František Zvardon et ses derniers

Le grand photographe František Zvardon, ami proche de l’Alsace où il se sentait si bien, vient de retourner dans l’au-delà. Il avait 75 ans. Marc Chaudeur, qui l’a bien connu, nous parle de sa personnalité très riche.

Photo FM / L’AMI

Nous l’avons interrogé le 6 novembre, juste avant sa disparition. Nous collaborons depuis plusieurs mois pour réaliser un livre consacré aux pays du Grand Nord. Une œuvre qui ne verra peut-être jamais le jour. Mais František venait de publier un livre consacré aux photographies d’Alsace. Une œuvre étonnante et audacieuse

.

Ce sera son dernier ouvrage, à l’exception de l’autre livre que nous avons créé en collaboration en 2022 et qui paraîtra dans quelques jours à Paris : ma traduction d’un grand explorateur du Groenland, Knud Rasmussen, avec les magnifiques photos de l’artiste de Origine tchèque.

František Zvardon, je le connaissais depuis longtemps ; mais j’ai écrit sur son travail à partir de 2017.

Dans sa production, l’Alsace joue un rôle particulier, qui tient à la place qu’occupe notre région dans sa biographie. « L’Alsace, pourquoi et comment ? » : telles sont les questions fondamentales que je lui ai posées, quelques jours avant sa disparition.

Je suis arrivé en Alsace en 1985, répond-il. J'avais fui la Tchécoslovaquie communiste, car je ne supportais plus la censure ni les obligations imposées, y compris dans la pratique de la photographie elle-même. Mais tout n’était pas négatif : l’école de Brno que j’ai fréquentée m’a appris à m’intéresser à la société et à l’être humain. Après un séjour à Paris, et souffrant encore d'un certain « traumatisme du départ », d'une grande nostalgie de mon pays, je me suis retrouvé au Canada. J'y ai reçu le Vancouver Photography Prize. J'ai failli m'y installer ; mais le pays était trop… anglo-saxon, et trop difficile financièrement pour moi.František Zvardon et ses derniers livres 2
František Zvardon et ses derniers 2

Photo MC

La est restée pour moi le pays des artistes, telle qu’elle était perçue dans les pays de l’Est. A l’époque, je croyais que tout Français comprenait toutes les œuvres d’art qu’on lui montrait, et tous les livres ! Mais je ne voulais pas vivre à Paris. J’ai donc exploré les pays un peu périphériques : la Belgique, Bâle et… l’Alsace. Et voilà : je me suis installé là-bas.

Je me sentais bien. Comme dans un nid. J’ai beaucoup voyagé dans ma vie avec mes appareils. Premier livre, en Espagne. Et puis : le Moyen-Orient, depuis longtemps, pour mon livre sur la Bible. Et puis les pays du Grand Nord, que j’adore. Et l’Éthiopie, pour mon livre préféré. Mais à chaque fois, quel plaisir, quel bonheur de retrouver mon nid, l’Alsace !

« L’Alsace, je ne m’y ennuie jamais ; Je n’ai jamais voulu la quitter. C’est d’une telle beauté et d’une telle variété ! Les automnes, les couleurs extraordinaires des Vosges, la forêt rhénane qui ressemble tant à l’Amazonie, l’été, les ruines, les brumes, les nuances de l’été, toute cette harmonie. Tout est si riche ici !

• Cher František, à cet égard, votre dernier livre est très spécial. Audacieux et étonnant…

• Vous faites référence à mon utilisation de l’Intelligence Artificielle… Oui, certains protestent, d’autres sont gênés…

Ma préférence pour les paysages vient du fait qu’ils nous confrontent à ce qu’il y a de plus primitif ; de ce que nous portons en nous, mais qui ne nous porte pas. De ce qui nous est à la fois interne et… étranger.

Je porte toujours en moi une vision du paysage. La photo que je prends est une rencontre de cette vision et de l’image devant moi. Et l’IA me permet, selon moi, de mieux traduire ma vision interne de l’Alsace. C’est un moyen technique, c’est tout. Il ne faut pas le craindre, mais l’utiliser avec habileté, il permet des propositions larges, des portes ouvertes aux rêves du paysage. Un rafraîchissement de la perception. C’est mon Alsace qui apparaît dans Beyond Alsace, en partie grâce à cette utilisation de l’IA.

Il est vrai que le résultat, les photos du livre, traduisent admirablement la joie, la candeur et la fraîcheur du regard de František, regard présent dans toute cette œuvre qui s’étend sur un demi-siècle.

Marc Chaudeur

Préparée quelques mois avant sa mort, Tout une Vie, la dernière exposition bilan de František Zvardon, se tient à Apollonia, Strasbourg, jusqu’au 2 février 2025.

Beyond Alsace, a journey between dream and reality, Edts La Nuée Bleue.
France
Livres

 
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