Il circulait sur l’E42, l’autoroute wallonne, au volant d’une BMW série X6. Là, il était au niveau de Sombreffe. Depuis un moment, une moto BMW le suivait. Il n’y prêta pas particulièrement attention.
Dix jours plus tard, il retrouve dans la boîte aux lettres une lettre du parquet de Namur. Il a ainsi appris que ce motard qui le suivait sur l’autoroute n’était pas un motard lambda, mais un inspecteur de la cellule Circulation de la police de Sambreville-Sombreffe. Le policier a mesuré la vitesse : 193 km/h.
Le parquet lui a donné quinze jours pour s’expliquer. Fabien a ensuite été convoqué au commissariat. Puis devant le tribunal de police de Namur. Il a choisi l’avocat Christophe Redko.
La grande interview de la semaine avec Christophe Redko : “Certains dossiers m’ont bouleversé”
Série BMW X6
Nous sommes le 20 octobre 2021 et sur ce tronçon de l’E42 à proximité de Fosse-la-Ville, la vitesse est limitée à 90 km/h.
Pour tenir compte de la marge d’erreur technique, la vitesse de 193 km/h avait été réduite à 181,42 km/h : soit plus du double de la vitesse autorisée à cet endroit.
Les choses ne s’annonçaient pas bien pour le propriétaire de ce BMW X6, un SUV coupé de 340 chevaux parfaitement capable de dépasser les 250 km/h.
L’affaire paraissait mauvaise sauf qu’ici, la vitesse n’avait pas été mesurée au radar.
Mais par le compteur de vitesse de la moto de la police. Dans le rapport, l’inspecteur certifie avoir lu 193 km/h au compteur alors qu’il suivait la BMW « à vitesse constante pendant un certain temps ».
Les conclusions d’un policier étant authentiques, comment Christophe Redko et son collègue Me Camille Lecomte, qui a plaidé à l’audience, ont-ils obtenu l’acquittement du client ? Comment ont-ils fait ?
Étalonnage
Les avocats ont expliqué que pour pouvoir prononcer une peine légale, il faut évidemment déterminer la vitesse avec certitude et précision.
En l’espèce, la vitesse constatée résultait d’un contrôle effectué sur un tronçon d’autoroute où le véhicule avait été suivi par la moto dont le compteur, selon le rapport, « était valablement calibré ».
C’est cette branche du raisonnement que Me Redko a remise en cause : le calibrage du compteur de vitesse de la moto BMW de la police.
Demandes
Pour vérifier que le compteur était – comme allégué – « valablement calibré », l’avocat a demandé au tribunal de demander à la police de produire le certificat de calibrage délivré par le vendeur, à savoir BMW Motorrad. Dans la demande, M. Redko précisait qu’il attendait une attestation datée, signée et rédigée en français.
Par ailleurs, le calibrage ayant été effectué sur la moto alors qu’elle était équipée du train de pneumatiques d’origine, Christophe Redko a souhaité vérifier si les pneumatiques montés sur la moto le 20 octobre 2021 étaient bien les pneumatiques d’origine dont elle était équipée. fourni lors de l’étalonnage.
Enfin, M. Redko a voulu vérifier si les rainures avaient une profondeur minimale de 1,6 mm.
Le tribunal de police de Namur, présidé par le juge Thibaut Radar, a fait droit aux demandes et ordonné que les contrôles soient effectués en interrogeant l’inspecteur de police qui avait suivi ce jour-là la BMW X6 sur l’autoroute.
Déjà condamné
C’est là que les problèmes sont apparus.
Dans un premier temps, la police a répondu que l’inspecteur avait changé de service et quitté l’unité. Il ne lui était plus possible de « répondre aux questions posées par le tribunal ». Autre problème : la moto n’existe plus. Démolie dans un accident en 2022, la police a dû répondre au tribunal qu’il « devenait matériellement impossible d’effectuer les contrôles demandés »
Quant au certificat d’étalonnage que Christophe Redko souhaitait remettre au tribunal, daté, signé et rédigé en français, la police n’a pu obtenir de Motorrad BMW qu’une simple copie en anglais.
Fabien, précision supplémentaire, avait déjà été condamné pour excès de vitesse. En cas de récidive, l’amende de 1 030 euros pourrait être doublée. Fabien risquait également entre 3 mois et 5 ans de déchéance du droit de conduire et d’être obligé, pour retrouver son permis, de passer les examens médicaux, psychologiques, théoriques et pratiques.
décision
Puisqu’il n’était plus possible d’interroger le policier sorti de l’unité, de vérifier le calibrage de la moto envoyée à la casse ou d’obtenir le certificat de calibrage rédigé en français, le tribunal a considéré que le procureur de la République n’avait pas fournir la preuve formelle que le compteur de vitesse de la moto a été correctement calibré. Considérant donc que la preuve légale de l’infraction n’avait pas été apportée, le juge Radar a acquitté l’automobiliste, même s’il ne peut être contesté qu’il roulait certainement à une vitesse largement supérieure à 90 km/h. C’est du bon sens, vous ne pouvez pas vous tromper autant. Mais il a été acquitté et c’est pourquoi la décision pose question.
Me Redko, contacté, a pu confirmer que le parquet n’a pas fait appel. Et, cerise sur le gâteau, les frais du procès ont été supportés par l’État, donc par le contribuable, donc par nous tous.