Comment Macron a avalé son chapeau – Le1

Contraint de descendre de son piédestal après le choix malheureux de la guerre de coercition contre le Maroc et ses institutions, Emmanuel Macron se retrouve dans une situation délicate, poussé à reconsidérer sa stratégie envers Rabat. Cette approche intervient dans un contexte où la France, traditionnellement perçue comme un partenaire diplomatique de premier plan, a vu son influence remise en question à la suite d’une série de décisions qui ont mal tourné. La diplomatie marocaine s’est en revanche distinguée par sa capacité à manœuvrer habilement, préservant ses intérêts nationaux tout en confrontant la France à ses contradictions.

La normalisation avec la France a été réalisée. Il a fallu quatre étapes essentielles pour y parvenir :

  1. Alignement entre les services de renseignement : Une rencontre cruciale à Rabat entre Abdellatif Hammouchi, chef de la Sûreté nationale marocaine, et le préfet Nicolas Lerner, juste avant sa nomination au poste de directeur de la DGSE, surnommée « La Piscine » ;
  2. Apaisation des tensions entre l’Élysée et le Palais : Un déjeuner a été organisé par Brigitte Macron à l’Élysée, en l’honneur des sœurs de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Immortalisé par une photo au Pérou du château, symbolisant un apaisement entre le président français et le roi du Maroc, tournant la page de l’incident de «l’impolitesse de Macron»
  3. Rétablissement des relations diplomatiques : La visite officielle de Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères, au Quai d’Orsay a marqué une étape importante dans la reconnexion diplomatique ;
  4. Renforcer la coopération en matière de sécuritée : Un tête-à-tête entre Abdelouafi Laftit, ministre marocain de l’Intérieur, et son homologue français, Gérard Darmanin, tenu ce lundi permet de relancer les liens sécuritaires entre les deux pays.

Ce renouveau intervient après une période tumultueuse de plus de trois ans au cours de laquelle la présidence Macron a lancé une offensive sur plusieurs fronts contre le Maroc. Parmi les tactiques utilisées figurent une campagne médiatique diffamatoire visant la monarchie, l’exploitation de l’Union européenne et de la Belgique comme levier de pression politique, des menaces de retrait des intérêts économiques, une alliance machiavélique avec l’Algérie sur la question du Sahara, le refus de visas aux hauts fonctionnaires. dirigeants politiques et économiques marocains, et tentatives d’exacerbation des tensions populaires, notamment lors du tremblement de terre d’Al Haouz.

Malgré ces manœuvres hostiles, la « Macronie » n’a pas réussi à affaiblir la position du Maroc. Au contraire, ces actions ont plutôt détérioré la stature politique de la France, non seulement en Europe, mais aussi en Afrique et au Moyen-Orient.

Dans le contexte mondial actuel, miné par les guerres en Europe et en Israël avec le risque terroriste qui plane désormais sur les Jeux Olympiques de Paris, l’« iranisation » de l’Algérie et son isolement croissant, et le rôle prééminent du Maroc en Afrique atlantique, Macron désormais se voit obligé de rétablir la confiance avec le Maroc. La mission est complexe : il s’agit non seulement de corriger les erreurs passées mais aussi de reconstruire une confiance mutuelle profondément endommagée.

L’effet « Lerner »

Les deux mandats de Macron ont été marqués non seulement par des débâcles diplomatiques et militaires, mais aussi par un échec flagrant des services de renseignement français. La crise du Covid-19 a mis en lumière les premières faiblesses de l’anticipation de l’administration Macron. Puis vint la déroute du renseignement militaire français lors de la guerre en Ukraine. La Direction du renseignement militaire (DRM), contrairement aux services américains et britanniques, jugeait improbable une offensive russe. Son directeur, le général Eric Vidaud, a été licencié sept mois seulement après sa nomination.

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dirigée par Bernard Émié, n’a pas échappé aux critiques, au point d’être surnommée « le blaireau légendaire », en référence ironique à une série télévisée, et à ses agents, les « charlots ». Émié a été limogé, assumant la responsabilité des échecs au Sahel et au Maroc, et remplacé par un profil proche de celui d’Abdellatif Hammouchi, le préfet de police et directeur de la DGSI, Nicolas Lerner.

Les deux hommes se sont d’ailleurs rencontrés à Rabat le 15 décembre 2023, soit seulement 5 jours avant la nomination officielle de Lerner à la tête de la « Piscine ».

C’est à partir de cette rencontre décisive que le processus de normalisation des relations entre Rabat et Paris a pris un nouvel élan. A noter que les signes avant-coureurs de ce réchauffement diplomatique étaient déjà visibles trois mois plus tôt : un dîner privé réunissant Jean-Luc Mélenchon et le conseiller royal Fouad Ali El Himma chez l’influente Neila Tazi, suivi de la nomination de Samira Sitail comme ambassadrice. à Paris, poste resté vacant depuis plusieurs mois.

Nicolas Lerner, camarade de Macron à l’ENA, s’est rapidement attaché à corriger les erreurs du passé. Son rôle clé dans les relations franco-marocaines a été souligné dans un article de Challenges, où la photo de sa rencontre avec Hammouchi a été décrite comme une réalisation significative du nouveau maître-espion français.

Les affaires au Sahara et à l’ombre des Émirats

Le journal électronique marocain LeDesk a fait une série de révélations sur ce qui semble être le pipeline de projets économiques qui accompagneront la normalisation des relations entre le Maroc et la France. Lesquels projets ont été débloqués et officiellement annoncés juste après la visite de Nasser Bourita à Paris et sa rencontre avec son homologue français et ancien critique du Maroc, Stéphane Séjourné.

Corridor logistique Imec : Gérard Mestrallet, l’émissaire de Macron, attendu au Maroc

Laprophan seul en lice pour racheter l’usine française Recipharm

Proparco en lice pour cofinancer l’autoroute électrique Sud-Nord avec les Emiratis

Moulay Hafid Elalamy rachète SGMB et Marocaine Vie pour 745 millions d’euros

De ces annonces médiatiques nous retenons trois axes stratégiques :

  1. Un pas vers la reconnaissance de la souveraineté du Royaume du Maroc sur son Sahara

Le Maroc exige désormais des positions claires de la part de ses pays partenaires concernant le Sahara, conformément aux appels explicites du roi Mohammed VI sur cette question. En l’absence d’un changement radical de sa propre position et en attendant une éventuelle rencontre avec le souverain chérifien, Emmanuel Macron aurait donné son feu vert aux institutions publiques françaises de développement et d’investissement pour financer des projets dans les provinces du sud du Sahara.

  1. Influence émiratie

Le renforcement des liens stratégiques entre le Maroc et les Émirats arabes unis a été marqué par la signature en décembre 2023 d’un accord de coopération, remarquable par la diversité, l’ampleur et l’importance des projets d’investissement accordés à Mohammed Bin Zayed (MBZ). Le déroulement potentiel de cet accord a mis l’eau à la bouche des entreprises françaises.

  1. Rattrapez le train des Accords d’Abraham

Mis à l’écart du processus de normalisation entre Israël et les pays arabes, Emmanuel Macron souhaite se réserver une part dans l’alliance stratégique et économique en construction. Le projet IMEC (India-Middle East-Europe Economic Corridor), lancé en marge du dernier sommet du G20 à New Delhi, en septembre 2023, en est l’occasion rêvée. Pour cela, le président français s’est empressé de nommer un émissaire, l’ancien PDG du groupe Engie, Gérard Mestrallet, malgré la guerre à Gaza.

La France compte sur le Maroc pour soutenir ce projet majeur et bénéficier de ses atouts économiques et géostratégiques.

Le Maroc a changé d’échelle et d’ambition

Alors que la France continue de s’appuyer sur ses acteurs économiques historiques, comme Alstom, CMA CGM et Engie, pour relancer la coopération économique à travers les investissements et l’obtention de marchés publics, sur les effets d’annonce et de communication, le Maroc embrasse un tout nouveau paradigme dynamique.

Preuve en est le rachat d’un site industriel français, Recipharm, par un laboratoire pharmaceutique marocain, Laprophan. De même, l’opération historique du rachat de la Société Générale Maroc par le milliardaire marocain Moulay Hafid Elalamy illustre cette tendance.

Plus significatif encore, l’ONG Tiba Africa, l’une des plus influentes d’Afrique, fondée par le jeune Mohamed Amine Zariat, a été mise en avant en France. Célébrée en présence du Premier ministre français Gabriel Attal, cette organisation est saluée comme un modèle d’autonomisation et d’inclusion sociale des jeunes à travers le sport, témoignant ainsi de la montée fulgurante du dynamisme marocain face à un conservatisme économique français plus prudent.

Mohamed Amine Zariat, Président de Tibu Maroc et Gabriel Attal, Premier Ministre français lors du Sommet de Mesure d’Impact 2024 au CESE, Paris
 
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