Comment la Corse est-elle devenue la championne de l’artificialisation des terres ? – .

Comment la Corse est-elle devenue la championne de l’artificialisation des terres ? – .
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Le premier coup de pioche a été donné il y a quelques semaines à peine sur ce petit sentier qui serpente à travers le maquis, à la sortie sud de Bastia (Haute-Corse). Le bruit des engins de chantier a remplacé le chant des merles dans ce secteur boisé où un nouveau quartier s’apprête à émerger. Quelque 265 logements, avec 440 places de parking, 1 600 mètres carrés de locaux commerciaux et une résidence de tourisme. Reflet d’un phénomène désormais bien ancré sur l’île : la consommation effrénée des espaces naturels au profit de l’urbanisation.

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Dans ce domaine, la Corse détient même un record national. Avec une augmentation de 14 % entre 2009 et 2019, l’île a artificialisé ses terres presque deux fois plus que la moyenne nationale (7,6 %), selon une étude de l’Insee datée de décembre 2023. « On construit partout, déplore Christian Novella, membre de l’U. Levante, une association très active dans la défense de l’environnement. Plus de la moitié des communes de l’île ne disposent pas de document d’urbanisme, ce qui favorise une forme d’anarchie. Des contraintes sont également imposées aux maires pour ouvrir des secteurs à l’urbanisation, sous la pression de l’économie touristique. »

Une cacophonie juridique

L’enquête de l’INSEE fait en effet état d’une consommation d’espace « particulièrement élevée », notamment dans les zones côtières. En cause : le développement du logement. Cette dernière représente « environ les deux tiers de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. » Une situation due en grande partie, de l’avis des défenseurs de l’environnement, à l’annulation, en mars 2018, de la carte des zones agricoles stratégiques de l’île. Défini par l’Assemblée de Corse en 2015, ce document qui protégeait 100 000 hectares de terres agricoles avait été au centre d’un long imbroglio juridique avant d’être rétabli par la justice en juillet 2023.

«Cette cacophonie a profité aux bétonneurs et aux spéculateurs», assène Jérôme Mondoloni, membre de l’association A Spiriata, axée sur la défense de l’environnement. L’année dernière, seulement 56 % des acheteurs de terres agricoles sur l’île étaient des agriculteurs. Les espaces naturels sont investis par le béton, sans réaction des élus nationalistes, complètement résignés sur la question de la défense de la terre, tout comme l’État qui n’exerce pas son contrôle de la légalité. »

Le poids des résidences secondaires

Selon l’Insee, les besoins en résidences principales ainsi que l’augmentation de la population et la baisse de la taille moyenne des ménages expliquent les deux tiers de la consommation d’espace à l’échelle nationale. Mais, en Corse, une autre dynamique consommatrice d’espace est à l’œuvre : la construction de résidences secondaires. Sur l’île, 72 000 logements sont déclarés comme tels, soit 29 % du parc immobilier, soit trois fois plus que la moyenne nationale.

La contribution de ces résidences secondaires à l’augmentation du nombre de logements est plus importante qu’ailleurs : 54%, contre 11% en moyenne sur le continent. Ce phénomène résidentiel ne consomme pas seulement de l’espace. Il est également à l’origine d’une explosion du marché foncier sur l’île : sa croissance, en valeur, s’élève à… 131 % depuis 2015, selon un rapport de la société d’aménagement foncier des établissements ruraux de Corse, daté de 2022. Un signe que les terres gagnées par l’urbanisation sont chères.

Sous le feu des critiques, les nationalistes, élus à la tête de la région en 2015 sur la promesse d’une lutte acharnée contre la spéculation foncière et immobilière, à l’origine de tensions autour de l’accès au logement, peinent à rectifier le tir. « La situation actuelle n’est pas acceptable », reconnaît Julien Paolini, président autonomiste de l’agence d’urbanisme de Corse. Dans les communes de l’extrême sud de l’île, 85 % des logements construits ces dix dernières années sont des résidences secondaires, ce qui signifie que l’on gagne un habitant pour 5 000 mètres carrés de terrain consommé. Ce n’est pas le modèle de développement que nous souhaitons. »

Renforcer les capacités normatives, une nécessité

La faute, selon cet élu, à des documents d’urbanisme permissifs, à des batailles juridiques qui ont fragilisé les espaces agricoles et à une « interprétation des lois du littoral et de la montagne à géométrie variable par l’État ». La balle reste néanmoins dans le camp de la communauté corse. D’ici novembre prochain, les nationalistes devront définir la trajectoire des dix prochaines années en fixant les objectifs de la loi « zéro artificialisation nette » (ZAN), adoptée en 2023, à l’échelle insulaire. Ils peuvent alors décider d’être plus – ou moins – ambitieux que la réduction de 50 % décidée par le Parlement.

« La loi ZAN va dans le bon sens mais, à droit constant, il sera très difficile de freiner ce phénomène à court terme et de rééquilibrer la consommation de l’espace, notamment au profit des territoires ruraux », estime Julien Paolini. Pour aller plus loin, il faudra renforcer les capacités normatives de la communauté corse. Cela fait partie de nos revendications, dans le cadre du processus en cours avec le gouvernement pour parvenir à une plus grande autonomie de l’île. » Un vaste chantier.

 
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