La Réunion parmi les sites donnant lieu à «préoccupation importante» en raison de son mauvais état de conservation. Un programme d’action associant les communautés et les acteurs de la biodiversité réunionnaise, baptisé ReMiNat (pour « restauration des milieux naturels »), a alors été mis en place. Des domaines d’action prioritaires ont été définis et différentes techniques de restauration sont étudiées. C’est ce qui se fait au Maïdo, où un incendie accidentel en 2020 a paradoxalement permis de «commencer à partir de zéro» sur ce site considéré comme perdu.

Mais les gens qui vivent et viennent à La Réunion doivent participer.», insiste Dominique Oudin, espérant un «conscience« . Ce que tente de réaliser Jacques Fournel : à 1 100 mètres d’altitude, cet ancien botaniste ne cultive que des plantes endémiques, dont certaines serviront à replanter le Maïdo. Ces dernières années, plusieurs pépiniéristes se sont lancés sur ce segment. Tan rouge, bois de poivre, fleurs jaunes… »Tout ce qui vient de la Réunion, je le plante», explique Jacques Fournel. “Il faut être actif. Car si nous ne faisons rien, notre patrimoine disparaîtra.»

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