C’est ainsi que nos cégeps enrichissent Amazon

Les cégeps de la province ont dépensé plus de 2 millions de dollars en 2023 pour Amazon, contrevenant parfois aux règles québécoises, révèle une enquête des Coops de l’information.

Financés à 83 % par des fonds publics québécois, les cégeps ont pour la plupart mis des dizaines de milliers de dollars dans les poches du géant américain. En témoignent des centaines de pages de factures et de compilations obtenues auprès de 44 cégeps en vertu de la loi sur l’accès à l’information.

En dépensant sur Amazon, les cégeps contribuent à la fragilisation des entreprises locales et à la dévitalisation urbaine, estime François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. « Pour les petites entreprises, cela fait une grande différence », dit-il.

« Comment allons-nous avoir des centres-villes plus dynamiques ? Ce n’est pas avec les camions de livraison [Amazon]. C’est avec les entreprises.

— François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

Le pire et le meilleur

Le Cégep Limoilou, au Québec, a payé la plus grosse facture annuelle sur Amazon, avec 118 241 $ d’achats sur la plateforme américaine l’an dernier. Le Cégep de Lanaudière et ses trois campus de Joliette, L’Assomption et Terrebonne ont payé le moins, avec seulement 393 $.

Toutefois, c’est le Cégep de Thetford qui dépense le plus proportionnellement à sa population étudiante, avec un achat moyen de 118 $ par étudiant. C’est encore une fois le Cégep de Lanaudière qui se démarque comme dépensant le moins en proportion, avec seulement 6 cents par étudiant.

Le Cégep de Thetford et le Cégep Limoilou soutiennent que leurs dépenses sur Amazon représentent une fraction de leurs achats totaux et qu’ils encouragent grandement les entreprises locales. Ils affirment n’utiliser Amazon que lorsque les prix sont plus bas ou lorsque les articles ne sont disponibles que chez le géant du commerce électronique.

Pour justifier leurs achats fréquents sur Amazon, les deux cégeps soulignent qu’ils manquaient de personnel dans leurs équipes d’approvisionnement.

Au Cégep Limoilou, l’ampleur des dépenses sur Amazon amène à réfléchir. « Ce questionnement nous a amené à agir pour sensibiliser nos équipes à l’importance de l’achat local », souligne la responsable des communications du cégep, Josyka Lévesque.

Même prix ou moins cher

Les cégeps ont acheté des milliers de produits sur Amazon l’année dernière, même si les mêmes articles sont souvent disponibles chez les commerçants locaux à des prix similaires, voire inférieurs.

Sur Amazon, le Cégep de Trois-Rivières a acheté les coffrets DVD des quatre premières saisons de la série québécoise Les Belles histoire des pays d’en Haut pour un total de 219,80 $. Chaque coffret d’une saison se vend 54,95 $ sur Amazon. Chez Renaud-Bray, la même boîte coûte 49,99 $ et comprend la livraison gratuite.

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Le Cégep Limoilou apparaît en tête des dépenses sur Amazon, avec une facture totalisant 118 240,62 $ pour 2023. (Archives Le Soleil)

Le Cégep de Victoriaville en a acquis neuf »sac de haricots» de la marque Norka Living sur Amazon, pour un total de 2 473,11 $. Cette gamme est également disponible chez Tanguay à des prix similaires.

Le Cégep Limoilou a dépensé 4 169 $ sur Amazon pour des microphones haut de gamme Rode NTG5. Cet article se vend 679 $ chez le géant du commerce électronique. C’est exactement le même prix que chez Gosselin Photo Vidéo, une chaîne née à Lévis qui compte cinq magasins à travers la province.

Grâce à de petits achats sur Amazon, certains cégeps accumulent des factures annuelles de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Le Collège de Maisonneuve, à Montréal, a acheté un paquet de six unités de compote de pommes pour 8,08 $. Le Cégep de Lévis a commandé du popcorn à deux reprises pour un total de 360,65 $. Le Cégep de Drummondville a acheté pour 484 $ de sacs Ziploc.

Achats illégaux ?

Les cégeps commandent également des livres et des fournitures de bureau sur Amazon, ce qui semble contredire la réglementation québécoise.

La loi 51 sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre oblige notamment les cégeps à acheter tous leurs livres dans des librairies agréées francophones ou anglophones du Québec – et Amazon n’en fait pas partie.

Or, le Collège Héritage, un cégep anglophone de Gatineau, a dépensé 3 921 $ en livres sur Amazon en 2023. Le Cégep Gérald-Godin, dans l’ouest de Montréal, a acheté 25 Bescherelle (L’art de conjuguer) pour un total de 466,25 $ sur Amazon.

En vertu d’un arrêté ministériel, les établissements publics, comme les cégeps, sont également obligés d’acheter leurs fournitures de bureau auprès du Centre des acquisitions du gouvernement, qui regroupe les achats des organismes publics.

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Les cégeps achètent parfois des fournitures de bureau sur Amazon, tandis que les institutions publiques, comme les cégeps, sont tenues de s’approvisionner auprès du Centre des acquisitions gouvernementales, qui regroupe les achats des organismes publics. (Paul Sakuma/Archives de l’Associated Press)

Or, le Cégep de Victoriaville a dépensé environ 2 000 $ en fournitures de bureau sur Amazon en 2023. D’autres cégeps ont acheté des rapporteurs d’angle, des craies jaunes, des marqueurs, des feutres, des agrafeuses, des dossiers sur Amazon. des sacs en papier bleus de format légal, des pochettes en plastique et une variété d’autres fournitures de papeterie ou scolaires.

« Il faut être vigilant »

Les employés de Coopsco, une entreprise d’économie sociale qui fournit du matériel scolaire aux étudiants et au personnel de plusieurs établissements collégiaux, voient parfois des colis Amazon lorsqu’ils reçoivent des marchandises des cégeps, constate André Gagnon, directeur général de Coopsco. On leur a dit que des membres du personnel se faisaient livrer des colis Amazon sur leur lieu de travail.

Or, André Gagnon est surpris d’apprendre que les cégeps eux-mêmes ont dépensé plus de deux millions de dollars sur Amazon.

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André Gagnon, directeur général de Coopsco. (Allons y)

«Je vais espérer que ce soit une exception et que cela diminuera avec le temps. Mais il faut quand même être vigilant. Parce que ce n’est vraiment pas bon pour l’économie du Québec. »

— André Gagnon, directeur général de Coopsco

Les cégeps achètent déjà couramment chez Coopsco, précise M. Gagnon. Mais lorsqu’ils dépensent plutôt chez Amazon, leur argent cesse de contribuer à l’impact positif de la coopérative sur la communauté cégep.

Plus la coopérative augmente son volume de ventes, plus elle est en mesure d’obtenir de meilleurs prix pour ses étudiants et de leur offrir un meilleur service, explique André Gagnon. La coopérative reverse également une partie de ses bénéfices aux étudiants sous forme de réductions et leur offre des bourses.

Pour le directeur général de Coopsco, les organismes publics comme les cégeps doivent donner l’exemple en se passant le plus possible d’Amazon. Lorsqu’ils « sont financés par l’État québécois », dit-il, « leurs achats devraient être effectués en priorité auprès d’entreprises québécoises ».

LA SUITE DE NOTRE ENQUÊTE, À LIRE DEMAIN : Le cégep qui boude Amazon

 
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