En Occident, sur les traces de mon grand-père – .

En Occident, sur les traces de mon grand-père – .
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Aller en Occident, à la rencontre des francophones, comme je l’ai fait récemment pour Le journalétait pour moi un projet assez ancien avec une dimension personnelle.

Il s’agissait en partie de suivre les traces de mon grand-père maternel Émilien Rochette, que je connaissais à peine depuis qu’il a quitté ce monde quand j’avais trois ans. C’est un vieux disque vinyle, retrouvé dans les affaires de mes parents, qui m’a fait comprendre, il y a une dizaine d’années, toute la passion d’Émilien pour les « Canadiens ».
Français » de l’Ouest.

Des membres de la famille m’avaient vaguement évoqué cette passion, mais ce vieux LP (très rigide) m’a permis de comprendre plus précisément ce qui l’animait.

Parce qu’y était gravé un important discours qu’il avait prononcé à Edmonton en avril 1952 avant le congrès annuel de l’Association de l’éducation française de l’Alberta.

Avant la pause

En écoutant, j’ai appris que mon grand-père, voyageur de commerce de métier, était également président du Comité pour la Survie des Français en Amérique.

À ce titre, il fut le principal organisateur du troisième Congrès de la langue française qui aura lieu quelques mois plus tard, à l’été 1952, à Québec. Dans son discours, il raconte avoir réussi à soutirer 25 000 $ à Maurice Duplessis pour financer l’événement !

Émilien s’est donc rendu en train, accompagné de sa Thérèse, dans la « lointaine Alberta », afin d’inviter les Français à ce grand événement :

« Mes chers amis, j’espère et je sais que vous voudrez venir en grand nombre, car il est plus que jamais important que nous fassions une démonstration de force. »

C’est l’époque où la nation canadienne-française s’affirme, reposant sur des fondements essentiellement (mais pas essentiellement) ethniques. Avant la grande pause faite…

  1. par la loi fédérale sur les langues officielles (1969) qui faisait des francophones du Québec une « majorité » inquiétante, et des autres, des « francophones en situation minoritaire » ;
  2. par les États généraux du Canada français (1966 à 1969), où les participants du Québec se définissaient strictement comme Québécois ;
  3. par la sécularisation propre à la Révolution tranquille.

En 1952, la foi est encore gardienne du langage et vice versa. Mon grand-père vantait les mérites de ses amis de l’Alberta, « religieux et laïcs » qui étaient parvenus, au prix d’« admirables sacrifices », à « préserver » leur « esprit catholique et français ».

La communauté de destin était évidente : « Nous avons plus que jamais besoin, mes amis, de nous serrer les coudes, de sentir que nous travaillons côte à côte, pour le bien-être général de notre nationalité. »

D’ailleurs, Émilien est arrivé avec une enveloppe de 600 $ (résultat d’une collecte effectuée au Club Richelieu à Québec) destinée à combler les déficits de la toute nouvelle radio francophone CHFA, à Edmonton.

Tribun fougueux comme Maurice Duplessis (dont il fut également député de 1956 à 1960), mon grand-père dénonçait avec acuité, dans son discours, la violation des droits des francophones.

« Nous ne demandons, pour l’amour du ciel, la charité à personne ! Les droits que nous avons au Canada sont des droits naturels, des droits à notre langue dans toutes les provinces de notre pays, sans tracas et sans lois que nous devons faire tout notre possible pour amener les gens à apprendre le français. nos petits-enfants ! »

Politisé, Émilien n’en est pas moins un commerçant (il possède longtemps un magasin de tapis à Québec) qui prend soin de tempérer ses dénonciations en se disant favorable à la « bonne entente » entre les peuples fondateurs. « Je ne veux pas passer pour un extrémiste. »

Survie

Mon grand-père espérait que l’on dépasserait rapidement la simple survie : « Il n’est presque plus question de parler de survie. Il faudra bientôt parler de l’influence croissante de l’élément français en Amérique du Nord en général et au Canada en particulier. »

Mais ce n’est que plus de 20 ans après son discours que les violations des droits qu’il a dénoncé ont cessé. Et puis encore 10 ans avant que les francophones puissent avoir des écoles ; et encore 10 ans pour qu’ils en obtiennent le contrôle.

Trop peu, trop tard?

« L’élément français » existe toujours, comme de nombreuses institutions (dont la CHFA de la Francophonie), mais les chiffres d’assimilation restent si élevés, l’usage du français diminue tellement dans l’espace public partout en Occident, que la notion de survie doit peut-être, malheureusement, être à nouveau invoqué.

 
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