Un mois de bruit pour les bibliothèques

Un mois de bruit pour les bibliothèques
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J’ai capté cette conversation la semaine dernière au Sushi Shop juste en face de la bibliothèque Gabrielle-Roy, rue Saint-Joseph.

Deux jeunes femmes d’à peine 20 ans, solidaires des 240 salariés des 26 bibliothèques en grève depuis le 1er mars. Cette journée devait marquer l’ouverture officielle de la toute nouvelle bibliothèque Gabrielle-Roy après presque cinq années de travaux.

La conversation entendue entre deux plateaux de sushi avait en fond sonore les tamtams de fortune des chaudières, les sifflets et les trompettes des grévistes.

La grève durera un mois, le lundi 1er avril. À moins qu’un règlement n’intervienne d’ici là, comme un petit miracle pascal.

Clarté après ce qui semblait une stagnation dans les discussions: une première rencontre avec le conciliateur a eu lieu jeudi depuis sa nomination à la demande de l’employeur, l’Institut canadien du Québec, le 16 mars.

Sur le piquet de grève où elle se trouve avec ses collègues, Stéphanie Falardeau-Caron assure que la population n’a jamais abandonné les grévistes syndiqués représentés par le Syndicat des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC). « Nous recevons beaucoup de sympathie de la part de la population qui comprend notre rôle. Des gens qui sont satisfaits de nos services », dit-elle.

Certaines, contrairement aux deux sushi girls, vont quand même à la bibliothèque. Mais ces clients se justifient, s’excusent presque, disent-ils.

Sans aucune rancune, les grévistes leur ouvrent même la porte, ont affirmé plusieurs attaquants rencontrés dans le tumulte des sifflets jeudi après-midi.

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Sans rancune, les grévistes ouvrent même la porte aux personnes qui franchissent le piquet de grève. (Caroline Grégoire/Le Soleil)

Le moral est bon

Après un mois de grève, le moral des troupes est bon et l’énergie pour faire du bruit aussi.

Coquilles sur les oreilles et bouteille de savon à lessive vide à la main, Nathalie Desjardins est prête à manifester pour son travail qu’elle exerce depuis 25 ans. « On tient le coup ! »

Outre Gabrielle-Roy, les succursales Monique-Corriveau et Étienne-Parent sont ouvertes du mardi au samedi après-midi. Le service est assuré par des dirigeants d’ICQ et des employés de bibliothèque qui ont la Ville comme employeur et non l’Institut canadien.

Compliqué, tout ça ?

Cette réalité de deux employeurs et les inégalités en termes de conditions de travail, d’horaires et de salaires qu’elle entraîne sont au cœur du conflit de travail.

La différence de salaire est importante : les commis employés par l’ICQ reçoivent entre 17,11 $ et 28 $ de l’heure. Pour le même travail, leurs collègues employés municipaux gagnent entre 20,11 $ et plus de 29 $.

Pourtant, 17,11 $ l’heure frappe l’imagination dans le contexte de la récente augmentation des salaires dans plusieurs secteurs.

D’autant que le rôle de commis est de plus en plus complexe. Cela va bien au-delà du classement des livres avec une multiplication des types de services et une clientèle souvent composée de personnes plus vulnérables.

Mais au fait, pourquoi deux catégories de salariés ?

Un petit flash-back.

En juillet 2013, l’administration Labeaume décide de confier la gestion de toutes ces bibliothèques à l’Institut canadien du Québec, un organisme culturel à but non lucratif fondé en 1848 qui gérait déjà la moitié des succursales du territoire.

Dans la foulée, les intérimaires ont perdu leur emploi avant d’être réembauchés. Mais dans de nouvelles conditions.

Quelque 75 employés municipaux permanents ont, quant à eux, conservé leur emploi et leurs conditions de travail. Il en reste au plus une trentaine aujourd’hui.

Cette disparité, qui persiste encore 10 ans plus tard, explique en grande partie les revendications salariales.

Olivier Hébert a fait allusion à cette « iniquité persistante » lors de la période de questions citoyennes au conseil municipal du 19 mars. « Le sort des salariés repose sur vos décisions », a déclaré celui qui travaille comme commis aux élus. Jeudi, il a aussi fait du bruit auprès de ses collègues devant Gabrielle-Roy lors du passage du Soleil. «Vaut-on moins que les employés de Québec?»

Sa collègue Andrée-Anne Bergeron a, pour sa part, souligné la disparité avec d’autres municipalités comme Saint-Augustin-de-Desmaures.

Dans cette ville voisine, le salaire pour le même travail s’élève à près de 22 $.

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Il y a un mois lundi, une manifestation marquait le début de la grève du 1er mars. (Jocelyn Riendeau/Archives Le Soleil)

Au conseil la semaine dernière, Bruno Marchand a répondu à deux reprises que cette négociation se déroule entre l’Institut canadien et ses employés et qu’il faut la laisser suivre son cours.

Il n’en reste pas moins qu’au fond, la Ville donne l’argent à son sous-traitant historique, l’Institut canadien. Le gouvernement Marchand n’est peut-être pas à 100 % la bonne cible, mais le dénoncer n’est pas non plus exagéré.

Jeudi, l’Institut canadien s’est montré positif après la nomination du conciliateur.

« Nous avons beaucoup d’espoir dans le processus de conciliation. Nous sommes convaincus de parvenir ensemble à un accord satisfaisant pour les deux parties », a répondu par écrit à Soleil la directrice des communications de l’ICQ, Mélisa Imedjdouben.

Sur la ligne de piquetage, les grévistes réclament également un règlement. Mais pas à n’importe quel prix, selon Guylaine Turcotte, une salariée qui n’a pas perdu une once de détermination malgré les semaines qui passent.

« Nous ne pouvons pas y entrer la tête baissée. Il faudra qu’il y ait un minimum acceptable.

L’employeur souhaite un règlement, tout comme les syndiqués. Et tôt ou tard, malgré la solidarité, la population aura aussi hâte de retrouver ses bibliothèques.

Pour répondre à cette chronique, écrivez-nous à [email protected]. Certaines réponses pourront être publiées dans notre rubrique Opinions.

 
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