Le maire de Quasquara avoue lui-même qu’il se serait passé d’un tel coup de projecteur. La démarche d’une de ses administratrices se voulait inédite en Corse : elle a attaqué devant le tribunal administratif de Bastia l’installation d’un calvaire à l’entrée du village, voulue par son conseiller Paul-Antoine Bertolozzi. La genèse de l’histoire a été développée dans notre édition du vendredi 12 avril. Une première qui a suscité des réactions très vives, jusque au sein de la représentation politique puisque tous les partis ou leurs représentants à l’Assemblée corse se sont prononcés, soit pour soutenir la petite commune de Taravo, , ou comme le rappelle le Femu a Corsica, que la Corse, «Terra di libertà relighjosa dapoi Paoli, intratene rilazione appaciate incù e so tradizione sacré».
Une histoire de Clochemerle
Dans le prolongement de cet élan, une centaine de personnes se sont retrouvées au pied du Calvaire de Quasquara à l’appel des sections ajacciennes et corteniennes du Ghjuventù Indipendentista, ce dimanche 14 avril, à 14 heures. Parmi les participants, la motivation était double : réaffirmer que la croix doit rester à sa place et apaiser les tensions autour de ce qu’il faut appeler une histoire de Clochemerle. Nommée d’après un roman satirique des années 1930 racontant un village déchiré par des querelles burlesques sans conséquences pour le reste du monde, l’expression convient au nouveau contexte de Quasquara, une communauté de 40 âmes en hiver, également traversée par des tensions qui sont pas étranger à cette affaire. Ici, l’opposition entre le maire et le plaignant est connue de longue date. « Ce qui n’enlève rien à sa conviction laïque déplacée contre un symbole qui nous rassemble »regrette un “voisin”.
« L’empreinte indélébile » du christianisme en Corse, « sur son histoire, sa culture, son identité »
Tout en se souvenant “l’empreinte indélébile” du christianisme en Corse, « sur son histoire, sa culture et son identité »les voix du Ghjuventù Indipendentista ont affirmé que « Supprimer une croix catholique, c’est effacer un symbole profondément ancré dans notre histoire. Nous veillerons à ce qu’aucun recours ne soit adopté et que s’il devait l’être, nous saurons nous mobiliser en conséquence ».
Dans le public, personne n’a trouvé à redire. Parmi ceux venus des villages alentours, d’Ajaccio mais aussi de bien plus loin, peu d’habitants du village. Valérie Quilici, secrétaire du maire, soutient évidemment la démarche de Paul-Antoine Bertolozzi. “On ne comprend pas cette volonté de s’en prendre à ce symbole, cette polémique est ridicule”insiste-t-elle.
« Ce n’est pas seulement une question de foi mais de culture »
Non loin de là, un autre habitant de Quasquara, épaules carrées, lunettes et cheveux gris, qui n’a pas souhaité donner son identité, se pose les mêmes questions. « Mes idées divergent parfois de celles du maire mais sur ce point, je le soutiens. Je me considère athée bien que je sois baptisé. Ce n’est pas seulement une question de foi mais de culture. A partir de maintenant, vraiment, il faut laisser les choses se calmer.»
Plus insolite, la présence d’un groupe de motards, le Semper Immota (« Toujours inébranlable »), devise de l’ancienne famille Colonna cousue sur leurs blousons de cuir, ont fait le déplacement depuis Bastia, Porto-Vecchio, Fiumorbu. « Notre motivation n’est ni politique ni religieuse, ils disent, Nous sommes ici pour défendre la culture chrétienne qui fait partie de nous. N’y a-t-il pas de plus gros problèmes que d’attaquer quelque chose qui a toujours été un point de repère ?
Au village, tout le monde aspire à tourner la page. En espérant que le tribunal administratif “va dans le sens de l’apaisement”.
