L’ADN bactérien fossilisé dans le sol révèle le passé de Montréal

L’ADN bactérien fossilisé dans le sol révèle le passé de Montréal
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L’ADN bactérien fossilisé dans le sol où fut construit le fort de Ville-Marie en 1642 a permis de révéler certaines activités pratiquées par les premiers Français installés à Montréal. Ces découvertes ont été rendues possibles grâce à une toute nouvelle approche archéologique développée par des microbiologistes de l’UQAM l’archéologue du musée Pointe-à-Callière.

Dans un premier temps, les chercheurs ont prélevé des échantillons de sol sur le site du fort de Ville-Marie, dont une partie a été découverte et mise en valeur sous un plancher de verre dans un pavillon du musée Pointe-à-Callière. Ce fort est le premier établissement érigé par les fondateurs de Montréal en 1642.

Dans ces échantillons, la microbiologiste Cassandre Lazar, professeure au département des sciences biologiques de l’UQAM, et l’étudiante à la maîtrise Marjorie Collette, ont dû faire la distinction entre les bactéries fossiles et vivantes. “Toutes les cellules vivantes contiennent de l’ADN qui est accompagné [d’une copie identique sous forme] d’ARN. Or, l’ARN se décompose très rapidement, tandis que l’ADN se fossilise. Si l’on détecte de l’ADN associé à l’ARN, cela signifie que ce fond génétique appartient à une bactérie vivante. Alors que si on ne détecte que de l’ADN sans son ARN associé, cela veut dire que cet ADN est fossile et appartient à une ancienne bactérie», a expliqué l’archéologue de Pointe-à-Callière Hendrik Van Gijseghem, en entrevue.

“C’est la première fois qu’une telle technique est utilisée sur des sols archéologiques dans le but de faire la lumière sur les activités humaines du passé”, a-t-il souligné.

Il nous reste encore beaucoup de travail de collecte d’informations et d’interprétation à faire. […] Nul doute que les bactéries continueront de nous révéler de nouvelles informations.

Les génomes bactériens fossiles identifiés ont ensuite été comparés à ceux présents dans de grandes bases de données alimentées par tous les microbiologistes du monde qui transmettent leurs observations, incluant notamment les contextes et environnements précis dans lesquels ils ont détecté les bactéries qu’ils ont identifiées. C’est ainsi que nous avons pu savoir à quels types de milieux ou d’activités étaient associés les bactéries fossiles exhumées du fort de Ville-Marie.

Les communautés bactériennes les plus abondantes détectées dans le fort ont d’abord confirmé les observations archéologiques faites précédemment. “Ils ont indiqué des activités similaires à celles révélées par les données archéologiques”, a précisé M. Van Gijseghem. Par exemple, la présence de communautés bactériennes normalement associées à la viande en décomposition ou aux activités de boucherie confirmait que la boucherie avait lieu dans le fort.

Culture du tabac

L’identification d’un ensemble de bactéries ayant été observées, selon la base de données, dans des déchets miniers, ainsi que dans des grottes d’origine volcanique, a semblé à première vue très étrange aux trois chercheurs. “Mais les bactéries ne mentent pas, si elles sont dans un lieu, c’est qu’elles ont vraiment une raison d’être là, parce qu’elles ont des préférences environnementales très précises”, remarque l’archéologue.

« Ce groupe bactérien est apparu dans un premier temps comme une anomalie, mais nous avons finalement avancé l’hypothèse d’éventuels travaux de forge et de métallurgie pour expliquer leur présence sur le site du fort. Des artefacts ont été découverts qui confortent l’hypothèse d’un travail métallurgique. Il y aurait eu au moins des tentatives pour transformer le minerai local en métal pour fabriquer des outils, et ces communautés bactériennes que nous avons trouvées contribuent à renforcer cette interprétation », a-t-il déclaré.

Une autre découverte pour laquelle « le matériel archéologique disponible était muet ou équivoque » est celle du jardinage à l’intérieur du fort. « On sait qu’il y avait des champs de culture à l’extérieur du fort, mais on peut désormais imaginer qu’il y avait de petits potagers destinés au maraîchage à l’intérieur de l’enceinte du fort, que ce soit pour des raisons de sécurité ou de commodité. Un de nos échantillons semble suggérer qu’il y avait effectivement des cultures à l’intérieur du fort, notamment la culture du tabac, une plante indigène rapidement adoptée par les Français. Nous savions qu’ils fumaient parce que nous avions trouvé beaucoup de pipes, mais savoir qu’elle était cultivée sur place était une information qui nous avait été fournie par la bactérie », a expliqué M. Van Gijseghem.

Les chercheurs ont également découvert des bactéries précédemment détectées sur des plantes médicinales d’Asie, qui n’étaient bien sûr pas présentes à Ville-Marie au XVIIe siècle.e siècle. “Il faut être prudent dans nos interprétations car nous ne connaissons pas tous les environnements dans lesquels peuvent se trouver certaines bactéries même si elles ont été identifiées dans des contextes très précis”, a-t-il souligné.

« Nous avons encore beaucoup de travail de collecte d’informations et d’interprétation à faire. […] Il ne fait aucun doute que les bactéries continueront à nous révéler de nouvelles informations », s’enthousiasme-t-il.

La technique nécessite un certain effort, mais n’est pas particulièrement coûteuse, a-t-il ajouté. « Elle pourrait être utilisée pour confirmer ou infirmer certaines hypothèses lorsque les données archéologiques sont équivoques, imprécises ou nécessitent des nuances. »

«Je vois une grande utilité à la microbiologie, comme l’ont été la palynologie et l’entomologie. Il fournit de nouvelles données qui contribuent à notre compréhension du passé. Comme les bactéries sont partout, elles pourront nous renseigner sur les activités humaines, mais aussi sur le type de végétation qui prospérait à cette époque lointaine », a-t-il soutenu.

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