dans le quotidien des bénévoles en soins palliatifs

dans le quotidien des bénévoles en soins palliatifs
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Tous les jeudis après-midi, Christèle Dumas-Gonnet se rend au service de neuro-oncologie de l’hôpital Pierre-Wertheimer de Lyon, où sont soignées les personnes atteintes d’un cancer du cerveau. L’espérance de vie moyenne y est de neuf mois. À son arrivée, l’équipe soignante lui donne les noms des patients qu’elle pourrait visiter. La quinquagénaire débarque, demande si elle peut s’asseoir, puis reste dans la pièce le temps nécessaire. « Je n’apporte ni piqûre ni jugement. Je ne viens pas occuper le patient, confie-t-elle. Je ne suis qu’une présence. »

Comme elle, ils sont près de 6 000 bénévoles partout en France qui consacrent une demi-journée par semaine à accompagner les personnes en fin de vie, dans les unités de soins palliatifs, à l’hôpital, à domicile, ou plus rarement en Ehpad. Un chiffre que la ministre de la Santé Catherine Vautrin a annoncé début avril vouloir doubler d’ici dix ans, dans le cadre de la stratégie décennale destinée à renforcer les soins palliatifs.

Bénévoles soumis au secret professionnel

Seul service volontaire présent dans le code de la santé publique, l’accompagnement en fin de vie implique le respect d’obligations définies par la loi de 1999 relative aux soins palliatifs. Le volontaire est soumis au secret professionnel et ne dispose d’aucune prérogative médicale. Il doit également suivre plusieurs jours de formation sur l’écoute active et le cadre juridique, puis participer mensuellement à un groupe de discussion avec d’autres bénévoles, sous la supervision d’un psychologue.

« Nous ne sommes ni des soignants ni des prochesrésume simplement Sandrine, bénévole dans une unité de soins palliatifs de la Drôme, pour décrire cet engagement souvent méconnu du grand public et des patients eux-mêmes. Les patients n’osent parfois pas prendre leur temps avec les médecins, ni parler de leurs angoisses avec leurs proches. Avec nous, ils peuvent se confier ou choisir de ne pas le faire. »

Une fois dans la chambre, Sandrine demande systématiquement l’autorisation au patient ou à sa famille. Une des difficultés est de «Ressentez les oui qui veulent dire non et les non qui veulent dire oui». Le quinquagénaire se souvient par exemple d’une visite chez un homme d’un certain âge très en colère, qui se plaignait du nombre de personnes qui avaient défilé dans sa chambre, du médecin au psychologue, en passant par l’aumônier. « Je lui ai posé des questions sur ces visites. Pourquoi le psychologue est-il venu ? Qu’est-ce qu’il vous a dit? Et plus il parlait, plus sa colère diminuait. Il a fini par me remercier avec un grand sourire. Il avait juste besoin d’être écouté. » A l’inverse, certaines personnes n’osent pas dire non, par politesse, alors qu’elles préféreraient se reposer. Parfois, Sandrine est “éjecter” d’une chambre. “Cela nous apprend l’humilité”admet-elle avec le recul.

Une majorité de femmes parmi les bénévoles

D’une semaine à l’autre, si le patient qu’elle a rendu visite n’est plus dans le service, elle ne demande jamais où il est. Une façon de ne pas s’attacher, de se protéger. « Savoir s’ils sont morts ou s’ils ont simplement changé de service ne changerait rienelle admet. Je ne veux pas charger mes valises avec ceux qui sont partis. » Lorsque la valise devient un peu trop lourde, Sandrine sait qu’elle peut compter sur son groupe de soutien, au sein duquel elle s’est fait des amis.

Savoir gérer la distance est l’enjeu du processus de sélection à travers lequel les formateurs explorent les motivations et les faiblesses qui pourraient nuire tant aux patients qu’aux candidats eux-mêmes. Ils ont des profils très divers. Ce sont des étudiants, actifs ou retraités, âgés de 25 à 75 ans. La seule distinction notable est la proportion de femmes dans leurs rangs. Beaucoup s’engagent après avoir accompagné un proche en fin de vie ou, à l’inverse, vécu un deuil brutal. C’est le cas de Véronique Comolet, bénévole à la maison Jeanne-Garnier à Paris. «Je voulais voir ce que ça faisait de prendre le temps de se dire au revoir»témoigne celui qui s’est engagé il y a maintenant seize ans.

Catholique pratiquante, elle inscrit aussi cet engagement dans sa foi. « Quand les gens partent, je me dis toujours que le Christ est quelque part, tout près. » Elle prend cependant soin de ne pas “ne jamais initier le sujet” elle-même, à respecter le cadre laïc de cet engagement. Même si de nombreux catholiques s’impliquent dans les soins palliatifs, Véronique Comolet estime qu’ils ne sont pas plus représentés dans ce volontariat que dans d’autres – les personnes en quête d’un accompagnement spirituel se tournent davantage vers les aumôneries hospitalières.

Recherche de sens

De nombreux bénévoles d’accompagnement en fin de vie expriment leurs questions, souvent empreintes de spiritualité. « Depuis la pandémie de Covid-19, de plus en plus de jeunes s’engagent, espérant trouver un sens supplémentaire qu’ils ne trouvent pas toujours dans leur activité professionnelle », souligne le sociologue Tanguy Chatel, lui-même autrefois bénévole en soins palliatifs et désormais formateur. Marine Monot, engagée depuis janvier dernier à Notre-Dame du Lac, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), affirme être « à la recherche d’échanges dépourvus de certains filtres. Au contact des patients en fin de vie, on est dans une forme d’essentiel, on va droit au but.”

Malgré la proximité de ses fiançailles avec la mort, la trentenaire insiste sur l’incroyable vitalité qui se dégage de ces échanges. « J’ai rarement ressenti des moments aussi intenses. »« Quand je sors des soins palliatifs, je ne suis jamais dépriméeconfirme Sandrine. Au contraire, je suis content car je suis en pleine forme. Cela me rappelle à quel point la vie est précieuse. » Tanguy Chatel le reconnaît, cet engagement nourrit à la fois le patient et le bénévole. « Ils savent ce qu’ils reçoivent, même s’il leur est plus difficile de savoir ce qu’ils apportent.analyse le formateur. Et c’est une bonne chose : sinon, ils ne pourraient pas continuer. »

Le projet de loi sur la fin de vie bouscule les bénévoles

Beaucoup d’entre eux ont été ébranlés par le projet de loi sur la fin de vie, qui donne accès à « aide à mourir » pour les patients sous certaines conditions. Leur inquiétude est à la hauteur de l’intensité de leur engagement, mais s’exprime discrètement. « Ils ne sont pas spontanément enclins à se mettre en avantobserve Erwan Le Morhedec, auteur d’un livre sur les soins palliatifs et lui-même bénévole, activement engagé contre le projet de loi. Le rôle du bénévole encourage plutôt le contraire. Ils ont pris l’habitude de ne pas débattre, également par respect pour la volonté du patient. »

Comme beaucoup d’entre eux, Véronique Comolet n’a jusqu’à présent jamais été confrontée à une demande de mort. Si le projet de loi était adopté, elle ne sait pas comment elle réagirait en présence d’une personne qui demande une injection mortelle. “Mais je suis là pour soutenir tout le monde”, elle dit. Marine Monot assure qu’elle continuera à sensibiliser à la culture palliative. « La fin de la vie et la mort appartiennent à tous, mais l’accès aux soins palliatifs est un droit pour tous. »

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Le plan du gouvernement pour les soins palliatifs

Début avril, la ministre de la Santé Catherine Vautrin a annoncé un effort financier de 1,1 milliard d’euros sur dix ans pour le développement des soins palliatifs.

A court terme, le gouvernement veut créer 220 places supplémentaires dans les unités de soins palliatifs d’ici 2025, pour atteindre un total de 1 760 places. Il prévoit également la mise en place de 427 équipes mobiles, contre 412 actuellement.

Le projet de loi sur la fin de vie prévoit également la création de « maisons de soutien », défini comme « structures intermédiaires entre domicile et hôpital » et composé de « de petites unités de vie qui offriront une prise en charge globale et multidisciplinaire aux personnes en fin de vie et à leurs proches ».

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