Dans l’est de la RDC, réconcilier les jeunes avec les livres

Dans l’est de la RDC, réconcilier les jeunes avec les livres
Dans l’est de la RDC, réconcilier les jeunes avec les livres

L’imprimante continue de vibrer dans un coin de la pièce. Une commande de 400 exemplaires occupe l’imprimerie de Martin Lukongo à Goma, ville de l’est de la République démocratique du Congo, plus connue pour le conflit qui l’entoure que pour sa production littéraire.

Dans une région en proie à des violences depuis plus de trente ans, lire est un luxe jugé presque futile pour certains. Mais un collectif a entrepris de réconcilier les jeunes avec les livres en les produisant à Goma.

« Les écrivains préfèrent imprimer en Europe, car ils ne pensent pas pouvoir obtenir cette qualité ici », explique Martin Lukongo.

Pourtant, malgré les coupures de courant et le manque de papier de qualité, ce photographe professionnel parvient à tirer une soixantaine d’exemplaires par jour.

Mais les acheteurs se font rares dans les quelques librairies de la ville. Le prix des livres importés d’Europe se situe généralement entre 20 et 60 dollars.

« Très peu de jeunes peuvent accéder à ces livres, contrairement à d’autres produits comme la bière, en vente tous les week-ends », déplore Depaul Bakulu, l’un des fondateurs de la maison d’édition Mlimani.

Un « danger pour les jeunes », selon lui, qui a conduit un collectif d’artistes et de militants à lancer une collecte de fonds en ligne pour financer la création de cette maison d’édition locale, qui propose des livres à un prix oscillant entre 5 et 10 dollars.

Un an et demi après son lancement, le catalogue Mlimani compte une dizaine d’auteurs publiés ou réédités : Frantz Fanon, le prix Nobel Denis Mukwege et des romanciers, chercheurs ou essayistes, pour la plupart congolais.

Leur point commun : « des livres qui parlent de la culture des jeunes Congolais ou qui ont un rapport direct avec leur vie », explique Depaul Bakulu.

« On dit que les Congolais ne lisent pas, mais on s’est rendu compte que les problèmes étaient beaucoup plus liés à l’approvisionnement », poursuit-il.

“Révolte”

Les livres Mlimani sont distribués dans la plupart des grandes villes du Congo via un réseau de partenaires, qui collectent les lecteurs des écoles et des centres culturels, animant des séances de lecture collective.

Ce matin-là, une dizaine de curieux se sont rassemblés dans un centre associatif du centre-ville de Goma pour discuter d’une des dernières publications de Mlimani : « L’histoire générale du Congo » de l’historien congolais Isidore Ndaywel E Nziem.

« L’idée est avant tout de s’asseoir autour d’une table et d’échanger sur des sujets qui nous concernent. Cela nous permet de diffuser le contenu sans obliger les gens à acheter le livre », explique Victor Ngizwe, un étudiant qui anime l’atelier.

Les participants sont pour la plupart des jeunes hommes, qui se décrivent comme engagés et espèrent trouver des outils intellectuels pour « se révolter et savoir quoi faire pour l’avenir » dans un pays plongé dans des conflits depuis des décennies, explique l’un d’eux, Steven Sikubwabo, un avocat. étudiant.

L’évocation des grandes pages de l’histoire du Congo par deux bénévoles a rapidement animé les débats. Une histoire principalement écrite par des auteurs étrangers, dans des livres publiés et vendus à l’étranger. Et rarement transmis aux nouvelles générations.

« À l’école, les enseignants martèlent l’histoire européenne. On ne parle pas de l’Antiquité africaine, on ne parle pas du Moyen Âge en Afrique », déplore Gautier Barweba, slameur.

« Dans toute civilisation, le passé sert de miroir au présent. Nous devons construire des mythes qui peuvent nous unir », ajoute Victor Ngizwe.

Les auteurs congolais jugés plus « patriotiques » ou mieux à même de partager les « sentiments » des lecteurs sont ainsi plébiscités.

D’autres projets de maisons d’édition locales sont apparus après Mlimani.

«C’est encourageant pour les jeunes lecteurs, mais aussi pour ceux qui sont prêts à écrire», estime Martin Lukongo. « Vous n’êtes pas obligé d’envoyer vos livres ailleurs pour pouvoir les vendre ici. » (AFP)

 
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