Filéas, entreprise à mission, a pour objectif d’améliorer la transparence des chiffres de vente des livres imprimés et numériques destinés aux auteurs et d’optimiser l’efficacité économique et environnementale de la chaîne du livre. Un comité de mission, composé de représentants d’auteurs, d’éditeurs, de libraires et de partenaires institutionnels, encadre ses actions pour garantir son caractère interprofessionnel et d’intérêt général.
Son objectif principal est de créer un outil de suivi des ventes accessible via un portail dédié, les acteurs de la profession. Ce projet s’inscrit dans la transformation numérique du secteur, en favorisant la fédération des acteurs et l’accès généralisé aux données.
La plateforme Filéas a pour objectif de fournir des données de ventes précises aux acteurs de la chaîne du livre. Il permettra aux auteurs de consulter gratuitement les ventes de leurs œuvres et proposera, moyennant un abonnement adapté à la taille des structures, un accès aux éditeurs, diffuseurs et distributeurs.
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Filéas s’appuiera sur les outils existants tels que la base de données Electre Auteurs et le FEL (Exhaustive Book File) pour constituer sa base bibliographique. Le site proposera deux indicateurs de ventes : un indicateur hebdomadaire disponible dès l’ouverture, basé sur les données de GfK, et, par la suite, un indicateur quotidien alimenté par les données des acteurs du secteur, notamment celles de plus de 700 librairies partenaires en startup.
Huit acteurs majeurs de la filière du livre se sont réunis le 20 décembre 2024 pour créer la société Filéas (Fils d’information libraires, éditeurs, auteurs) : le Syndicat national de l’édition (SNE), le Cercle de la Librairie, Dilicom, l’Association des le Développement des Librairies Créatives (ADELC), le Syndicat Français des Librairies (SLF), l’Association des Librairies Informatisées et des Utilisateurs des réseaux électroniques (ALIRE), le Conseil Permanent des Ecrivains (CPE) et le Société des Gens de Lettres (SGDL).
Maintenant il faut travailler
Lors de l’assemblée générale constitutive, Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition a déclaré « Ce projet trouve un aboutissement induit dans l’accord auteur-éditeur de 2013. Cela nous semble très important. C’est aussi un merveilleux signe de solidarité pour le secteur. ».
Un message appuyé par Renaud Lefebvre, directeur général du SNE, soulignant auprès d’ActuaLitté «une avancée importante. C’est à la fois l’aboutissement de nombreux débats et un point de départ important pour tous les métiers du livre qui en bénéficieront.« . Le lancement officiel aura lieu lors de la Fête du Livre 2025 (du 11 au 13 avril), avec «la présentation d’une version test».
Séverine Weiss, présidente du CPE, jointe par téléphone précise que «le déploiement sera progressif à partir du printemps. Les auteurs et éditeurs disposeront d’une première solution hebdomadaire avec les données fournies par GfK», l’un des panélistes qui vendent des estimations de ventes pour l’industrie. Bien entendu, ces informations seront plus simples que celles actuellement vendues aux clients.
Pour garantir que l’information sur cet accès circule entre les auteurs, les médias, les organisations d’auteurs ainsi que La Sofia seront impliqués. “Je ne doute pas non plus que les auteurs feront progressivement passer le message», assure-t-elle.
Depuis plusieurs années, le groupe Hachette propose à ses auteurs une solution similaire d’accès aux chiffres de ventes avec Mon Espace Auteur ouvert en 2021. Après un an d’expérimentation, quelque 1 000 écrivains du groupe y ont été connectés. En octobre 2021, c’était au tour d’Editis de développer la même solution, avec des informations juridiques, administratives et commerciales. Anciennement Booktracking, désormais Fileas, l’outil interprofessionnel ne concurrencerait en aucun cas ces services – peut-être servira-t-il même à vérifier et comparer les éléments communiqués ?
Élever des boîtes
Pour l’instant, les partenaires travaillent sur la plateforme et son interface, se rapproche »qui soulèvent des questions complexes de sécurité ou de confidentialité pour tous« . La deuxième étape, plus innovante, passera donc par un retour d’information sur les ventes en caisse, avec le concours de 700 librairies (via le SLF), dont Mollat à Bordeaux, connu pour ne pas partager ses données.
Restera ensuite à convaincre les enseignes et la grande distribution spécialisée de participer à Filéas, pour compléter la qualité des données – la Fnac et d’autres ont refusé d’entrer capitalistiquement dans le projet. Tout en permettant l’accès aux métriques (via GfK), avec la réserve de pouvoir les supprimer si l’outil n’est pas adapté. Si Filéas en tant que tel constitue une avancée majeure pour le secteur interprofessionnel, il est encore loin d’avoir convaincu à ce jour tous les opérateurs.
L’enjeu des petites structures éditoriales, maintes fois détaillées, résidera dans le contrôle des réimpressions : en cessant de naviguer à vue, c’est avant tout la trésorerie des maisons qui sera protégée des dépenses inutiles. En bénéficiant d’une meilleure vision des ventes, les maisons géreront leur production plus efficacement – avec les implications écologiques que l’on peut imaginer.
Conséquence pour les distributeurs : éviter le surstock. Pour certains, comme nous l’avons vu, il s’est avéré plus rentable de retirer les maisons partenaires de leur catalogue, plutôt que d’investir pour se développer et accueillir davantage de maisons partenaires. Par ailleurs, l’augmentation des coûts logistiques, de transport ou encore de cartons, amène la distribution à repenser sa stratégie, réduisant globalement les volumes.
Filés ne fera peut-être pas le tour de la Terre en 80 jours, mais pourrait-il, à sa petite échelle, contribuer à changer le monde ?
Crédits photos : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
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