Près de 10% absents des cours

Une proportion comparable à celle observée pendant la pandémie


Publié à 1h05

Mis à jour à 5h00

Début avril, près de 10 % des jeunes de la province n’étaient pas scolarisés, un pourcentage presque aussi élevé qu’en pleine pandémie. Désengagement scolaire, voyages, anxiété : les hypothèses varient sur les causes de ces absences.

Avant la pandémie, une proportion « normale » d’absentéisme étudiant se situait au maximum autour de 5 à 7 %.

Cependant, les chiffres les plus récents fournis à La presse par le ministère de l’Éducation – qui les collecte, mais ne les publie plus – montrent que la première semaine d’avril, 9,5% des élèves des écoles primaires et secondaires publiques étaient absents. C’est presque autant qu’au plus fort des vagues de COVID-19.

Un élève sur dix, soit environ deux ou trois élèves par classe qui s’absentent chaque jour, c’est beaucoup, estime Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

Depuis la pandémie, dit-il, le rapport à l’école a changé.

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PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directeurs d’établissements d’enseignement

Je pensais qu’avec le COVID, les parents prendraient conscience de ce que fait l’école. Je m’attendais au contraire à ce que l’école retrouve les lettres de noblesse qu’elle perdait.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directeurs d’établissements d’enseignement

Il y a beaucoup d’élèves qui « refusent tout simplement de venir à l’école », affirme le directeur adjoint d’une école secondaire, qui ne peut être identifié car il craint des représailles de la part de son centre de services scolaire. « Les parents ont souvent abandonné, faute de moyens pour forcer leur enfant à venir à l’école », écrit celui qui travaille dans une école d’environ 1 500 élèves.

« Il arrive donc que des jeunes de 14 ans restent à la maison joueur 24 heures sur 24, en toute impunité », ajoute-t-il. La semaine dernière, pour la dernière partie de la journée, le taux d’absence parmi ses élèves était d’environ 10%, selon les données qu’il nous a fournies.

Depuis la pandémie, la fréquentation est un vrai problème, affirme une enseignante d’une école primaire de Montréal. Elle a vu des élèves qui ne venaient à l’école que quatre jours par semaine, voire trois. « Nous parlons d’enfants de 10 ans que les parents les laissent à la maison ! », a-t-elle dit, déplorant qu’il n’y ait « aucun suivi des instructions ».

Il y a aussi les voyages, ajoute cette enseignante, qui travaille dans un environnement multiculturel. Beaucoup de ses élèves reviennent voir leur famille à l’étranger au cœur de l’année scolaire, grâce à des billets d’avion moins chers. « C’est l’enfer. J’ai une étudiante qui est arrivée en octobre », illustre-t-elle. Il y a aussi cette autre jeune « à 30 % de notes » partie une semaine en voyage dans le Sud avec ses parents.

« En concurrence » avec d’autres activités

De nombreux facteurs peuvent expliquer pourquoi tant d’étudiants sont absents chaque jour. Mais c’est une attitude négative envers l’école qui explique le plus l’absentéisme, estime Frédéric Guay, professeur à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la motivation, la persévérance et la réussite scolaire.

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PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES DU SOLEIL

Frédéric Guay, professeur à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la motivation, la persévérance et la réussite scolaire

Je pense que les étudiants qui sont le plus absents sont ceux qui ont le sentiment de ne pas être à leur place.

Frédéric Guay, professeur à l’Université Laval

« L’école est en concurrence avec toutes sortes de choses amusantes à faire : qu’il s’agisse de jeux vidéo, de faire des activités entre amis, de faire du sport », ajoute M. Guay, qui constate que les jeunes sont aussi livrés à eux-mêmes, sans surveillance à la maison.

À Tel-Jeunes, nous constatons depuis un an une augmentation des appels de parents dont les adolescents éprouvent de l’anxiété à l’idée d’aller à l’école.

Ils ont témoigné que leurs enfants « refusent d’aller à l’école, ont des crises d’anxiété ou de panique tous les matins », illustre Alexandra Fournier, porte-parole et experte-conseil à Tel-Jeunes.

« Avec la grève qu’on a vécu cette année, il y a aussi des jeunes qui nous ont contactés à l’occasion de cette rentrée en disant : c’est stressant, est-ce que je pourrai être performant dans mon année, tout va être précipité, ou alors juste des jeunes qui n’ont pas réussi. je n’ai pas le goût [d’y retourner] », explique M.moi Fournier.

« Est-ce un effet post-pandémique retardé ? “, elle demande.

C’est aussi ce que dit Frédéric Guay. « Le contexte pandémique semble avoir eu un effet amplificateur sur les problèmes de santé mentale. On se retrouve avec des étudiants qui sont plus vulnérables. Y en a-t-il qui ont plus de problèmes de dépression, d’anxiété et qui ne veulent pas aller à l’école ? Ça pourrait être ça», a déclaré M. Guay.

Une tendance observée ailleurs

L’augmentation de l’absentéisme scolaire n’est pas unique au Québec. Un récent reportage de la CBC a révélé que dans de nombreuses régions du pays, l’absentéisme chronique (manquer au moins 10 % de l’année scolaire, soit environ 18 jours) est en augmentation.

La situation est similaire aux États-Unis, a révélé le New York Times au début du mois. À l’échelle nationale, on estime qu’un quart des élèves des écoles publiques ont été absents de manière chronique, ce qui signifie qu’ils ont manqué environ 18 jours d’école. Avant la pandémie, cette proportion était de 15 %.

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PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La relation que les parents et les élèves entretiennent avec l’école a changé depuis la pandémie.

À l’école secondaire Serge-Bouchard de Baie-Comeau, une politique de fréquentation a été créée en 2016 et est toujours en vigueur. Aujourd’hui, le directeur Steve Ahern affirme que l’absentéisme scolaire dans son école est sous contrôle.

Nous effectuons une surveillance systématique. Lorsque vous avez plus de deux jours d’absence, le surveillant appelle les parents.

Steve Ahern, directeur de l’école secondaire Serge-Bouchard

« Nous sommes une petite ville ici. Souvent, nous avons des professeurs qui arrivent en disant : « on a vu un tel dans tel endroit ». Je suis un peu bizarre, je vais y aller », a déclaré le réalisateur en riant.

Son école est dans un environnement défavorisé, explique-t-il, et des « filets de sécurité » sont nécessaires pour accroître la réussite, notamment en agissant sur l’absentéisme.

Le professeur Frédéric Guay estime que le rôle des enseignants est essentiel. « Quand c’est intéressant, ce qu’on fait en classe, ça ne plaira pas à 100 % des élèves, mais ça plaira à bon nombre d’entre eux. Tâchons d’offrir un enseignement le plus motivant possible », affirme M. Guay.

Mais, ajoute-t-il, les enseignants sont confrontés à « des cas plus difficiles » et à des classes de plus en plus hétérogènes.

 
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