Le Nouveau Monde a simulé une coupure de courant pour alerter sur le prix de l’électricité

Le Nouveau Monde a simulé une coupure de courant pour alerter sur le prix de l’électricité
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Impossible de payer par carte bancaire, de boire de la bière pression et la chorale Ladoré a même donné son concert aux chandelles. Cette action de la salle fribourgeoise visait à sensibiliser à l’augmentation des coûts.

L’ambiance était intimiste jeudi soir, avec le concert de la chorale Ladoré éclairé aux chandelles. © Thomas Delley

L’ambiance était intimiste jeudi soir, avec le concert de la chorale Ladoré éclairé aux chandelles. © Thomas Delley

Publié le 05.04.2024

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Il était un peu plus de 19h30 jeudi soir lorsque les lumières se sont éteintes au Café de l’Ancienne Gare, à Fribourg. Fini la musique de fond, fini le paiement par carte bancaire, fini la bière pression. Une heure plus tard, le courant n’était toujours pas rétabli alors que des bougies et autres lumières éclairaient les lieux. Le concert de la chorale Ladoré au Nouveau Monde a donc été donné aux chandelles.

Il n’avait prévu aucune reprise de Johnny (Noir c’est noir Ou Allumer le feu auraient été particulièrement bienvenus) mais des réarrangements de Queen, Britney Spears ou Eurythmics. Dans cette obscurité, l’écoute était puissante. Peu de téléphones portables ont été libérés. De nombreux spectateurs ont joint leurs voix à celles des chanteurs.

Il ne s’agissait pas d’une panne microlocale. Cette soi-disant coupure de courant a été organisée par le Nouveau Monde. Son objectif : souligner que la facture d’électricité a aussi bondi pour les institutions culturelles (lire ci-dessous). «Nous voulions sensibiliser de manière ludique», explique Julia Zellweger, directrice générale du Nouveau Monde depuis un an et demi.

« Nous nous trouvons dans une situation compliquée, nous n’avons pas de solution miracle. Nous devrons prendre de petites mesures et surveiller de près nos dépenses. »
Julia Zellweger

En moyenne, la salle de concert fribourgeoise, y compris le Café de l’Ancienne Gare situé dans le même bâtiment, fonctionne 14 heures par jour. « En simulant une augmentation des coûts d’électricité par rapport à la facture d’avril de l’année dernière, nous estimons que nous connaîtrons une augmentation de 25 %. Au total, cela représentera environ 10 000 francs supplémentaires pour 2024. Cela aura un impact important sur nos finances (le budget annuel du Nouveau Monde est d’un million de francs, ndlr)», poursuit-elle.

Augmentation de la TVA

Associé à cette soirée sans électricité, Groupe E a participé financièrement à l’événement. Ce fut aussi l’occasion pour son directeur, Jacques Mauron, de rappeler aux nombreux médias présents que l’électricité est précieuse, qu’il faut construire des installations pour produire davantage en Suisse et qu’il faut développer les énergies vertes.

Mais pour les salles de concert, l’augmentation du prix de l’électricité n’est que la pointe de l’iceberg : les coûts des salles de concert ont continué d’augmenter. La TVA est ainsi passée de 7,7 à 8,1% en début d’année, ce qui touche directement les boissons consommées par le public et que le Nouveau Monde n’a pas augmenté du même montant. Les cachets des musiciens ont également pris l’ascenseur. « Nous avons plafonné notre capacité d’accueil. On ne peut plus programmer certains artistes», regrette Julia Zellweger.

En attendant la ville

Du côté des produits financiers en revanche, pas de réévaluation en vue. « Le montant que nous recevons en subventions n’a pas changé depuis dix ans. Le montant versé par la Loterie romande, fixé pour plusieurs années, n’augmentera pas en 2024″, note Julia Zellweger. L’agglomération contribue également financièrement au travers de conventions triennales au fonctionnement d’une quinzaine de grands événements et institutions culturelles régionales, mais elle est actuellement en pleine phase de restructuration. En attendant que cette transformation s’achève, sa subvention a été renouvelée pour une année supplémentaire sans indexation (soit jusqu’à fin 2025) au lieu d’être renégociée pour trois ans.

Quelles sont les perspectives à cet égard ? « Ce renouvellement pour une année supplémentaire est une solution transitoire. Nous n’allons probablement pas répéter l’exercice. D’ici 2025, nous aurons plus de clarté sur la situation des subventions culturelles régionales, qu’elles aient lieu au sein de l’agglomération ou dans une autre structure. On aura une meilleure vision de qui fait quoi et, ce qui intéresse principalement les milieux culturels, une nouvelle réflexion sur les sommes allouées», indique Félicien Frossard, son secrétaire général, joint par téléphone.

“Trouver un équilibre”

En attendant, le Nouveau Monde doit chercher à limiter ses dépenses ou à augmenter ses revenus. « Il y a un équilibre à trouver. Nous espérons économiser sur notre consommation de chauffage, dont le prix a augmenté de 250 % entre 2019 et l’année dernière, mais la facture est semestrielle et il est donc difficile de faire des projections », répond Julia Zellweger.

Quant à l’augmentation du prix des billets d’entrée, le directeur exécutif rejette l’idée : « C’est frustrant parce que la population doit supporter de nouvelles augmentations. Le pouvoir d’achat des gens a diminué. Si on augmente les prix, on va perdre de la fréquentation même si on veut que la culture reste accessible au plus grand nombre. Nous nous trouvons dans une situation compliquée, nous n’avons pas de solution miracle. Nous devrons prendre de petites mesures et surveiller de près nos dépenses.

« Certains clubs sont dans une situation critique »

À Fri-Son, la plus grande salle de concert du canton, la facture d’électricité va également sérieusement grimper. En 2023, il a bondi de 10’000 francs. Ce sera probablement le double pour 2024, selon les estimations du club qui dispose d’un budget annuel de 1,8 million de francs. Mais tous les problèmes soulevés par le Nouveau Monde résonnent également sur Foundry Road.

« La situation commence à être problématique. Le modèle de gestion et de financement de Fri-Son ne fonctionne plus, souligne Léa Romanens, sa secrétaire générale. On observe un réel changement de consommation de la part du public. On a une augmentation de la fréquentation des concerts mais une diminution de la fréquentation des soirées car les jeunes de moins de 20 ans ne sortent plus de la même manière. Cela se reflète dans le chiffre d’affaires du bar.» Fri-Son travaille avec ses partenaires pour trouver des solutions.

Quelle est la situation au niveau national ? “LE Les membres de Petzi ont des réalités financières variées. Néanmoins, certains clubs sont dans une situation critique, où la précarité financière des structures et celle des salariés ne sont plus tenables», répond la faîtière des salles de concert et festivals suisses via son coordinateur Fabian Mösch.

Un changement de loi

Une nouveauté juridique s’ajoute encore aux difficultés de gestion rencontrées par les salles associatives. Depuis le 1euh Depuis janvier 2023 et sans période transitoire, les associations inscrites au registre du commerce sont soumises à des règles comptables similaires à celles des sociétés anonymes. Clair? « Nous avons des dettes depuis le Covid mais nous devons équilibrer nos fonds propres chaque année pour ne pas être dans le négatif, sinon il faudrait signaler la situation au juge des faillites. Il faut donc rapidement compenser cette dette, mais je reste optimiste quant à notre capacité à le faire», assure Julia Zellweger, directrice générale du Nouveau Monde.

Pour l’organisation faîtière de la branche Petzi, ce changement législatif pourrait mettre en danger la culture suisse. «Pendant longtemps, les subventions étaient plutôt des garanties de déficit et les comptes annuels pouvaient souvent être clôturés au maximum à zéro. La majorité des clubs et festivals suisses ne disposent donc pas de réserves financières à long terme et d’un capital proche de zéro. Cette loi renforce une fois de plus les risques déjà importants liés à l’organisation d’événements», explique son coordinateur Fabian Mösch..

Le Département de la Culture de l’Etat de Fribourg juge de son côté que les associations peuvent bien présenter un déficit mais qu’elles doivent rapidement mettre en place des mesures en cas de menace d’insolvabilité. «En ce sens, cette réforme ne nous semble pas constituer un risque spécifique pour les institutions culturelles fribourgeoises», précise Philippe Trinchan, son chef de service.

 
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