Suisse-Palestine : d’obscurs blocages

Suisse-Palestine : d’obscurs blocages
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Un récent reportage du Temps présent montrait les efforts du chef de l’UNRWA, le Neuchâtelois Philippe Lazzarini, pour trouver les fonds nécessaires à la poursuite de ses activités. Soulignant que cette structure n’a rien à voir avec le Hamas, que les dix employés (sur un total de 30 000 !) accusés d’avoir soutenu l’agression du 7 octobre, ont été immédiatement licenciés. Les autorités israéliennes parlent désormais de 400 « suspects ». La tournée du haut fonctionnaire suisse à Berne a été frustrante. Elle n’a été reçue ni par le DFAE ni par la DDC. Il a dû se contenter d’un contact rapide avec deux petits groupes de parlementaires. Glacé, c’est vrai. La Suisse suspend donc son aide, comme les Etats-Unis, tandis que les proches alliés d’Israël, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, après avoir interrompu leurs paiements au moment des premières accusations israéliennes, ont repris par la suite. Et pour une bonne raison. La situation humanitaire reste catastrophique à Gaza. Le nombre de camions autorisés à entrer reste largement insuffisant. La plupart des hôpitaux ont été détruits. Les bombardements et les tirs se poursuivent, tuant, selon certaines estimations, entre 50 et 100 personnes par jour. Des dizaines de travailleurs humanitaires de l’UNRWA et des quelques ONG encore actives ont été blessés, tués ou chassés. Le patron suisse de l’organisation humanitaire onusienne n’est plus autorisé à s’y rendre.

Il est vrai que les combattants du Hamas, certes décimés et affaiblis, ne sont pas « éradiqués », qu’ils résistent toujours et qu’ils tiennent toujours en otage une centaine de malheureux. Mais c’est la population, et notamment les nombreux enfants, qui en paient le prix. Alors qu’il n’y a aucune perspective de négociation, de trêve ou de cessez-le-feu.

La diversion souhaitée par le gouvernement israélien d’extrême droite a atteint son objectif. On ne parle que de la confrontation Israël-Iran, relancée par l’attaque de l’ambassade iranienne en Syrie, puis par la riposte dûment calibrée, annoncée et qui plus est réussit à anéantir. Nous nous accrochons au suspense d’une éventuelle escalade régionale de la guerre. Et pendant ce temps, que les Gazaouis continuent de souffrir et de mourir. Que les habitants de Cisjordanie voient, sans que le monde s’alarme, les colons israéliens s’emparer, jour après jour, avec l’aide de l’armée, de nouvelles terres qui ne leur appartiennent pas selon la loi.

Pour en revenir à l’UNRWA, il est clair que Netanyahu et ses alliés extrémistes veulent qu’elle soit paralysée, qu’elle disparaisse. Sans même préciser ce qui pourrait le remplacer. Plusieurs ministres ne s’en cachent pas : il s’agit de pousser le plus grand nombre de Palestiniens possible à quitter le territoire de Gaza pour le réoccuper et le coloniser à nouveau. Sans que personne ne sache où pourraient aller ses deux millions et demi d’habitants, les voisins arabes refusant farouchement de les accueillir.

Paradoxe : si l’UNRWA n’arrive plus à organiser son enseignement dans des écoles qui exclut la haine, ce sont les islamistes de tous bords qui prendront le relais et aggraveront encore la situation future. Mais dans leur fureur, les dirigeants israéliens ne semblent pas s’en soucier.

La tragédie vécue par la population de Gaza dure depuis des années. Enfermé, attaqué à de nombreuses reprises, bien avant l’attaque criminelle contre Israël du 7 octobre. Compte tenu de la tournure extrême qu’a pris le conflit au cours des six derniers mois, comment justifier le blocage de l’aide humanitaire par l’intermédiaire des Nations Unies ? Officiellement, le gouvernement suisse tergiverse. En fait, cela correspond à la position des États-Unis. Sur ce terrain comme sur d’autres. Y a-t-il d’autres signes nécessaires ? Lorsqu’un avion israélien a bombardé un espace diplomatique iranien à Damas, une violation plus qu’évidente du droit international, le DFAE n’a pas bronché. Mais il a protesté, à juste titre d’un point de vue juridique, contre l’envoi de drones et de missiles vers Israël. Washington prépare actuellement une nouvelle série de sanctions contre Téhéran, Bruxelles lui emboîte le pas. Il ne faudrait pas être surpris si la Suisse décide de suivre…

Aujourd’hui, les banques suisses s’engagent dans la même direction. Le courrier de Genève révèle que le paiement d’un particulier à l’UNRWA a été bloqué… par la Banque cantonale genevoise. Elle a expliqué : « Le paiement que vous avez ordonné le 25 février 2024 en faveur de l’UNRWA en Palestine ne correspondait pas à notre politique commerciale, nous n’avons pas pu y donner suite. .» Ce n’est pas tout. Le quotidien précise : « Cette affaire n’est pas un phénomène isolé. Présidente de l’association Parrainages d’enfants de Palestine, basée à Genève, Michèle Courvoisier ne peut plus effectuer de virements vers son association partenaire en Cisjordanie depuis le 7 octobre (…) Depuis, l’organisation passe par une banque européenne , ce qui augmente ses frais de port. Et ce ne sont pas seulement les transferts vers la Cisjordanie ou vers Gaza qui sont visés. UBS bloque les paiements de ses clients sur le compte suisse de cette association.

Ces blocages, officiels ou commerciaux, ces doubles standards posent certainement un problème éthique. Mais aussi, froidement considérée, la question de nos intérêts. La Suisse profite-t-elle vraiment de cet alignement ? Une grande partie du monde ne partage pas la vision dite occidentale, nos indignations unilatérales. Si notre pays veut préserver sa crédibilité internationale, son attachement au droit humanitaire qu’il brandit si volontiers, il ferait bien, non seulement au nom de la neutralité, de restaurer, dans la mesure du possible, son libre arbitre. Le DFAE aura l’occasion de le démontrer lors du débat prévu ces jours-ci aux Nations Unies à New York. L’accent sera mis sur l’éventuelle reconnaissance d’un État palestinien et sur l’enquête sur l’UNRWA. Une organisation qui a sans doute besoin de réformes structurelles et de règles disciplinaires strictes mais qui reste plus que jamais indispensable.

 
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