Louise Erdrich, « Comme des pas dans la neige » (Albin Michel)

Louise Erdrich, « Comme des pas dans la neige » (Albin Michel)
Louise Erdrich, « Comme des pas dans la neige » (Albin Michel)

Conte d’hiver. Le travail d’un écrivain ne doit pas être figé. Émouvant, celui de Louise Erdrich est constitué d’un patchwork de textes qu’elle assemble et répare, formant parfois un objet littéraire original, comme Comme des pas dans la neigeun volume réunissant, selon le souhait de l’auteur, deux textes publiés à vingt ans d’intervalle : Tracespublié en 1990 sous le titre La forêt suspendue (Robert Laffont), and Quatre âmespour la première fois traduit en français. Au centre de leur intrigue, la même héroïne, Fleur Pillager, dernière survivante de sa lignée, et le même narrateur, Nanapush (en alternance avec deux autres narrateurs), qui suit la trajectoire cahoteuse de Fleur, depuis la réserve Anishinaabe où il la découvre, plus morte que vivante et lui sauve la vie, à Minneapolis où elle va tenter d’assouvir sa soif de vengeance.

Dès les premières lignes, les talents de conteuse de Louise Erdrich nous enveloppent d’un manteau qui nous permet d’affronter les rigueurs de l’Histoire. « Nous avons commencé à mourir avant la neige, et comme la neige, nous avons continué à tomber les uns après les autres. Il était étonnant qu’un si grand nombre d’entre nous soient encore morts. Pour ceux qui avaient survécu à la maladie des taches du sud, à un long combat dans l’ouest du pays Sioux où nous avions signé le traité, puis au vent d’est qui nous avait jetés en exil dans une tempête de papiers officiels, que se passait-il ? du nord en 1912 paraissait inconcevable. » Toi le Nord, « la maladie invisible » arrivé, décimant la famille de Fleur et un peuple dont les terres avaient déjà été confisquées et distribuées aux colons venus de l’Est. Après avoir été soignée par Nanapush, Fleur se rend à Argus pour travailler dans une boucherie, “embauchée pour sa force”. Suite à des parties de poker qu’elle gagne, Fleur est violée par les perdants. Le lendemain, Argus est frappé par une tempête qui ne fait aucune victime, à l’exception des hommes qui ont attaqué Fleur. Sa légende la précède bientôt, mais ne dissuade pas Eli Kashpaw de l’aimer. Une fille est née, à qui Nanapush raconte l’odyssée de sa mère dans l’espoir de les réconcilier après que Fleur l’ait placée dans une institution publique.

L’héritage et la transmission d’une culture décimée, l’assimilation considérée comme un moyen de survie, sont au cœur de ce diptyque dont la première partie confronte les points de vue de Nanapush, Anishinabe luttant pour la préservation de sa culture, et de Pauline, métisse niant son ascendance amérindienne. La tension entre ces deux visions – les récits se contredisant parfois sans que le lecteur sache qui dit la vérité – interroge la manière dont l’histoire est appréhendée par ceux qu’elle maltraite. A la violence des événements s’opposent les présences invisibles des défunts et des esprits accompagnant le récit, des brises légères caressant les ramifications de l’intrigue ou des tornades semant la dévastation sur leur passage. Pour les lecteurs qui n’ont pas encore eu la chance de connaître l’œuvre de Louise Erdrich, nous recommandons de la découvrir aux côtés de textes plus récents, comme Celui qui regarde ou La phrase (Albin Michel, 2022 et 2023), aux structures narratives moins complexes. Pour les fans, Comme des pas dans la neige vous aidera à patienter avant l’édition française de Le puissant rougeson nouveau roman qui vient de paraître aux Etats-Unis.

Louise Erdrich
Comme des pas dans la neige
Albin Michel
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Lederer
Edition: 15,000 copies.
Prix ​​: 23,9 € ; 448 p.
ISBN : 9782226469656

 
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