Le musée Filet de La Perrière donne la parole aux femmes d’hier, artisans et ouvrières

Par Jeanne MORCELLET
Publié le

27 avril 24 à 8h00

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Le travail des filets noués, brodés et perlés de La Perrière (Orne), pratiqué de main de maître par les femmes du Perche et particulièrement par celles du Perche, a désormais sa vitrine.

Enfileurs et brodeursqui a travaillé dur pour créer des merveilles raffinées et si précieuses dont les Parisiens raffolaient, ont aujourd’hui un lieu de mémoire.

Vivant et attrayant

Un lieu vivant, attractif, beau et bien pensé pour comprendre une réalité sociale longtemps passée sous le tapis.

Celui des femmes des villes et des petites communes, qui effectuaient pendant la journée des « travaux de dame » pour gagner péniblement leur vie, grappiller ce petit plus non négligeable qui servait à arrondir les fins et les débuts de mois difficiles.

Au rez-de-chaussée du tout nouveau musée, l’espace de projection accueille une dizaine de places.

Elle propose un film-vidéo-photos sur l’histoire de ces femmes qui travaillaient à leur porte, souvent ensemble, « par beau temps ».

Des milliers de perles

Une élégante et sa tunique perlée. ©DR

Ils formaient avec leurs mailles, leurs broderies et leurs perles, « des milliers de perles », des tuniques, des cols, des gants, des chapeaux, toutes sortes de beautés dont raffolaient les femmes chics, celles qui vivaient loin des campagnes et des grands villages.

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Broderie pointillée sur filet. ©JM

Femmes élégantes et travailleuses ne pouvaient se rencontrer et si la mode a conservé des modèles et des motifs alors en vogue dans la capitale, l’histoire sociale a enfin renoué avec l’identité et le travail de ces femmes longtemps « invisibilisées » malgré les cartes postales et la mémoire collective.

« L’idée avec ce court métrage qui s’ouvre sur le monde du filet est de donner un regard historique et féminin sur ces femmes et leur travail » explique Amale ElKhaledi, vice-présidente du CdC.

Une œuvre qui remonte au Moyen Âge et qui a été largement utilisée depuis les articles de plage jusqu’aux meubles et vêtements.

Une histoire de femmes pauvres

Les fileteurs groupés de La Perrière. ©DR

Mais le net, c’est avant tout une histoire de femmes et plus précisément de pauvres femmes.

C’est l’histoire d’une main-d’œuvre bon marché et précaire.

Celui des ouvrières qui fournissaient les fabricants de filets, généralement situés dans les grandes villes du Perche, en ouvrages finis après que les « patrons » leur avaient fourni les modèles et les matières premières, laine, soie, coton, lin, chanvre, fil…

Pour les trois grandes maisons de Husset, Reine et Vallée de La Perrière, les filetiers ont travaillé dur : « le travail des gantiers et des filetiers était bien moins payé que le travail agricole » résume Julien Dupré.

Les femmes travaillaient devant leur porte « par temps clair » avec leurs propres outils, le moule, la navette, la table.

Ils se sont également réunis pour former des petits groupes et partager le quotidien et la table.

Exploités et malléables, ils y passaient entre 10 et 12 heures par jour.

Une demi-douzaine d’œufs pour 10 m

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Le Perche a dénombré plus de 3000 gants. ©JM

« Un filetier expérimenté et efficace pouvait réaliser 15 000 à 18 000 mailles par jour, soit une bande de 10 m, et recevoir une demi-douzaine d’œufs en échange de ce travail », se souvient-il.

Une misère !

Les brodeuses, ouvrières spécialisées, mieux considérées socialement et un peu moins mal payées, travaillaient à domicile ou dans l’atelier du fabricant. Filière et brodeuse : un métier, un geste, un art transmis de mère en fille qui reposait sur un savoir-faire précis et délicat.

« Ils ont appris par mimétisme » poursuit Amale ElKhaledi.

Proche de Paris, le Perche représentait une importante zone de production.

Et si la maison Husset de La Perrière livrait Chicago et Londresles frères Hervieux de Rémalard ont vendu une énorme pièce pour 14 couverts à Rockefeller.

Premières machines

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Filet propre d’Hervieux. ©JM

Au XIXème siècle, l’industrialisation s’installe progressivement dans les villes et capitales du Perche : l’achat des premières machines date de 1926.

Les enfileurs ne peuvent rivaliser avec les machines lorsque, dans un même mouvement, les premières produisent une maille contre 500 pour les secondes.

L’industrie aura raison des mains expertes et savantes de ces femmes de l’ombre.

Pourtant, l’art du réseau semble intemporel et défie les modes. Il n’a peut-être pas dit son dernier mot.

Musée ouvert pendant les vacances du mercredi au dimanche, avec des horaires différents selon les périodes. Tel. : 02 33 73 09 69. Participation à la Nuit des Musées le 18 mai.

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