Un film, un spectacle, un livre : les incontournables à voir et à écouter recommandés par la rédaction cette semaine.
Harmonie du coeur
La musique adoucit les mœurs et, dit-on, réchauffe les cœurs. L’adage ne pourrait pas être plus juste que Une fanfarenouveau film d’Emmanuel Courcol après Un triomphe, sur le pouvoir réconciliateur et salvateur de la musique. Le réalisateur imagine la rencontre entre un chef d’orchestre de renommée internationale et un trombone dans une fanfare nordiste. Ils sont frères, mais n’ont pas grandi ensemble : le premier a été adopté par une famille bourgeoise, le second placé dans une famille d’accueil, mais un accident de la vie les a réunis. Malgré leurs différences de culture et d’origine, leur amour pour la musique leur permettra de tisser un lien fraternel unique. Ambiance chaleureuse des fanfares, précarité des travailleurs du Nord, poids du déterminisme social, peinture du monde classique : tout sonne vrai dans ce feel good movie qui, entre rires et larmes, évoque les anglais The Full Monty et The Virtuoses. Portés par la sincérité et l’authenticité d’une écriture qui ne méprise jamais les personnages, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin échappent à toute caricature. Une nette réussite qui, n’en déplaise aux plus cyniques, nous touche au plus profond du cœur. ML
Une fanfareby Emmanuel Courcol, with Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé, Clémence Massart…
Un sacre sacré
Depuis sa création, qui fit scandale en 1913, à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, par Nijinsky, Le Sacre du Printemps est une fabuleuse Source d’inspiration pour de nombreux chorégraphes contemporains comme Maurice Béjart, Pina Bausch, Sasha Waltz, Angelin Preljocaj, Emanuel Gat… Olivier Dubois n’échappe pas à ce mouvement, mais pour lui cet appel du printemps ne pouvait se faire d’un seul coup. » geste”. En 2012, il proposait déjà une première partie de sa collection Rite(s) du printempsau Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, deuxième volet en 2014 avec Mon élu noir. Sacré #2qu’il a créé pour Germaine Acogny, puisant sa danse dans la force et la profondeur de l’âme africaine. Pour Pour les dieux seulement. Sacré #3c’est une déclaration d’amour qu’il offre à sa star Marie-Agnès Gillot : « Je vois Diane chasseresse sans gibier, je vois Marilyn sans robe, Callas sans voix, un samouraï sans l’honneur du combat. C’est une étoile brillante… c’est une bête mythologique que nous vénérons et qui raconte l’histoire de notre époque. Devant une sorte de temple fait de bois et de cordes, Marie-Agnès Gillot est l’Élue face au sacrifice ultime, elle est un samouraï, une force en mouvement, elle capte l’imaginaire guerrier du Japon médiéval sur la musique de Stravinsky et les compositions électro de François Caffenne pour une danse sacrée, une transe hypnotique, et l’Élu devient alors l’élu de notre cœur. BB
Pour les dieux seulement. Sacré #3, du 28 novembre au 7 décembre, au Théâtre du Rond-Point, à Paris, puis en tournée. theatredurondpoint.fr
Une gloire toxique
Il a écrit de nombreux romans et réalisé des tonnes de films sur la célébrité et le prix qu’elle coûte. Mais, de manière générale, on adore la star, alors qu’on va vite la détester dans ce texte d’une précision particulièrement diabolique sur la société du spectacle et le quotidien d’une chanteuse mondialement connue. Cléo Louvent, dès l’enfance, a fomenté le projet de devenir célèbre. Elle coche beaucoup de cases (beauté, intelligence, belle voix, force de travail illimitée, etc.), et il lui faut une ambition à la hauteur de la place qu’occupent désormais les réseaux sociaux. La réussite sociale est devenue obsessionnelle. C’est cet esprit du temps que ce roman décortique avec brio, livrant des pages féroces et drôles sur la confusion des genres qui fait exploser les frontières entre intimité et marketing.
“Plus vous êtes célèbre, plus vous leur appartenez.” Vous êtes un produit calibré qui appartient au label qui vous a signé, à l’équipe qui prend en charge votre musique et votre vie, au public qui vous harcèle. Chanter les mêmes chansons jusqu’à l’épuisement, signer des milliers d’autographes, faire tant de selfies et d’interviews stupides, avec le même faux sourire, jusqu’à l’ennui mortel. Il faut être un animal à sang froid pour tenir bon. Cléo est suffisamment coriace, calculatrice et égoïste pour y parvenir. Mais la peur de l’échec, pieuvre névrotique de nos sociétés tournées vers la rentabilité (de soi désormais), et son corollaire l’insatisfaction, qui ne lâche plus depuis l’enfance (elle se coupe l’intérieur des cuisses à chaque fois). erreur de sa part), ne font qu’augmenter. Même l’amour sincère d’un homme célèbre mais bon ne peut pas la sauver. Montée et chute d’un monstre, avec un scalpel. Un roman prenant qui remet les idées en place ! IP