Demandeurs d’asile | Des années à vivre avec peu de droits

Demandeurs d’asile | Des années à vivre avec peu de droits
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Je travaille comme intervenant communautaire dans un organisme familial. Par hasard, j’ai commencé à travailler avec des demandeurs d’asile. En travaillant avec eux, j’ai l’impression de vivre dans un monde parallèle, où mes critères habituels pour répondre aux besoins se heurtent constamment à un mur.


Publié à 1h31

Mis à jour à 17h00

Isabelle Dicaire

Travailleur communautaire

En cherchant à répondre à des besoins que je considère légitimes, je me laisse entraîner dans quelque chose qui n’aboutit pas, dans une procédure bureaucratique à laquelle je suis incapable de répondre, même si j’ai des diplômes universitaires et que je vis dans ce pays depuis toujours.

J’ai fini par comprendre que les demandeurs d’asile n’ont que très peu de droits : pas de droit aux allocations familiales, pas de droit à des programmes de formation, pas de droit à l’école après le secondaire, ce qui crée de facto une paupérisation inimaginable et limite leurs possibilités de s’éduquer, de s’autonomiser, pour s’épanouir.

De plus, les organisations d’immigrés offrent peu de services aux demandeurs d’asile, car les services financés par le gouvernement sont très limités. Ces gens sont donc sans cesse envoyés ailleurs, vers autre chose, ils tournent en rond, et les possibilités s’amenuisent. C’est l’impact de l’absence de certains droits.

Surtout, cette absence s’étend dans le temps : les délais de traitement des dossiers de demandeurs d’asile ont explosé. Avant, il y a quelques années, on parlait de huit mois pour avoir la résidence permanente, maintenant c’est quatre à six ans d’attente avant d’avoir un tel statut. Ce sont donc des années de vie dans le flou, sans droits.

Un sentiment d’impuissance

En tant que travailleur, je suis sensible à leurs histoires de traumatismes et de violences inimaginables, et j’aimerais les aider davantage, alors qu’ils luttent contre des structures qui leur offrent si peu de droits. Du coup, j’ai l’impression de faire peu, vraiment trop peu, par rapport à l’ensemble de leurs besoins qui sont immenses. Je partage beaucoup d’impuissance avec eux.

Ces personnes, parmi toutes mes familles, sont les plus démunies, les plus vulnérables. Ils sont forts aussi, pour avoir parfois traversé plusieurs pays, pour n’avoir pas abandonné l’espoir d’un avenir meilleur, ils sont pour moi les plus reconnaissants du petit coup d’aide et de la chaleur humaine que je leur apporte, ils sont paradoxalement aussi les le plus sensible à ce que je vis.

En février 2024, le ministre Jean-François Roberge affirmait que l’arrivée massive de demandeurs d’asile constituait un risque pour « l’identité québécoise »1.

Comment une famille vivant dans un bidonville, avec de jeunes enfants, peu scolarisés et instruits, peut-elle constituer une menace pour qui que ce soit ?

Le gouvernement actuel – et ce discours est répété partout – cible les demandeurs d’asile et accuse l’immigration en général d’aggraver la crise du logement, alors même que cette crise se profile depuis plusieurs années déjà. Surtout, on entend très peu leur voix, et très vite, on justifie la privation de certains droits. Sait-on qu’ils n’ont presque rien ?

Pour ma part, derrière ces discours, ces chiffres, je vois toujours un petit petit de 2 ans, aimé de ses parents, et que j’adore, qui a tellement envie d’apprendre la langue et qui a envie de jouer quand je viens chez lui. maison.

Socialement, j’espère que l’on pourra apprendre à voir que derrière le discours sur les « demandeurs d’asile », il y a des hommes, des femmes et des enfants. Il faut dépasser leur invisibilité et construire avec eux un discours sur l’humanité.

1. Lire « L’identité québécoise est « menacée » par l’afflux de demandeurs d’asile, dit Québec »

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