« Chacun doit participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre selon ses responsabilités », argumente Pierre Leflaive, responsable transports du Réseau Action Climat.

« Chacun doit participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre selon ses responsabilités », argumente Pierre Leflaive, responsable transports du Réseau Action Climat.
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L’année 2023 est une année record. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont diminué de 4,8 % en 2023 par rapport à 2022, soit 384,5 millions de tonnes équivalent CO.2. Si c’est une bonne nouvelle, est-ce le résultat d’une planification écologique ou d’un ralentissement économique soudain ? Entretien avec Pierre Leflaive, responsable transport du Réseau Action Climat.

Le ministre de la Transition, Christophe Béchu a qualifié l’année 2023 de « une bonne année historique », est-ce un terme qui correspond à la réalité des émissions de gaz à effet de serre ?

Concernant les transports, la réponse est non. Et sur la pérennité de ce déclin, non plus, malheureusement. Car le déclin ne fait pas partie d’un exercice de planification, mais le résultat d’événements économiques qui ont pesé sur les plus précaires, et qui ne laissent aucune indication sur la possibilité de répéter des résultats en déclin dans les années à venir. .

Si l’on prend la trajectoire indicative de la SNBC (Stratégie nationale bas carbone, NDLR), en matière de budget carbone, on est aux bons niveaux entre 2019 et 2023, tout simplement parce qu’il y a eu le COVID. Si nous répétons un COVID tous les 3-4 ans avec un arrêt total de notre activité pendant un an nous parvenons à entretenir cette baisse.

Mais ce n’est évidemment pas à cela que devrait ressembler la transition écologique. Si l’on prend plutôt la tendance baissière, on constate, notamment dans le secteur des transports, que l’on évolue parallèlement à la trajectoire de la SNBC tout en étant nettement au-dessus de cette ligne.

Vous avez évoqué les ménages les plus précaires comme ceux ayant été les plus contraints par cette baisse, comment caractérise-t-on cette « sobriété non choisie » ?

La consommation de carburant a fortement baissé en septembre. Ce n’est pas parce que beaucoup de gens ont acheté des voitures électriques en septembre, non : c’est parce qu’il y a eu une augmentation du prix des carburants qui a poussé les classes les plus pauvres à réduire leurs déplacements pour consommer moins de carburant. C’est ce que l’on peut appeler une « sobriété contrainte ».

Chacun doit participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais à la hauteur de sa responsabilité face aux émissions, et de sa capacité à faire autrement. S’il s’agit simplement d’augmenter le prix des carburants, sans proposer d’alternative aux voitures thermiques, cela se traduit par un abandon. On parle bien d’un quotidien contraint du fait de la dépendance aux voitures thermiques et du retard pris en termes de diversité et d’amélioration de l’accès à la mobilité.

C’est un problème de justice sociale, et c’est aussi un problème de projection dans la transition. Car une fois que les classes aux revenus les plus modestes ont réduit leur mobilité à l’état de ramper, il n’y a plus de marge de manœuvre. Alors qu’une transition organisée et souhaitée pourra viser une réduction des émissions pour les plus riches, pour ceux qui prennent l’avion par exemple, sans que cela soit un renoncement.

Sur la question des transports que vous évoquez, le ministre a annoncé un assouplissement des ZFE (Zones à Faibles Emissions), permettant aux villes de choisir d’interdire ou non la circulation des véhicules Crit’air 3 (véhicules Diesel de 14 ans ou plus, dont 10 millions sont comptés en France). Est-ce un revers qui empêchera l’atteinte des futurs objectifs de réduction des GES ?

Aujourd’hui, nous ne devrions pas avoir à choisir entre qualité de l’air, accès à la mobilité et réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce déclin des ZFE se traduira par des seuils de qualité de l’air qui ne seront toujours pas respectés, par des décès ou des maladies cardiovasculaires liés à la pollution par les gaz à effet de serre, qui augmenteront dans les années à venir. .

C’est la conséquence de l’absence de planification du développement de la mobilité. Si du jour au lendemain, on dit qu’un véhicule particulier ne peut plus accéder à la ville sans lui proposer une alternative, c’est un problème. Sans avoir créé une alternative et sans avoir organisé cette transition, elle est supportée, elle n’est pas efficace et elle est injuste.

Ce qui manque aujourd’hui dans la politique gouvernementale, c’est une politique en réaction aux événements actuels, et pour reprendre ce mot, qui ne reste malheureusement qu’un mot aujourd’hui dans la bouche du gouvernement, qui manque de « planification ».

Pour des alternatives à ces véhicules crit’air 3, quelles pourraient être les alternatives vers une transition durable ?

Il faut réduire le parc automobile, développer des alternatives à la voiture, au vélo en ville, mais aussi en milieu rural. Et c’est le train avant tout qui doit être le fer de lance de la mobilité de demain, le train du quotidien, comme on l’appelle, à travers le développement des petites lignes. Il faut aussi qu’il y ait une vraie offre qui prenne forme dans le véhicule électrique des petits véhicules électriques.

Et peut-être que le dernier levier qui me semble intéressant ici est la question des flottes d’entreprises. Aujourd’hui, un véhicule neuf sur deux, soit un prix moyen de 35 000 euros, est acheté par une entreprise. La SNCF, par exemple, dispose d’un parc de véhicules très important pour ses activités, mais qui ne sont pas du tout électrifiés.

« Si nous voulons que le secteur aérien joue son rôle dans la réduction des émissions, alors réduire le trafic est essentiel. »

Pierre Leflaive, responsable transport du Réseau Action Climat.

En 2023, la part des véhicules électriques dans les immatriculations de véhicules de société sera de 8 %, contre 22 % pour les particuliers. Les particuliers jouent 3 fois plus le choc électrique que les entreprises qui restent au thermique.

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont également augmenté de 25 % dans le secteur aérien. Sans changements dans ce secteur, pourrait-on atteindre l’objectif de réduction de 50 % des GES fixé pour 2030 ?

Il existe aujourd’hui un consensus scientifique : les solutions technologiques ne permettront pas au transport aérien de jouer son rôle dans la transition écologique. Les professeurs de l’école supérieure d’aéronautique de Toulouse ont fait un état des lieux sur le potentiel de décarbonation du secteur aérien. Leur conclusion est simple : si l’on veut que le secteur aérien joue son rôle dans la réduction des émissions, alors réduire le trafic est essentiel.

C’est une question très politique. Dire aujourd’hui que le secteur aérien, qui profite à une très petite partie de la population, peut continuer à émettre et voir son budget carbone augmenter, signifie qu’il va falloir faire encore plus d’efforts dans d’autres secteurs.

On entend un ministre à Bercy qui fait des coupes budgétaires sur le Front vert pour le climat, sur l’innovation thermique dans les bâtiments, sur de nombreux sujets clés, mais qui ne veut toujours pas entendre parler de freins fiscaux à l’antenne du secteur. C’est, rappelons-le, le seul mode de transport qui ne paie pas de taxes sur son énergie.


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