Malgré ce retour à la normale, les choses peuvent « encore mal tourner »

Malgré ce retour à la normale, les choses peuvent « encore mal tourner »
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Ilôt de stabilité dans un continent saturé de coups d’État, le Sénégal va-t-il s’apaiser grâce aux urnes ? Ce dimanche, les Sénégalais sont appelés aux urnes pour le premier tour de l’élection présidentielle. Cette séquence politique intervient après une période de fortes turbulences, provoquées par la décision du président Macky Sall de reporter le vote.

Au crépuscule de sa vie politique, le dirigeant, élu pour la première fois en 2012, avait plongé le pays dans l’incertitude. Avant de faire marche arrière sous la pression du Conseil constitutionnel et de fixer une date pour le vote. Au même moment, les opposants Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, sont sortis de prison le 15 mars, donnant lieu à des scènes de liesse à Dakar.

“Ça peut toujours mal tourner”

Même si les Sénégalais connaissent un « moment de respiration évident », il est « prématuré de parler de stabilité », prévient Caroline Roussy, directrice de recherche à l’Iris (institut de relations internationales et stratégiques) et responsable du programme Afrique/s qui appelle pour « prudence ». «Je me méfie de la fragilité des régimes qui semblent bien installés, ça peut toujours mal tourner», convient Marc Lavergne, docteur en géographie, directeur de recherche émérite au CNRS à l’université de Tours.

Car, si le Sénégal a toujours été « équilibré » et « une forme d’exception en Afrique », alors que le continent a connu ces dernières années une « succession de coups d’État militaires », rappelle Marc Lavergne, il n’est pas encore tiré d’affaire. « Il y a encore beaucoup d’incertitudes et les différents candidats n’ont pas vraiment eu le temps de diriger et de faire campagne, ce qui est essentiel au processus démocratique », explique Caroline Roussy.

Une société jeune et polarisée

La campagne a effectivement débuté le 7 mars, soit 17 jours seulement avant le premier tour de l’élection présidentielle. Mais pour l’un des 17 candidats, le délai a été encore plus court. Bassiou Diomaye Faye, adoubé par Karim Wade, n’est sorti de prison qu’une semaine avant le début du scrutin. La campagne de ce candidat, désigné pour remplacer Ousmane Sonko, a donc été éclair. Il fait pourtant partie des favoris et la bataille devrait se jouer entre lui et le dauphin de Macky Sall, Amadou Ba. Cette élection pousse donc les Sénégalais à choisir entre rupture et continuité. « Dans les deux scénarios, une partie de la population sera ravie et l’autre sera forcément déçue. Je crains que la polarisation de la société sénégalaise ne soit telle qu’elle ne trouve pas le chemin de l’harmonie », déclare Caroline Roussy.

Une perspective d’autant plus inquiétante que les jeunes risquent de se sentir lésés. « L’âge médian du pays est de 19 ans mais l’âge médian de vote est de 40 ans ! », s’exclame le chercheur qui précise que « le vote jeune n’est pas acquis par la majorité présidentielle ». Or, « si les jeunes ne s’expriment pas dans les urnes, ils pourraient bien s’exprimer dans la rue », note Marc Lavergne. D’autant que le taux de chômage, qui frôle les 20 %, est encore plus élevé chez les jeunes, une situation qui pourrait alimenter leur colère.

Soupçons de fraude future

Il est possible que le dépouillement soit tendu puisque plusieurs candidats ont évoqué le spectre de malversations électorales. Karim Wade accuse ainsi Amadou Ba, l’héritier présumé de Macky Sall, d’avoir un « plan de fraude massive » pour remporter l’élection dès le premier tour. De son côté, l’opposant Ousmane Sonko a prédit la large victoire de son deuxième, Bassirou Diomaye Faye… si l’élection se déroule sans fraude. « Ces déclarations créent un climat de tension latente. Cela peut susciter une forme de doute et de suspicion », explique Caroline Roussy.

“Les Sénégalais connaissent très bien l’alternance, ils ont une très forte envie de voter mais cela reste un moment de tension pour le pays”, ajoute-t-elle. « C’est un peuple très mûr politiquement. On sent la capacité de la population à défendre la démocratie, ajoute Marc Lavergne. Mais d’autres personnes très attachées aux élections se retrouvent aujourd’hui sous une dictature parce qu’on ne leur a pas demandé leur avis. » Cependant, malgré un rétropédalage, le report des élections a brisé la stabilité politique du Sénégal. Et depuis, selon Caroline Roussy, « tout le monde retient son souffle ».

 
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