Plaidoyer pour la préservation du patrimoine senghorien

Plaidoyer pour la préservation du patrimoine senghorien
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Le 16 avril 2024 à la maison de ventes de Caen en France, vente « une – grande – partie de la bibliothèque personnelle » (pas moins de 304 lots composés d’une à plusieurs œuvres) du premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. En regardant attentivement ces œuvres, on découvre avec étonnement que sera vendu entre autres : l’exemplaire du prodigieux Discours sur le colonialisme de l’ami Aimé Césaire dédié à « ce vieux Léopold Sédar Senghor, (…) car je suis sûr que malgré les appartenances politiques, il déteste le colonialisme, destructeur de culture, de finesse [sic] et civilisations », œuvres du poète Aragon, adressées également à Ginette Eboué son épouse, ou encore la copie d’une œuvre déterminante dans la construction de sa pensée, ainsi parlait l’oncle de l’Haïtien Jean-Price Mars, qui lui rend « un fervent hommage d’admiration pour le grand poète noir »….

Ces œuvres sont dédiées au poète, au député, au président de la République ou encore à son ami Senghor. Sans viser l’exhaustivité, citons également les travaux d’Ousmane Sembène, Ousmane Socé Diop, Birago Diop, Fily Dabo Sissoko ou encore Joseph Zobel, Paul Niger, Léon-Gontran Damas et Richard Wright…. Ils en disent autant sur les lectures de Senghor que sur ses relations avec les auteurs et le réseau amical, politique et intellectuel qu’il a créé et dans lequel il s’inscrit. Ajoutons enfin des œuvres de son ami René Maran, premier Goncourt noir avec Batouala. À la première page du livre Les Pionniers de l’Empire, Maran désigne Senghor comme « l’une des gloires de la race à laquelle je suis fier d’appartenir ».

Camille Maran avait aussi eu l’idée généreuse et visionnaire en son temps de donner à celui qui venait d’être élu président de la République du Sénégal une partie importante de la bibliothèque et des archives de son mari : le fonds René Maran est à la disposition des étudiants. et des chercheurs de la Bibliothèque Centrale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il existe également une collection Senghor qui pourrait enrichir ces œuvres. Sans quoi, tout un pan de l’histoire littéraire sénégalaise, ouest-africaine et afro-américaine risque d’être dispersé par l’explosion promise de cette bibliothèque d’une négritude inédite et singulière.

Cette vente intervient quelques mois à peine après l’annonce de celle des cadeaux diplomatiques, décorations militaires et autres bijoux personnels de Senghor, en octobre 2023, vente que l’État du Sénégal a réussi à décaler, après avoir racheté la totalité des lots, désormais conservés. au Musée des Civilisations Noires de Dakar. La commissaire-priseur, Me Solène Lainé, avait elle-même reconnu, non sans une pointe d’enthousiasme, « qu’on ne voit jamais ce type de ventes aux enchères » (cité dans l’article du Parisien du 20 octobre 2023, Bertrand Fizel, « Objets rares ayant appartenu à à Léopold Sédar Senghor aux enchères à Caen »).

La dispersion du patrimoine senghorien entre la France et le Sénégal principalement, mais aussi en Allemagne et aux États-Unis, est une question de géographie senghorienne. Dans le cadre des activités de notre groupe, près d’une trentaine de fonds d’archives de/sur Senghor, plus ou moins importants en termes de volume, ont été identifiés. Cependant, la majeure partie est inaccessible au public sénégalais. Une grande partie des photographies, objets, œuvres d’art, archives (correspondance, manuscrits et autres papiers datant des années 1950 à 2001) de Senghor, sont en effet conservées dans la maison familiale de Verson en Normandie, conformément à la volonté de Léopold Sédar Senghor et son épouse, propriété de la commune depuis juillet 2022, avec tous les biens qui la composent.

Il est temps que les Sénégalais puissent accéder librement à ce patrimoine, sans avoir à parcourir la moitié du globe et à faire face à des services consulaires peu généreux et accueillants.
A l’heure où le 5ème Président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, récemment investi, parle avec force de la nécessité pour le Sénégal de recouvrer pleinement sa souveraineté, le Groupe international de recherche Léopold Sédar Senghor (UCAD/ENS) souhaite attirer l’attention sur l’urgence de préserver et valoriser l’héritage du premier président du Sénégal et poète Léopold Sédar Senghor. A travers les traces qu’il a laissées et nous léguées, apparaît tout un pan de l’histoire et du patrimoine sénégalais et qui risque de disparaître à nouveau.

Pour le Groupe de Recherche International Léopold Sédar Senghor (Université Cheikh Anta Diop de Dakar/École Normale Supérieure (France))

Professeur Mamadou Ba (Lettres modernes, UCAD)
Dr Edoardo Cagnan (ITEM, CRNS/ENS)
Coline Desportes (doctorante en Histoire de l’art, EHESS)
Dr Alioune Diaw (Lettres modernes, UCAD)
Dr Mohamed Lat Diop (EBAD, UCAD)
Pr. Babacar Mbaye Diop (Philosophie, UCAD)
Dr Laura Gauthier-Blasi (Littérature, Université d’Alcala)
Maëlle Gélin (doctorante en Histoire, Sciences Po Paris)
Dr Sébastien Heiniger (ITEM, CRNS/ENS)
Dr Céline Labrune Badiane (ITEM, CRNS/ENS)
Professeur Amadou Ly (Lettres modernes, UCAD)
Dr Claire Riffard (ITEM, CRNS/ENS)
Professeur Felwine Sarr (Etudes romanes, Duc)
Dr Serigne Seye (Lettres Modernes, UCAD)
Dr Mouhamadou Moustapha Sow (Histoire, UCAD)
Professeur Cheikh Thiam (études africaines, Amherst College)

 
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