Un pays, deux presses ? – Le Courrier

Un pays, deux presses ? – Le Courrier
Un pays, deux presses ? – Le Courrier

Syndicaliste dans le secteur des médias depuis une dizaine d’années dans la région zurichoise, Idris Djelid, double ressortissant suisse et algérien, constate une différence entre la presse romande et alémanique dans le traitement des informations sur les manifestations et mobilisations en Suisse. Parfaitement bilingue français-allemand, il perçoit, selon lui, « une forme d’inaction » de l’autre côté de la Sarine. A-t-il été entretenu consciemment ? «Il est difficile de dire s’il existe un véritable Röstigraben en termes de couverture médiatique, mais il n’en reste pas moins que les manifestations qui ont eu lieu dans plusieurs villes au cours de l’année écoulée n’ont pas eu ici autant d’impact qu’en Suisse romande, où elles ont été souvent médiatisées. dans la presse, mais ce n’est pas le cas ici », dit-il. Il évoque également les pressions qui pèsent sur les journalistes, sans les nommer pour ne pas les dénoncer.

Hébergé sur Baba News

Censurés par leurs supérieurs hiérarchiques, deux journalistes germanophones ont dû se tourner en mai dernier, au plus fort des mobilisations dans les universités du pays, vers le média en ligne bernois Baba News pour y être publié. Conçue et animée principalement par des femmes et passant en revue les informations et autres questions relatives aux migrants et à leur intégration, cette plateforme prend notamment en compte le pouls de la population arabophone de Suisse. L’une de ses deux rédactrices en chef, Albina Muhtari, confirme que ses médias ont accueilli ce printemps deux articles rédigés par des journalistes dont les écrits n’ont pas trouvé la faveur de leurs propres rédactions. «Cela s’est passé dans la région de Zurich», explique-t-elle sans plus de précisions.

Publié le 9 mai, le premier de ces articles portait notamment sur les mobilisations survenues dans les universités de Lausanne, Genève, Berne et Zurich. Sous la plume d’un certain M. Müller, on apprend notamment qu’un professeur de l’Université de Berne “a attaqué verbalement un étudiant pro-palestinien”, avant de le repousser avec force en arguant, selon l’article, “que la politique n’avait pas sa place”. à l’université. » Cette plume anonymisée revient également sur une descente de police à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ), regrette que le postcolonialisme n’ait pas le droit de s’exprimer dans le monde académique et proteste contre “une campagne de diffamation médiatique orchestrée en amont”, l’auteur soupçonnant deux médias en particulier et qu’il cite, le Neue Zürcher Zeitung (NZZ) et 20 minutesêtre à l’origine. Sur Baba News, un autre commentaire, également mal rédigé, a été publié quelques jours plus tard sous le pseudonyme de Tristan Gross. D’emblée, cela pose une question inquiétante : « En quoi nos médias se trompent-ils dans leur couverture ? »

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Ce commentaire dénonce « une représentation péjorative des manifestations pro-palestiniennes qui sont systématiquement présentées comme des manifestations antisémites d’extrême gauche », a-t-il déclaré, ajoutant que cette vision est « révoltante et incorrecte à la lecture des faits ». Dans son texte, ce journaliste anonyme s’indigne également du mépris affiché dans les colonnes de plusieurs médias germanophones par des manifestants qui utilisent des termes comme « génocide » ou « apartheid » à l’égard de la politique menée par Israël. “Ces mobilisations imposent des thèmes inconfortables sur la place publique”, conclut l’auteur de ce commentaire, déplorant in fine l’absence de propos contradictoires, les informations étant ici réduites à « des slogans et des concepts sans grand débat sur le fond ».

A Berne, Albina Muhtari de Baba News rapporte « qu’une ligne éditoriale d’obéissance plutôt pro-israélienne » serait courante dans toute la Sarine. Mais elle comprend aussi que le débat entre les rédacteurs fait toujours rage au NZZ ou au Journal hebdomadaire (WoZ) Par exemple. Interrogé sur la manière dont cette guerre et ses conséquences sont vécues à Zurich et comment, par exemple, l’esprit de repentir allemand envers Israël aurait pu influencer également le sentiment des événements à Zurich, le WoZ nous ont dit qu’ils n’avaient pas le temps « de répondre dans un délai raisonnable à nos questions complexes ». Parmi celles-ci: savoir si l’attaque au couteau dont un membre de la communauté juive de Zurich a été tragiquement victime début mars a influencé la manière dont ont été gérés le conflit et ses conséquences. Pour Idris Djelid, il est possible qu’en Suisse alémanique «on veuille éviter de parler de Gaza et se concentrer sur l’Ukraine».

« Paresse et complaisance »

Dépositaire cette semaine à la Chancellerie fédérale à Berne d’une pétition qui demande aux autorités politiques et académiques de cesser toute répression contre les étudiants tout en leur accordant la liberté d’expression, l’avocate de l’ONG Swissactionforhumanrights, Tania Bukhari, constate pour sa part « une plus grande criminalisation des eux, et pas seulement dans les médias de droite », précise-t-elle. « Ils sont souvent présentés comme des personnes radicales. En fait, nous ne parlons ici que du 7 octobre ! Il est illégitime et criminel d’ignorer tout ce qui se passe en Palestine », a déclaré ce défenseur des droits humains, soupçonnant les médias de « paresse et de complaisance ».

Pas tout le monde. Un appel à signatures « pour protéger les journalistes à Gaza » circule, qui s’appuie sur les statistiques de Reporters sans frontières faisant état de 140 professionnels tués, dont une trentaine dans l’exercice de leur travail. «En Suisse, certaines rédactions semblent considérer comme un acquis les restrictions flagrantes de la liberté de la presse», déplore ce récent appel.

 
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