Le flop du vapotage

Le flop du vapotage
Descriptive text here

Quelle fenêtre ? Celui d’une boutique de vape.

Cinq mois après que le gouvernement a interdit les arômes de la vape, cette démonstration ludique est un camouflet retentissant à ce qui ressemble de plus en plus à une vaine tentative de réduire l’attrait de la vape auprès des jeunes, qui ont rapidement trouvé comment donner aux vapeurs de nicotine un goût de fraise ou de Kool-Aid.

Il existe partout des petits flacons d’arômes concentrés qui sont simplement ajoutés au liquide « légal ».

Le magasin de vape dont je parle ne fait pas exception, et il s’est également diversifié en vendant des « snacks », des bonbons en tout genre, du Slush Puppie et de la controversée boisson énergisante Prime, particulièrement appréciée des jeunes, lancée et promue par des influenceurs célèbres. Nous sommes loin du moment où rien ne devrait donner envie d’entrer.

Je me suis tout de suite souvenu d’une chronique écrite il y a six ans, presque jour pour jour, où je racontais l’histoire d’un gars qui possédait un magasin de vape et qui avait reçu la visite d’un inspecteur. L’homme s’était crispé devant des bacs à vaisselle blancs accrochés sous un comptoir, sur lesquels figurait, en noir, le nom de la saveur du liquide qu’ils contenaient.

Le propriétaire a reçu une amende de 7 500 $ pour publicité illégale par la poste quelques semaines plus tard.

Un autre commerçant a dû retirer d’une étagère un bol de fruits car l’inspecteur a jugé qu’il s’agissait d’une publicité en trois dimensions pour ses liquides fruités.

Une autre, une fleur.

C’est l’époque où le gouvernement décide de réglementer la cigarette électronique, qui jusqu’alors n’était soumise à aucun contrôle. Nous avions simplement décidé de copier-coller la loi tabac, avec son lot d’incohérences, comme le fait qu’un bol rempli d’embouts en plastique puisse être considéré comme du tabac.

Mais bon, l’idée initiale du gouvernement était de s’attaquer à la popularité de la vape auprès des jeunes, qui l’appellent aussi à la manière anglaise, « véépe ». Imaginez, dans un magasin de vapotage de Beauport, un inspecteur demande même à une maman de laisser son bébé de quelques semaines, qui était dans une coquille, à l’extérieur du magasin.

Nous ne plaisantions pas avec ça.

Six ans plus tard, l’enthousiasme des jeunes ne s’essouffle pas ; il suffit de passer par un lycée pour voir des adolescents avec des « veeps » à la bouche. Selon les plus récents chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec, la proportion d’élèves de 4e et 5e secondaire ayant vapé au cours du mois précédent a augmenté de 2013 à 2019 de 4 % à 35 %, de 5 % à 15 % en secondaire 2. Au total, c’est un jeune sur cinq.

Interdire les saveurs n’y changera rien. J’aurais dû demander à mon adolescent plus âgé quand la nouvelle de l’interdiction prochaine des arômes s’est répandue dans les couloirs. “C’est con, ils vont le commander sur internet”, a-t-il alors d’emblée réagi. Ce qui est encore plus stupide, c’est que la plupart d’entre eux ont déjà tout trouvé de manière détournée, n’ayant fondamentalement pas le droit d’obtenir légalement lesdites vapes.

Ainsi, le gouvernement, comme dans de nombreux domaines, a semblé agir.

C’était écrit dans le ciel que cela ne changerait rien au fléau du vapotage chez les jeunes, et que cela ne ferait qu’agacer les anciens fumeurs de cigarettes qui s’y étaient convertis. Et même alors, il n’a fallu que quelques jours pour rendre la réglementation inefficace en vendant des arômes alimentaires dans de petites bouteilles aux couleurs gaies.

Que nous vendons avec des Smarties.

La collègue Victoria Baril avait d’ailleurs fait le tour de certains magasins de vape au début du mois pour constater que la nouvelle loi était un échec, un véritable « fiasco ». Les anciens aussi, remarquez, beaucoup d’entre eux ont choisi de se convertir en commerces de type dépanneur, les mineurs peuvent donc désormais y entrer.

Victoria nous a indiqué que le ministère de la Santé et des Services sociaux a visité 40 des 147 vapoteries recensées au Québec, que 90 % d’entre elles vendaient des « saveurs shots », et qu’une seule a été jugée non conforme. Puis, en lisant les rapports d’inspection, elle a constaté que la réglementation est tout sauf claire, même pour les inspecteurs.

Mais rassurez-vous, le gouvernement surveille de près. « Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, les inspecteurs du MSSS sont sur le terrain pour assurer le respect de la réglementation. Or, force est de constater que certaines pratiques de l’industrie du vapotage ne sont pas alignées avec les intentions législatives », a répondu Marie-Pierre Blier dans les communications.

Il est clair qu’il s’agit là d’un aveu désarmant d’impuissance.

Ce qui est fascinant dans ce gouvernement, c’est qu’il a cru qu’il réussirait à court-circuiter « les internets » et à faire disparaître les saveurs, que les adolescents abandonneraient gentiment le « véépe ». Comme il croyait – ou faisait croire – qu’en fixant l’âge à 21 ans pour se procurer du cannabis auprès de la SQDC, les jeunes en consommeraient moins.

Tout ce que cela donne, c’est un écran de fumée.

Pour répondre à cette chronique, écrivez-nous à [email protected]. Certaines réponses pourront être publiées dans notre rubrique Opinions.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

NEXT Forage de la ligne bleue | Un contrat « le plus rapidement possible », affirme la STM