comment Senaux est devenu le plus petit village du Tarn

l’essentiel
Plus petit village du Tarn selon l’INSEE, Senaux ne compte que 34 habitants. Ici, au cœur des monts de Lacaune, tout le monde se connaît. Reporting porte-à-porte.

A 650 mètres d’altitude, Senaux, nichée au creux des Monts de Lacaune, vit à l’écart de l’agitation de la vie citadine. Dans la seule rue qui traverse le village, la première impression… c’est qu’il n’y a personne.

« L’été, les jeunes vacanciers s’allongent sur la route pour contempler les étoiles. Cela vous indique le trafic», sourit un octogénaire visiblement pressé de retrouver la chaleur de son foyer. Cette semaine, la neige est tombée par intermittence sur les montagnes environnantes. «Quand en hiver la couche est trop lourde, le maire déblaye la route avec son tracteur», explique Flavien Guillemain, 51 ans, architecte à Lacaune.

Le siège social de son agence d’architecte est à Senaux : « Après des années de pratique à Marseille, c’est un véritable coup de coeur qui m’a poussé en décembre 2014 à venir m’installer ici. Qu’est-ce qui a décidé ma femme et moi ? C’est voir notre fille grandir en paix, proche de la nature. Dix ans plus tard, aucun regret dans la voix : « Nous sommes à 15 minutes de Lacaune pour les courses et les activités des enfants. » Seul bémol : « La lumière de Marseille me manque un peu. » Il ajoute. « Et puis c’est un désert médical. Et encore une fois, il me semble que les choses vont un peu mieux.

Le couple agrandit l’ancienne maison : « le dernier permis de construire délivré dans le village », plaisante-t-il. Et comme il n’y a plus de terrains disponibles, il risque de conserver ce titre pour longtemps. Faisant office de guide, l’architecte nous emmène chez un couple de voisins : Annick et Max Vigon.

« L’intégration n’est pas facile »

Ils sont les derniers arrivés au village, en 2022. Des retraités qui quittent Nice pour les hauteurs du Tarn, il y a de quoi surprendre. Elle était fleuriste, lui architecte de jardins. Ils vivaient dans un joli appartement sur l’une des plus belles collines de la Cité des Anges. «Quand nous avons arrêté notre activité, nous avons perdu des revenus», soupire Max. « Ce sont des amis qui habitaient Viane qui nous ont fait découvrir le coin », se souvient Annick.

Annick et Max sont arrivés à Senaux en 2022.
DDM – ÉMILIE CAYRE

« La première fois que nous sommes venus, c’était en janvier. Il y avait de la neige, des stalactites dans les gouttières, du froid, du brouillard et il faisait nuit. Un pays de bêtises, me suis-je dit. Après deux ans à Senaux, le couple a des avis divergents : « Je suis en paix avec moi-même. Je vis en paix», assure Annick. Max est plus mitigé : « Nous sommes tolérés. Ils ne veulent pas du modernisme. L’intégration n’est pas facile. Mais mourez ici ou ailleurs… »

Notre guide nous emmène ensuite chez Anne-Marie Maffre, veuve de 88 ans, habitante du coin : « Je suis née au bas du village. Mon père était maçon et c’est lui qui a rénové la maison dans laquelle je vis depuis près de 60 ans », raconte-t-elle. Son mari était facteur dans le secteur : « Nous nous sommes mariés à son retour de la capitale ». Pendant des années, elle a vu tous ses camarades de classe aller « là-bas », c’est-à-dire en ville. Elle fréquente l’école communale, fermée depuis 1950, auprès du maire. « A chaque fois qu’on part, c’est une maison qui ferme. C’est triste “.

Anne-Marie vit au village depuis 60 ans.
DDM – ÉMILIE CAYRE

«Formica et cinéma»

Quant au maire élu depuis 1977, il s’inquiète pour sa succession. A 82 ans, Jacques Calvet a été agriculteur toute sa vie. « À Senaux, au début du XXe siècle, il y avait plus de 200 habitants », se souvient-il avec nostalgie. La guerre de 14-18, « Formica et cinéma », comme le chantait Jean Ferrat dans « La Montagne », mais aussi l’absence de travaux sur place expliquent cette fuite vers la plaine et les lumières de la ville.

Et demain ? « Peut-être devrons-nous nous regrouper avec les communautés environnantes ? » demande Bruno Barthes, 66 ans, installé au village depuis 2021. Pour sa compagne, Irène, pas d’état d’âme : « Ici, je vais bien. Nous vivons presque en autosuffisance. La viande vient de l’éleveur qui travaille là-bas, le boulanger passe une fois par semaine et nous avons tous des congélateurs.

Au village, tout le monde se connaît.
DDM – ÉMILIE CAYRE

Ainsi se déroule la vie à Senaux, dans cette montagne sérieuse et lyrique « nouée comme une vigne », où la terre chérie des ancêtres côtoie le havre de paix des nouveaux arrivants.

 
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