Les bibliothèques suivent leurs livres avec de l’arsenic

Les bibliothèques suivent leurs livres avec de l’arsenic
Les bibliothèques suivent leurs livres avec de l’arsenic

Le pigment en vogue au XIXème sièclee siècle, mais considéré depuis lors comme le roi des poisons, l’arsenic se retrouve dans les couvertures des livres. Les bibliothèques, comme celle de Strasbourg, les recherchent pour éviter tout risque.

Dévorer des livres oui, mais uniquement avec les yeux : comme d’autres établissements dans le monde, la Bibliothèque nationale et universitaire (BNU) de Strasbourg a lancé une recherche pour retrouver des ouvrages contaminés à l’arsenic dans ses collections. Une douzaine de livres sont disposés sur une petite table roulante dans l’atelier de conservation-restauration. La couverture vert émeraude de la plupart d’entre elles attire le regard, signant la marque « caractéristique » d’un pigment très en vogue « entre 1830 et 1870 », explique Aude Therstappen, directrice adjointe du centre des services et des collections.

Appelé « vert de Paris » ou « vert de Schweinfurt », il était principalement utilisé en Allemagne et dans les pays anglo-saxons où il était notamment utilisé pour colorer les couvertures de livres. Problème : il contenait de l’arsenic, un composant naturel hautement toxique, qui s’est donc retrouvé disséminé, certes en faibles proportions, dans de nombreux ouvrages publiés au XIXe siècle.e siècle. Il y a quelques années, un conservateur américain a tiré la première alerte en lançant le « Poison Book Project » afin d’identifier, localiser et cataloguer les œuvres contaminées.

Il faudrait manger plusieurs couvertures pour être empoisonné !

Mais un électrochoc a eu lieu plus récemment, selon Aude Therstappen, « lorsque les bibliothèques allemandes ont commencé à retirer » les livres suspects lors d’« opérations de très grande envergure », comme au début de l’année à l’université de Bielefeld où « 60 000 livres ont été mis de côté » le temps de déterminer s’ils contenaient ou non de l’arsenic. « Cela a vraiment remis en question le monde des bibliothèques », analyse le conservateur. De par son histoire, la BNU dissimule plusieurs « livres verts » d’arsenic dans les fonds colossaux abrités dans son imposant bâtiment néoclassique.

Fondée au moment de la première annexion allemande (1871-1919) de l’Alsace-Moselle, la deuxième plus grande bibliothèque de France compte quelque 3,5 millions de documents, dont de nombreux ouvrages allemands acquis par le Reich wilhelminien (Second Reich). . Les recherches débutées il y a un mois ont permis jusqu’à présent de détecter « une trentaine » d’œuvres portant le roi des poisons, explique Aude Therstappen. A Paris, la Bibliothèque nationale de France (BnF), pour n’en citer qu’une, a annoncé avoir « mis en quarantaine » quatre livres décorés à l’arsenic.

Dans les bibliothèques de l’Université de Strasbourg, indépendantes de la BNU, « aucun livre » de ce type n’a été identifié mais « tout ouvrage à couverture verte publié au XIXèmee siècle est considéré comme suspect » et un « protocole est en cours de validation avec l’université », indique un porte-parole. Dans les médiathèques de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, les collections « en accès direct ne sont pas concernées par le risque de contamination à l’arsenic », car elles datent presque toutes du XXe siècle.e ou XXIe siècle, explique le service de presse, précisant qu’une recherche “plus approfondie” sera toutefois menée au cours de l’été.

L’Université de Lorraine indique ne pas avoir procédé à un « recensement systématique », le risque étant « très faible ». Le BNU n’a pas opté pour des actions aussi drastiques que celles observées à Bielefeld. “On parcourt le catalogue puisqu’on a une période qui nous donne une idée de la rubrique dans laquelle chercher”, explique Aude Therstappen. Ensuite, il faut « aller voir » les œuvres pour « se rendre compte si ce sont ou non des « livres verts » » qui, en cas de contamination, resteront « en magasin », protégés « dans des boîtes ou des sacs en papier cartonné sans acide ». », poursuit-elle.

Les commerçants qui devront les manipuler seront également protégés et les lecteurs souhaitant les consulter ne pourront le faire qu’en salle du patrimoine, où des gants jetables leur seront proposés. Reste que les quantités potentiellement présentes dans ces livres sont sans doute minimes, estime Thierry Aubry, le responsable de l’atelier de restauration. “Il faudrait manger plusieurs couvertures pour être empoisonné !”, dit-il. Il est impossible d’ignorer l’alerte, mais « jusqu’à preuve du contraire, elle ne constitue pas un risque majeur ».

Selon lui, « les fines poussières des magasins » qui peuvent être inhalées par le personnel constituent « bien plus un danger » que « le risque de prendre » ou de « toucher » des œuvres par ailleurs rarement consultées. « Je comprends que cela fasse un peu le buzz mais à mon avis, en l’état, il n’y a pas de risque sanitaire avéré », relativise-t-il.

 
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