« Pourquoi est-il si important de gagner un quart d’heure ? » – .

« Pourquoi est-il si important de gagner un quart d’heure ? » – .
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Vendredi 29 mars, à 20 heures, au Château de Nahuques à Mont-de-Marsan (1), une rencontre publique est organisée sur le thème de l’imaginaire autour des grandes infrastructures de transport, avec un focus sur le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest ( GPSO). dans le département des Landes, et à Marsan en particulier.

En partenariat avec les associations Les Amis de la Terre et Non LGV Nord Landes et Marsan, c’est Attac Marsan qui propose ce débat, “pour permettre aux citoyens de s’emparer de ce sujet qui revient désormais sur le devant de la scène”. Ce sera également l’occasion de faire le point sur l’actualité du projet.

L’intervenant, Julien Milanési, maître de conférences à l’université Paul-Sabatier (Toulouse I) et chercheur (2), est un local du plateau. Il a grandi à Bostens et Mont-de-Marsan, et était jeune chercheur (« Je commençais ma thèse ») lorsque le projet A65 a été lancé en 2005. Il s’est mobilisé contre celui-ci, a milité dans les associations, et de cette expérience, un un film et un webdocumentaire ont été réalisés, « L’intérêt général et moi », sorti en 2016, co-réalisé avec Sophie Metrich. On a aussi parlé de la LGV et du projet d’aéroport, abandonné en 2018, à Notre-Dame-des-Landes.

Quel sera le sens de votre intervention de vendredi soir ?

J’ai travaillé une dizaine d’années sur les questions d’infrastructures de transport, en essayant d’abord de comprendre pourquoi on continuait à construire ce type de projets, sachant que pour les autoroutes comme pour les lignes de train à grande vitesse, la plupart des rapports ministériels et des économistes disent qu’on n’en a plus besoin, et qu’il faut arrêter de les construire.

Lorsqu’on les étudie rationnellement, on arrive également à cette conclusion, en tenant compte de leur coût et de leurs priorités ailleurs. Il n’y a finalement rien de très rationnel dans ces choix, et ils sont en grande partie imaginaires. Par exemple, l’une des convictions que je mentionnerai vendredi est que les infrastructures de transport seraient porteuses de développement économique. Aujourd’hui, il y a cinquante ans de travaux universitaires qui affirment que ce n’est pas vrai, et malgré cela, tout le monde continue d’y croire.

On voit cependant des zones d’activité se développer, par exemple au nord-est de Mont-de-Marsan et à Saint-Avit, vers l’échangeur A65.

Si vous allez voir les compagnies une à une, vous verrez que soit elles étaient ailleurs cinq ou dix kilomètres auparavant ; soit ils se seraient installés de toute façon ; ou ils ont parcouru de plus longues distances. Ce que ces infrastructures provoquent, ce sont des déplacements d’activité, et plutôt au détriment de villes comme Mont-de-Marsan, au profit des grandes métropoles.

C’est une chose bien connue des services de l’État et des hauts fonctionnaires. J’ai rencontré Carole Delga, la présidente de la Région Occitanie il y a un mois avec des collègues scientifiques, à propos de l’autoroute Castres-Toulouse, et elle y croit fermement, à la création d’activités.

Et lorsque vous y confrontez cette réalité économique, que vous répond-elle ?

Elle dit que ce n’est pas vrai. Que c’est moi qui ai tort. Elle répond à travers des anecdotes. « Je connais un endroit où il y a des entreprises qui se sont installées. » Mais ce n’est pas de la science.

Pourquoi n’êtes-vous pas audible alors ?

Parce que nous sous-estimons grandement à quel point nous sommes des êtres narrateurs : nous aimons qu’on nous raconte des histoires, et nous raconter des histoires. En effet, depuis longtemps, les infrastructures de transport ont apporté la prospérité. Ils ne le sont plus aujourd’hui parce que nous sommes suffisamment équipés.

Dans les Landes, mes grands-parents me racontaient l’arrivée de la route à Bostens, en 1958 ou 1959. Evidemment, quand une route arrivait, cela changeait la vie. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai, mais nous y croyons toujours.


Julien Milanési.

Archives SO

« Depuis longtemps, les infrastructures de transport ont apporté la prospérité. Ils ne le sont plus aujourd’hui car nous sommes suffisamment équipés »

A Mont-de-Marsan, peut-on dire que la LGV libérerait cette gare sans issue, ou désenclaverait la ville ?

Enclavé est un terme qui ne veut rien dire. C’est de la subjectivité. Mont-de-Marsan n’est pas enclavé. La définition est un endroit auquel nous ne pouvons pas accéder. C’est un vocabulaire destiné aux ingénieurs des transports et des travaux publics, fondé à la fin du XIXe siècle.e siècle, à l’époque où se construisaient les premières grandes infrastructures du pays et où il existait de véritables territoires enclavés.

Aujourd’hui, on peut se rendre à Mont-de-Marsan par je ne sais combien de routes, par des lignes ferroviaires. Il faudrait plutôt dire qu’il faut prendre un peu plus de temps. Et c’est toujours relatif, par rapport à quoi, à qui ? Quand on gagne un quart d’heure, voire une demi-heure, pour aller à Mont-de-Marsan, on n’ouvre rien. On gagne un quart d’heure. Après on peut s’interroger : pourquoi gagner un quart d’heure est si important ? C’est une autre forme d’imagination, celle de la vitesse ou de l’accélération.

Vous avez également travaillé sur la question de la définition de l’intérêt général.

Jusqu’à il y a vingt ou trente ans, les infrastructures ne faisaient pas débat, tout le monde les considérait comme d’intérêt général. Aujourd’hui, ils sont contestés. Cela marque un changement de temps. Ces conflits très forts autour de ce qu’est la définition de l’intérêt général, on pourrait aussi les ramener à des batailles d’imagination. Deux visions du futur qui s’affrontent.

Pour l’instant, les imaginaires alternatifs ne sont pas dominants, mais ils s’affirment de plus en plus, sachant que le modèle imaginaire dominant est en échec. Ce sont aussi les imaginaires de la croissance et de la frugalité. Faire toujours plus, aller plus vite, avec tout ce que cela signifie en termes d’effets sur le monde et sur nous ; ou ne devrions-nous pas ralentir ? C’est ce qui est intéressant avec la vitesse : personne ne peut vous expliquer pourquoi il est préférable d’aller plus vite. C’est une valeur.

Parce que nous sommes dans une société capitaliste et que le temps, c’est de l’argent ?

C’est une des raisons, mais ce n’est pas la seule. Nous en parlerons vendredi.

(1) Entrée gratuite, accueil à partir de 19h30 (2) Atoi Certop-CNRS, Centre d’étude et de recherche sur le travail, l’organisation, le pouvoir ; et Centre national de recherche scientifique.

 
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