« Nous accueillons les personnes qui n’ont pas vu de médecin depuis trois ans »

Le village recherche désespérément un médecin. La même annonce, affichée sur une banderole, réapparaît sur les routes des communes de Creuse. Celui de Bellegarde-en-Marche, à l’est du département, a quelque chose en plus. Une vue sur les contreforts du Massif Central oui, mais surtout des professionnels de santé. Un grand nombre même. En moins d’un an, le village de 400 âmes a accueilli près de 100 médecins généralistes, où personne ne veut s’installer.

A proximité du cœur du village, en bordure d’un pré, l’association Médecins Solidaires a investi les murs d’un tout nouveau centre de santé qui, depuis deux ans, tentait en vain d’installer un médecin généraliste. La commune est enfin desservie, il y en a deux par semaine. Lors de la deuxième rotation en avril, un couple de praticiens strasbourgeois assurent les soins. Le docteur Solveig Traube, 32 ans, ne connaissait les environs qu’à travers un adage : « Déjà pendant mes études, on me disait en plaisantant que je finirais généraliste en Creuser. « Le désir de « offrir un service aux patients dans un territoire négligé » je l’ai amenée ici pendant quelques jours.

Coordonnateurs vitaux

Dans son bureau hebdomadaire, elle recevra une centaine de personnes, du lundi au samedi. Au milieu d’un désert médical, les demandes affluent : traitements à répéter, examens à ordonner, lettres aux spécialistes, évaluations. « D’habitude pour un rendez-vous, on essaie de ne pas dépasser deux motifs de consultation. Mais là, toutes leurs problématiques de soins sont aussi importantes les unes que les autres donc il faut y répondre »prescrit le médecin.

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C’est le cas de Michel, la soixantaine avancée, qui traverse le département pour la sixième fois. Le patient est bien connu à l’accueil du centre. « Ma femme et moi n’avons plus de médecin généraliste car il a pris sa retraite à Noël. A La Souterraine, je ne trouve personne : il y a sept médecins mais aucun ne prend de nouveaux patients. Je dois parcourir 200 kilomètres aller-retour rien que pour faire recharger mes médicaments. », se souvient-il. Le même témoignage revient. Et qui nous étonne encore. ” Nous accueillons les personnes qui n’ont pas vu de médecin depuis trois ans », acquiesce Emmanuelle Albert.

Michel indique la distance qu’il doit parcourir sur la carte entourée de portraits de médecins passés par le centre. (Crédit photo : MG/La Tribune)

A l’accueil, la coordinatrice voit défiler les dossiers et connaît les habitués par cœur. Avec ses deux collègues, ils assurent les fonctions vitales du centre. ” Elle est bien plus qu’une secrétaire médicale : ici, nous sommes les hôtesses de la maison. Les médecins ne savent rien à leur arrivée, ils ne connaissent ni le lieu ni les environs. Nous connaissons les patients, nous sommes là pour établir un lien avec eux. Ils doivent exercer la médecine clinique dans les meilleures conditions », applique-t-elle. Les pratiquants défilent, ils restent. Le remède secret mais pas miracle de Médecins Solidaires produit ses premiers effets.

Blues du médecin de famille

L’association s’appuie sur une rotation collective des praticiens plutôt que sur une implantation individuelle dans trois villages du centre de la France (deux en Creuse, un dans le Cher). ” Une famille de médecins plutôt qu’un médecin de famille » comme nous aimons le présenter aux élus locaux. Des centres ouverts successivement depuis février 2023 et qui ont déjà accueilli plusieurs milliers de patients pour 200 médecins passés par ces déserts médicaux. Le double patient en file d’attente. A l’origine de cet engouement, un médecin fraîchement diplômé, tout juste trentenaire, parti faire un tour de France dans les déserts médicaux en 2021. » J’ai été frappé par la réalitéMartial Jardel revit. Les médecins ne peuvent pas rester les bras croisés et se contenter de dire que les politiciens ont fait quelque chose de mal.il réfléchit alors. Au lieu de demander beaucoup à quelques médecins, nous demanderons un peu à plusieurs. »

Une ambition qui se heurte à la figure sacrée du médecin de famille, emblème de référence de la profession. « Le médecin de famille est un modèle vraiment magnifique ; tant qu’il y aura des médecins qui voudront s’installer, il faudra que ça continue. Mais quand il n’y en a pas, que fait-on ? », demande Martial Jardel. Sa proposition associative a suscité une réflexion dans les rangs. « Avant, le médecin était le seul maître à bord, on est dans un métier individualiste. Ce qui a changé, c’est que les jeunes ont envie de travailler collectivement sans négliger leur vie personnelle.observe Claude Landos, médecin en Creuse et président départemental du syndicat MG France. Centres de santé, contreCe n’est pas ce qu’il y a de mieux pour suivre un patient mais c’est bien mieux que rien. » Le syndicat organisera cet été pour la troisième année un critère médical en Creuse pour attirer les étudiants. Le thème : « L’installation a-t-elle encore un avenir ? « .

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L’appel au ministère

Deux étés auparavant, Martial Jardel avait cofondé Médecins Solidaires avec l’association Bouge ton coq, qui œuvre pour des actions d’intérêt général en milieu rural. Porté par ces nouvelles aspirations, il souhaite alors s’appuyer sur des villages manquant de professionnels de santé pour se déployer. Dans le modèle, c’est la communauté (commune ou communauté de communes) qui prend en charge les coûts de construction et immobiliers. La valse des médecins a un coût, il faut compter entre 200 000 et 250 000 euros pour lancer un site, avec 80 % de financement public. Les médecins, de leur côté, acceptent de baisser leur rémunération à 1 000 euros par semaine afin de financer les salaires des animateurs. Sur place, ils sont hébergés et disposent d’une voiture de fonction.

Le Docteur Martial Jardel est basé dans le département voisin de la Haute-Vienne.

Les centres fonctionnent à pleine capacité grâce au travail des sept coordinateurs. En coulisses, six salariés – rémunérés grâce aux subventions de l’Assurance maladie – travaillent depuis Paris pour répéter de fastidieuses tâches administratives. Car chaque médecin en mission doit disposer d’un CDD ou d’un CDI temporaire pour être employé par l’association. Convaincu par un « position d’avant-garde »la coalition des maires ruraux voudrait leur faciliter la vie.

On défend l’idée auprès du ministre de la Santé pour faciliter les choses, pour éviter des paperasses stupidesa annoncé à La Tribune Gilles Noël, vice-président de l’Association des maires ruraux de France, chargé de la santé. Nous faisons pression pour que les médecins disposent d’une autorisation particulière afin d’exercer temporairement sur un territoire. »

“Ils ne peuvent pas tout résoudre”

Médecins Solidaires a déjà occupé un poste au ministère et attend désormais des évolutions. « Nous espérons que cela influencera les futures politiques publiques »l’histoire de ” mettre notre énergie vitale dans autre chose que la contrainte stérile », illustre Martial Jardel. Mais même en le débridée, le modèle aura ses limites. L’association ne peut pas assurer la permanence des soins sur un territoire, elle doit pouvoir compter sur la stabilité des animateurs et faire face à l’abandon des pharmacies, le tout avec des ressources financières limitées.

« Nous sommes bien conscients qu’ils ne peuvent pas tout résoudre mais ils donnent de l’espoir », relaie Gilles Noël, quand les guérisons des déserts médiaux se limitent à la téléconsultation et à la livraison de médicaments par drone. Les Médecins Solidaires veulent continuer à mener la campagne en ouvrant dix centres d’ici trois ans. C’est autant de demandes que l’association reçoit chaque semaine de la part des maires ruraux.

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