Les universités québécoises dépensent une fortune sur Amazon

Une enquête de la Coops de l’information révèle que l’Université Laval, l’Université du Québec à Montréal, l’Université Concordia et l’École des technologies supérieures ont chacune payé des centaines de milliers de dollars pour des biens et services chez Amazon l’an dernier. À elle seule, McGill approche le million.

De l’Outaouais au Saguenay, les plus petites universités dépensent parfois plus de cent mille dollars sur Amazon, affichant des centaines de pages de factures et de compilations obtenues en vertu de la loi sur l’accès à l’information. En fait, les universités dépensent bien plus que les villes et les ministères auprès de la multinationale.

« Je me demande s’il n’y a pas une compétition entre les administrations publiques pour savoir qui dépense le plus sur Amazon. À un moment donné, cela va arriver.

— François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI)

Grosses factures

L’Université McGill, à Montréal, est sans doute l’établissement universitaire québécois qui dépense le plus auprès du géant du commerce en ligne. En 2023, McGill a accumulé une facture de 925 393 $ auprès d’Amazon, soit environ 27 $ par étudiant.

Une porte-parole de McGill, Keila DePape, précise toutefois que les transactions sur Amazon représentent une fraction (0,2 %) des achats de l’université. Elle ajoute que l’institution dépense environ 72 cents sur chaque dollar auprès d’un fournisseur qui a son siège social au Québec.

«Il est important de noter que certains produits nécessaires à nos activités ne sont pas disponibles dans les magasins locaux», note Mme DePape. L’Université McGill n’a toutefois pas fourni de détails sur ses achats, seulement les montants de chaque transaction.

Proportionnellement à son nombre d’étudiants, c’est l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), au Québec, qui se démarque comme celui qui dépense le plus sur Amazon, avec environ 147 $ par étudiant. L’INRS achète principalement des livres, du matériel informatique et électronique, du matériel de laboratoire, des ampoules et du savon.

En réponse à notre demande d’accès à l’information, la direction de l’INRS « a invité les dirigeants à restreindre les achats sur Amazon et à encourager les achats locaux », indique Michel Fortin, secrétaire général de l’INRS.

Disponible localement, acheté sur Amazon

À l’heure où de plus en plus d’entreprises locales craignent pour leur survie face aux géants du commerce en ligne, les universités paient systématiquement de grosses factures sur Amazon pour les produits offerts par les détaillants québécois.

L’École nationale d’administration publique (ENAP), à Québec, a acheté des tablettes Samsung Galaxy pour près de 4 000 $ sur Amazon, alors que le même modèle est vendu à quelques rues de là, à la coopérative Coop Zone.

L’Université du Québec à Chicoutimi a fait l’acquisition d’un drone photo et vidéo pour 1 598 $, disponible sur au moins deux chaînes québécoises à prix équivalents, soit Tanguay et Gosselin photo vidéo.

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L’Université Laval se classe au troisième rang des universités québécoises les plus dépensières sur Amazon, avec une facture totalisant 313 771,28 $ pour 2023. (Frédéric Matte/Archives Le Soleil)

L’Université Laval a acheté 15 microphones Audio-Technica sur Amazon pour 935 $. Elle aurait pu se procurer exactement le même modèle au même prix chez ÉlectroMike, un magasin d’électronique au Québec qui doit fermer ses portes ce mois-ci après 42 ans de service, écrasé par la concurrence des géants du web comme Amazon.

Jonathan Walt, directeur général d’Électromike, ne jette pas la pierre à l’Université Laval, qui achète parfois dans son magasin. Mais il aimerait qu’un plus grand effort soit fait pour vérifier la disponibilité des produits dans les entreprises québécoises.

« Les acheteurs qui travaillent dans ces institutions ne nous connaissent pas tout le temps. Ou ils ne pensent pas aux entreprises [locaux] directement avant de penser à Amazon, auquel il est plus facile de penser.

— Jonathan Walt, directeur général d’Électromike

220 000 $ pour le cloud

La majorité des dépenses de l’Université Laval chez Amazon concernent les services de cloud computing. L’institution a dépensé plus de 220 000 $ en 2023 pour stocker des données sur le cloud Amazon Web Services.

Ainsi, environ 70 % de la facture de l’Université Laval chez Amazon est consacrée au stockage. Toutefois, plusieurs entreprises québécoises et canadiennes offrent des services de cloud computing.

Pour Stéphane Garneau, président de l’entreprise Micro Logic, qui pilote le projet Cirrus, une solution cloud 100 % québécoise, les universités gagneraient à contribuer au développement des connaissances locales en soutenant les entreprises locales. «Quand ils font affaire avec un service québécois d’infonuagique ou d’intelligence artificielle, ils ont accès à ces technologies, à ce savoir-faire, et eux aussi peuvent évoluer avec nous», affirme M. Garneau. C’est pourquoi je dis que nous sommes tous gagnants.

Des tonnes de livres

Les universités obtiennent également une grande quantité de livres sur Amazon. La moitié de la facture à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) est consacrée aux livres, soit 14 425 $. L’Université Concordia l’a acheté pour 109 824 $ et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pour 78 693 $.

La porte-parole de l’UQAM, Jenny Desrochers, explique que les achats de livres sur Amazon représentent 0,5 % du budget global du Service des bibliothèques. « Cela signifie donc que 99,5 % des approvisionnements de nos bibliothèques sont fabriqués auprès d’autres fournisseurs », dit-elle, citant notamment la COOP UQAM et la Librairie Zone libre.

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Selon une étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, 89 % des PME du pays estiment que leur survie est menacée par les géants du Web comme Amazon. (Mark Lennihan/Archives de la Presse Canadienne)

Or, partout dans la province, des centaines de milliers de dollars de ventes sont perdus au profit des librairies québécoises.

La majorité des livres achetés par les universités sont des ouvrages scientifiques en anglais. Mais plusieurs de ces titres pourraient être disponibles dans les librairies québécoises si les acheteurs décrochaient le téléphone pour les demander, estime André Gagnon, directeur général de Coopsco, qui fournit notamment des livres aux cégeps et aux universités.

Ce n’est pas parce que les livres ne sont pas affichés sur les moteurs de recherche des sites Renaud-Bray, Les Libraires ou Coopsco qu’ils ne peuvent pas être commandés, rappelle M. Gagnon.

« En tant que citoyen, organisme public, voire entreprise, nous avons tout à gagner à réfléchir à prendre un peu plus de temps pour faire de la recherche, et ainsi avoir un plus grand impact sur notre économie. »

— François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI)

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Le vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, François Vincent, souligne que ces millions dépensés sur Amazon ont un impact négatif sur l’économie locale. (FCEI)

Les trois millions dépensés sur Amazon par les universités québécoises ont un impact important sur le commerce local, souligne M. Vincent. Selon une étude de la FCEI, pour chaque dollar dépensé chez un petit détaillant québécois, il reste environ 59 cents dans l’économie locale. Chez les géants du web, c’est 8 centimes.

Selon cette même étude, près de neuf PME canadiennes sur dix estiment que leur survie est menacée par les géants du Web comme Amazon.

LA SUITE DE NOTRE ENQUÊTE, À LIRE DEMAIN : Voilà comment nos cégeps enrichissent Amazon

 
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