MACKY « ENTERRE » LES RAPPORTS DE L’OFNAC

MACKY « ENTERRE » LES RAPPORTS DE L’OFNAC
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“Le CREI est pour l’ancienne équipe mais l’OFNAC est pour nous.” Cette déclaration de l’ancien président de la République, Macky Sall, a été appréciée par l’opinion publique mais aussi par les organisations de lutte contre la corruption. Paradoxalement, avant de quitter le pouvoir, le même Macky Sall a fait voter à l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024, en mode « fast track », deux lois qui risquent d’éteindre 34 dossiers d’enquête constitués et déposés par l’OFNAC et d’autres organismes de contrôle auprès du Procureur de la République. Sud Quotidien propose à ses lecteurs cette contribution de Mounirou Fall, économiste et ancien chef de bureau du même journal qui tire la sonnette d’alarme pour éviter que la corruption ne continue de gangrener notre pays.

RÉFORMER LE PARADIGME DE GOUVERNANCE AU SÉNÉGAL

L’ancien président de la République Macky Sall a signé le 30 janvier 2024 deux lois modifiant les bases de la lutte contre la corruption au Sénégal. Ce sont les lois n ° 2024-06 modifiant la loi n ° 2012-30 du 28 décembre 2012, créant le Bureau national pour la lutte contre la fraude et la corruption (OFAC), ainsi que la loi n ° 2024-07 modifiant la loi no. 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine.

Les projets de loi portés par le ministre des Finances et du Budget (en remplacement du ministre de la Justice), modifient complètement toute la stratégie de lutte contre la corruption au Sénégal. Ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale lors de sa séance du 9 février 2024, soit deux semaines avant le 25 février 2024, première date fixée pour la dernière élection présidentielle. A y voir plus clair, les modifications apportées par ces lois, au lieu de renforcer la lutte contre la corruption, risquent d’enterrer les dossiers d’enquêtes déjà menées par l’OFNAC, mais aussi les autres organismes de contrôle qui traitent de l’enrichissement illicite. En effet, depuis les rapports sur les soupçons de corruption du COUD, l’affaire Petrotim, celle des 94 milliards, des 29 milliards ou des 1000 milliards des fonds COVID, l’ensemble des 34 dossiers d’enquête montés et déposés par l’OFNAC et les autres organes de contrôle devant le ministère public risquent d’être éteints.

Si l’on y fait attention, la corruption au Sénégal, avec ces nouvelles lois votées en février 2024, a encore de beaux jours devant elle.

LA RESPONSABILITÉ EST NON NÉGOCIABLE

Conformément à la loi n° 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, le Président de l’Assemblée Nationale, le Premier Questeur de l’Assemblée Nationale ; le Premier Ministre, les Ministres ; le Président du Conseil Economique, Social et Environnemental ; tous les administrateurs de crédits, ordonnateurs de recettes et de dépenses, comptables publics, réalisant des opérations portant sur un total annuel supérieur ou égal à un milliard (1 000 000 000) de Francs CFA, doivent les effectuer à l’échéance d’un dans les trois (3) mois suivant leur nomination. ou de cessation de fonctions, une déclaration de patrimoine. Pour ceux qui quittent leur poste, il s’agit d’une déclaration dite de « sortie ». Cette déclaration de sortie est valable pour ceux qui avaient préalablement fait une déclaration de patrimoine d’entrée, c’est-à-dire au moment de la prise de fonction !

Qui ne se souvient pas des ministres et autres DG qui, non seulement n’ont pas fait leur déclaration de patrimoine après de nombreuses interpellations par huissier, mais après que leur gestion ait été critiquée par les reportages de l’OFNAC, ont jugé utile sur les plateaux de télévision d’affirmer «qu’ils ne répondront pas à la convocation de l’OFNAC ». La responsabilité est et reste une exigence sociale forte et ne peut être négociée.

L’institutionnalisation de l’imputabilité, l’application des décisions de justice en matière de lutte contre la corruption ainsi que la mise en place d’un contrôle citoyen de l’imputabilité en matière de lutte contre la corruption marqueraient sans aucun doute une évolution dans le sens d’une bonne gouvernance tant chantée au Sénégal. Dans ce contexte, le recouvrement des avoirs détournés implique une nouvelle approche basée sur la différenciation des enjeux. D’une part, les défis posés par le traitement des rapports d’enquête des organismes de contrôle et qui étaient latents “sous le coude” devra faire l’objet d’un traitement diligent ainsi que d’un renvoi devant un juge pour enquête. D’autre part, le changement de paradigme de gouvernance au Sénégal au vu des insuffisances détectées dans la loi qui a été promulguée le 30 janvier 2024 par le Président de la République et adoptée par l’Assemblée Nationale dans sa séance du 9 février 2024. doivent être corrigés dans les plus brefs délais.

A ce stade, disons-le sans détour, le Loi n° 2024-06 du 30 janvier 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 créant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et que N° 2024-07 du 9 février 2024 modifiant la loi n° 2014-17 du 2 avril 2014 sont contre-productives et créent plus de confusion qu’elles n’en résolvent les problèmes. Plus clairement, il s’agit d’abroger cette loi et de réfléchir aux textes les plus susceptibles d’assurer la bonne gouvernance au Sénégal, en évacuant les rapports des organes de contrôle restés “sous le coude” depuis 2012. La nouvelle loi prévoit que, dès qu’un procureur ou un juge sera saisi d’une affaire de soupçon de corruption ou d’enrichissement illicite, il sera immédiatement démis de ses fonctions par l’OFNAC qui assure un monopole.

La loi 2012-30 du 28 décembre 2012 créant l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) n’était certainement pas parfaite. Le décret d’application de cette loi (qui permet sa mise en œuvre opérationnelle) n’a été signé qu’en 2018. Soit 6 ans plus tard…

Cependant, l’OFNAC a pu traiter des cas de dénonciations et d’auto-saisines résultant d’actes de corruption. Le principal blocage résultant de cette loi venait du fait que le « maître des poursuites », à savoir le ministère public, avait toute latitude pour donner suite (ou non) aux rapports d’enquête produits par les enquêteurs de l’Office. Ce qui a alourdi les dossiers de corruption d’agents publics corrompus car « la saisine du procureur a soulagé l’OFNAC ».

LES PROJETS DE RÉFORME

Déjà en 2016 avec l’appui des partenaires de l’OFNAC, de l’Union européenne et du système des Nations Unies, des propositions de réforme des lois 2012-30 et 2014-17 sur la déclaration de patrimoine ont été appuyées afin de se conformer aux normes internationales du Sénégal.

Des commissions de relecture des textes fondateurs de l’OFNAC (CORTEF) ont été mises en place, associant dans un long processus participatif des avocats, des acteurs de la société civile, des parlementaires de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. expertise interne de l’OFNAC ainsi que d’autres membres des organismes de contrôle. A l’issue des travaux, des avant-projets de lois et décrets ont été déposés en juin 2022 afin de compléter le corpus de lutte contre la corruption au Sénégal. Parmi les avancées proposées et non des moindres, l’obligation imposée au procureur de déférer un juge à l’ouverture d’une procédure concernant des cas de soupçons de corruption, à la suite des enquêtes de l’OFNAC. (A noter qu’en ce qui concerne la CENTIF, les présomptions de blanchiment sont régies par les directives de l’UEMOA qui imposent l’ouverture d’une procédure par un juge). Le cas échéant, dans les propositions qui avaient été faites, l’OFNAC se constitue partie civile pour le suivi des signalements.

Malheureusement, la version qui avait été soumise n’a pas été prise en compte. La nouvelle loi promulguée et adoptée par l’Assemblée nationale entre le 30 janvier et le 9 février 2024 est aux antipodes d’une lutte efficace contre la corruption. La nouvelle loi réformant le cadre institutionnel de l’OFNAC, la déclaration de patrimoine et plus généralement la lutte contre la corruption a complètement bouleversé les orientations initiales. A vouloir trop embrasser, la loi…. sert la lutte contre la corruption.

VEILLE CITOYENNE ET PROTECTION DES DÉnonciateurs

L’exécution des décisions de justice dans les affaires de corruption est devenue une exigence sociale. Tant de rapports d’enquête sur des soupçons de corruption dorment dans les tiroirs ! Ces rapports produits par l’OFNAC, la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances (IGF) ou l’Inspection générale de l’État (IGE), depuis l’affaire COUD, ne peuvent être effacés et profitent au nom de la cohésion nationale. Non !

La lutte contre l’impunité résultant des malversations a été bien soutenue par cette frange de la population qui a conduit à la victoire de la coalition. DiomayePrésident, au premier tour. Cette même population n’hésitera pas à se retourner et à lutter contre les détenteurs actuels du pouvoir, si la responsabilisation n’est pas efficace. Cependant, entendons-nous bien. Il ne s’agit en aucun cas de procéder à une “Chasse aux sorcières” ce qui serait finalement contre-productif. Il s’agit de récupérer ces centaines de milliards volés au trésor public et utilisés dans des conditions peu orthodoxes par les fonctionnaires. « milliardaires ».

Les lanceurs d’alerte, en signalant des informations sur des actes répréhensibles dans un contexte professionnel, contribuent à prévenir les préjudices et à détecter les menaces ou les atteintes à l’intérêt public. Ce que l’OFNAC proposait depuis juin 2022, c’est de protéger les lanceurs d’alerte, les témoins, les plaignants ou encore l’expert collaborant avec l’OFNAC. Ces derniers ne devraient faire l’objet de représailles, d’aucune sanction ou discrimination dans leur travail du fait du signalement. Aussi, toute mesure, acte d’hostilité, intimidation, outrage, menaces, chantage, révélation de l’identité du témoin ou du dénonciateur directement ou indirectement est puni des peines prévues à l’article 25.

Alors que la Stratégie Nationale Anti-Corruption (SNLCC) menée de manière inclusive et participative propose la protection des lanceurs d’alerte, la nouvelle loi n’en dit rien. Le blocage dans la lutte contre la corruption est dû au manque de volonté de donner suite aux conclusions des rapports d’enquête. Ne nous y trompons pas, ces jeunes (et moins jeunes) qui ont été à l’origine du changement de régime suivent de près ces affaires de corruption qui pèsent des milliards de dollars.

Ces milliards à récupérer pourraient servir à financer ces hordes de jeunes (qui ont joué leur rôle dans l’élection de l’actuel Président de la République) en leur apportant un soutien substantiel ainsi que des intrants – ou tout autre outil de production en même temps. temps. réaliser la transformation locale des produits, assurer l’optimisation des chaînes de valeur dans les secteurs agricole, industriel et extractif.

Il s’agirait aussi de soutenir la part nationale dans les entreprises avec ces actifs récupérés. En effet, l’imposition d’une participation (sénégalaise) supérieure ou égale au seuil de 51% pour toutes ces entreprises qui opèrent en générant du chiffre d’affaires dans les secteurs de la pêche ou de l’industrie permettrait de fournir des emplois à ce qui reste des 40 000 jeunes sénégalais. qui sont restés à jamais dans l’océan Atlantique, dans le désert du Sahara ou dans la mer Méditerranée, selon les statistiques de l’OIM. Ce n’est que dans ces conditions que les mauvais traitements infligés à ces derniers »des élites qui se concentrent uniquement sur leurs intérêts», libérera cette population moins âgée à qui on fait croire, par une illusion sirupeuse, que les élites sans scrupules qui les gouvernent depuis 2012 et qui détournent sans vergogne leurs ressources travaillent pour elles.

CHUTE DE MOUNIROU

Économiste

 
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