La Patrouille Suisse va bientôt perdre ses avions

La Patrouille Suisse va bientôt perdre ses avions
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Un F-5E Tigre II.Image : clé de voûte

C’est bruyant, peu écologique, mais ça passionne les foules. L’équipe suisse a déjà été mise sous pression à plusieurs reprises. Mais jamais sa date de péremption n’est apparue aussi clairement qu’aujourd’hui.

Benjamin Rosch / ch médias

Quiconque a déjà assisté à un ballet aérien connaît les ooh et les aah lorsque les héros volants apparaissent enfin. Même si elle n’est pas la seule patrouille acrobatique de l’armée suisse, la Patrouille Suisse en est la figure de proue. Le Super Puma a beau éteindre les incendies avec élégance et les parachutistes sauter d’un avion avec imprudence, rien n’y fait, le Patrol est clairement le clou de chaque spectacle aérien. Il est rare qu’un drapeau suisse suscite autant d’enthousiasme que lorsqu’il se trouve sous les avions.

Ce n’est pas étonnant : lorsque les six jets rouges et blancs survolent une crête à plusieurs centaines de kilomètres par heure, les F-5-Tiger ne sont séparés que d’une demi-envergure. Les pilotes regardent en permanence dans le cockpit de leurs compagnons de vol : ils alignent leurs positions entre elles via deux points de référence, à vue et non aux instruments. Ils suivent donc aveuglément le leader qui vole devant. La Patrouille Suisse, c’est un travail de précision, mais surtout le patriotisme dans sa forme la plus extravagante. Une telle manifestation a-t-elle encore un avenir ?

Célébré comme des stars

La Patrouille Suisse a été fondée en 1964 sous la forme d’une formation de quatre chasseurs Hunter. Mais l’idée d’une escadrille militaire de voltige aérienne avait déjà émergé cinq ans plus tôt.

«En vue de l’exposition nationale Expo 64 à Lausanne et de la célébration du 50ème anniversaire de l’Armée de l’Air, les entraînements avec la double patrouille Hunter ont été intensifiés»

La Patrouille Suisse sur sa propre histoire

Les acrobates aériens se font rapidement un nom, encouragés par l’armée elle-même., qui ont rapidement reconnu leur valeur pour le marketing. Dès les années 1960, le service cinématographique de l’armée a diffusé au cinéma un film sur l’escadron et en a fait la publicité auprès de la Patrouille Suisse.

Dès le début, les médias ont soutenu l’entreprise avec enthousiasme. Par ailleurs, le fait qu’un an plus tard, le chef d’escadron s’écrase lors d’une manœuvre, tuant un photographe, est passé inaperçu. Lors d’événements, les conducteurs distribuent des autographes ; ils sont célébrés comme des pop stars.

Daniel «Dani» Hösli a fait partie de la Patrouille Suisse pendant 26 ans, d’abord comme pilote, puis comme «Tiger Zero», c’est-à-dire commandant au sol. Il connaît l’effet que provoque l’escadron : « Nous sommes plus dynamiques qu’un défilé de chars et plus forts qu’une musique militaire. » Selon lui, toute entreprise a besoin d’un service marketing :

«Je l’ai déjà dit à Ueli Maurer: l’armée suisse n’aura probablement pas besoin de gagner une guerre, mais elle aura toujours besoin de gagner des voix.»

À quelques reprises déjà, se souvient Hösli, la Patrouille Suisse a subi des pressions politiques.

18 octobre 2023.Image : clé de voûte

Voix critiques contre la Patrouille Suisse

Mais ces derniers temps, l’escadron a perdu du terrain. Lorsque la Patrouille Suisse a survolé Bâle il y a un an dans le cadre d’un spectacle militaire, les organisateurs ont dû se défendre contre les critiques concernant le bruit généré par les avions. En janvier, le gouvernement bâlois s’est également montré critique en réponse à une intervention : l’impact environnemental des avions est « certainement inquiétant, tout comme le bruit naturellement provoqué par les avions ». Zurich est allée encore plus loin: le conseil municipal a refusé que la Patrouille Suisse donne un spectacle pendant le Zürifäscht.

La Patrouille Suisse a également de plus en plus de mal à s’imposer dans la politique fédérale. Le modèle d’avion suscite le débat : le Tigre est considéré comme obsolète depuis des années. La ministre de la Défense Viola Amherd a annoncé en mars que le F-5 Tiger serait retiré du service fin 2027. Si la Suisse reçoit le F-35 dans les années à venir, elle devra bientôt entretenir trois avions différents de son prédécesseur, le F/A-18. Une entreprise coûteuse, d’autant plus que l’utilité du F-5 dans la politique de défense est désormais très limitée.

La semaine dernière, la Commission de politique de sécurité du Conseil national a certainement soumis un postulat visant à clarifier l’utilisation des F-5 comme entraînement de cibles. Dani Hösli trouve que c’est une bonne solution :

“Le Tigre est relativement peu coûteux à entretenir et permet de s’entraîner aux missions air-air”

Il faudra peut-être investir environ 20 millions pour le cockpit, “mais les heures de vol sur le Tigre sont moins chères que sur le F/A-18”.

Cependant, la proposition n’a obtenu qu’une faible majorité au sein de la commission. «Pour nous, la discussion ne portait explicitement pas sur la Patrouille Suisse», explique la présidente de la commission Priska Seiler Graf (PS). “Il s’agit d’une différence flagrante avec notre commission sœur au Conseil des Etats.”

En effet, il y a un an, c’était principalement la Commission de politique de sécurité du Conseil des Etats qui s’opposait au déclassement du Tigre et qui réussissait ainsi à obtenir gain de cause au Parlement. Il n’est pas certain qu’un tel vote se reproduise, compte tenu des ressources financières limitées et d’une armée qui souhaite se concentrer davantage sur sa capacité de défense. Seiler Graf ne veut pas se risquer à un pronostic, même si elle voit le soutien aux aviateurs diminuer, du moins sous la coupole du Palais fédéral :

«Ma boîte aux lettres n’est jamais aussi pleine que lorsqu’il s’agit de la Patrouille Suisse. Et parmi les expéditeurs, il y a aussi quelques membres du PS.»

« Il faudra passer aux avions à hélices »

Le soutien au Conseil national s’effrite, notamment au sein du groupe parlementaire du Centre. Les qualificatifs vont de la « fierté nationale » à la « folie », mais dans l’ensemble, le soutien à l’escadron est en déclin, selon plusieurs voix au sein du groupe. Nicole Barandun (Centre), confie par exemple :

« Les Tigres auraient besoin d’un investissement de plusieurs dizaines de millions. S’il s’agit simplement de sauver la Patrouille Suisse, une telle dépense n’est pas justifiée.»

Le postulat veut désormais vérifier si l’avion peut encore servir de cible au-delà de 2027. “Mais au plus tard à cette date, le Tigre sera terminé et la Patrouille Suisse devra passer aux avions à hélices.”

Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci

 
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