Dans nos colonnes, le 21 octobre, elle déclarait qu’elle en était « sûre ». Pour Christine Clément, c’est Francis Heaulme qui, le 8 août 1989, a tué son père Jean-Joseph, au bord de l’Ouvèze à Bédarrides. 34 ans après les faits, celui surnommé le « routard du crime » et qui purge plusieurs peines à perpétuité à la prison centrale d’Ensisheim, dans le Haut-Rhin pour 11 meurtres, venait d’être mis en examen.
Et ces derniers jours, une nouvelle étape a été franchie avec la transmission du dossier au Centre national des crimes en série ou non résolus de Nanterre, celui qui est en charge de 89 « cold cases ». L’enquête va donc reprendre, menée par un ou plusieurs nouveaux juges qui pourront mener de nouvelles investigations. “Cela veut dire que c’est concret, ça me donne de l’espoir, on avance doucement, mais ça bouge”, a déclaré Christine Clément à nos confrères de franceinfo, en espérant que Francis Heaulme prenne enfin la parole.
Pour sa fille, le combat de sa vie
Il faut dire que cet ambulancier de 66 ans basé à Pierrelate s’est longtemps battu seul pour faire éclater la vérité. Elle avait 32 ans lorsque la gendarmerie d’Avignon l’a informée de la découverte du corps de son père par deux jeunes partis à la pêche. Inquiète, elle avait signalé sa disparition la veille. Pendant des années, elle s’est retrouvée face à des portes fermées jusqu’à ce qu’on lui dise que “tous” les preuves avaient disparu. En 2017, lors du procès Heaulme pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz, elle apprend que le président a évoqué le nom de son père. Elle monte dans un train et assiste à l’audience.
« On demande à Heaulme : alors, et le vieil homme d’Avignon ? Il a hoché un peu la tête et rien de plus., a-t-elle rappelé en octobre. C’est lors de ce procès qu’elle est mise en contact avec Didier Seban, l’avocat spécialisé dans les dossiers non résolus, qui devient son conseiller et lui redonne espoir. Et ce qui entraînera la réouverture du dossier et la nomination d’un juge d’instruction.
Des similitudes et des confessions troublantes
Car en réalité il y avait déjà de nombreux éléments qui allaient dans le sens de Francis Heulme. À commencer par sa présence à proximité de la scène du crime. Ce jour d’août 1989, les gendarmes n’avaient même pas fini de rassembler leurs indices, lorsqu’ils croisèrent l’homme alors âgé de 30 ans qui leur annonçait qu’il était en transit entre deux foyers Emmaüs. C’est ce qui va alerter Jean-François Abgrall, le gendarme qui a consacré une partie de sa carrière à le traquer partout en France et qui s’intéressait déjà aux communautés Emmaüs dans le cadre d’un autre meurtre.
En 1992, arrêté pour le meurtre d’un retraité du Nord, Francis Heaulme a même reconnu devant le militaire le meurtre de Jean-Joseph Clément, “ce petit vieillard tué à coups de pierres”. Mais l’affaire s’enlise, le « routard du crime » confirme puis se rétracte. Un classement sans suite est prononcé. Et depuis, il ne cesse de le nier, jusqu’à récemment devant le juge d’instruction de Reims.
Une présence sur place, des aveux… Les avocats de Christine Clément insistent également sur le « circonstances similaires » de l’affaire du Vaucluse avec le modus operandi privilégié par Francis Heaulme. La violence des coups au visage, la victime a retrouvé pantalon baissé, autant d’éléments troublants, qui ont sans doute compté comme de « nouvelles charges » dans son réquisitoire et la transmission du dossier au pôle cold case. Désormais, les juges s’efforceront de confirmer cette avance, peut-être en procédant à de nouveaux actes de police scientifique, ce qui n’était pas possible il y a 35 ans.
Si le meurtre de Jean-Joseph Clément lui était attribué, ce serait la 12e victime de Francis Heaulme, toutes tuées entre 1984 et 1992.
#Français
