Au Grand Bivouac, les héros discrets de la littérature de voyage

Au Grand Bivouac, les héros discrets de la littérature de voyage
Au Grand Bivouac, les héros discrets de la littérature de voyage

La littérature de voyage nous fait connaître ses principaux héros et ses best-sellers. De Kessel a Londres, en passant par Bouvier ou Tessontous ont nourri le fantasme de l’aventurier solitaire. Si l’offre éditoriale s’appuie encore sur ces narrations à la première personne, d’autres histoires émergent, tout comme de nouveaux écrivains au regard neuf. Animée par l’envie de s’abonner à ces témoins du monde moderne, la 23ème édition du Grand Bivouac, le salon du cinéma et du livre d’aventure d’Albertville (Savoie), s’est déroulée du 16 au 20 octobre (les projections ont débuté le 14), aux petits représentants éditoriaux du secteur.

« Si les canons de la littérature de voyage restent sensiblement les mêmes, c’est-à-dire la description, l’ailleurs, le paysage, on observe quand même une forme de mutation. Dans les films documentaires comme dans les , apparaissent des formes de narration qui décentrent l’expérience du voyageur. acquiescer Jean-Sébastien Esnaultdélégué général de l’événement.

Immersion totale

Du côté des éditeurs, le phénomène s’illustre parfois par un surprenant recours à la fiction, là où la littérature de voyage tend le plus souvent à puiser sa matière dans le réel. « Entre biographies, récits à la première personne, romans, il y a beaucoup à faire dans la littérature de voyage, c’est quand même un secteur très dynamique ! En revanche, j’ai le sentiment aujourd’hui que les lecteurs ont envie de s’immerger complètement dans un univers, lui-même nourri d’une certaine réalité. »détails IsabelleParent, directeur des éditions Paulsen, qui n’a pas pu trouver le temps en raison des dates de la Foire de Francfort.

« En tant qu’indépendants, nous ne faisons que cela : de la littérature de voyage. Mais les succès des grandes maisons ont aussi un certain impact sur nous » – Stéphanie de Bussierre – Photo EC

Avec sa collection « La Grande Ourse », la maison a fait le pari d’explorer la complémentarité des genres, en publiant de nouvelles plumes commeAnaïs Pélier. Médecin généraliste de formation, l’auteure s’est notamment inspirée de ses voyages en Antarctique pour réaliser un premier thriller polaire, Caravanevendu à plus de 4 500 exemplaires. De la même façon, Delphine Minoui – fidèle hôte du Grand Bivouac et auteur de Badjens (Seuil) –, a finalement troqué sa casquette de reporter contre de puissantes héroïnes incarnant la résistance iranienne.

Nouvelles plumes, nouveaux récits ?

Également invité à l’événement, Virginie Troussier a parlé de son travail autour Nicolas Jaeger (L’homme qui vivait hautGuérin) lors d’une rencontre littéraire en présence de Jennifer Lesieur, spécialiste en Jack London, Rose Valland ou même Alexandra-David Néel, et de Sarah Marty (Soixante jours, Denoël). «Tous trois ont la particularité d’avoir écrit des textes qui s’éloignent des codes de la biographie classique», a commenté le journaliste chargé de la modération, insistant sur la mise en lumière des vies invisibles.

Rencontre littéraire « Sur les traces d’un autre : la magie de la biographie » avec Jennifer Lesieur, Sarah Marty et Virginie Troussier. – Photo CE

Faut-il voir une corrélation entre le renouveau du genre et les écrivaines féminines, même si le salon du livre s’est tenu cette année sous le thème « Les veines des écrivains » ? “Je crois que les femmes ont tendance à s’intéresser à d’autres sujets, presque anthropologiques, comme la famille, la société”tente Lionel Bédinpropriétaire de la petite maison Livres du monde et auteur d’un recueil de voyages de femmes. Si le postulat n’est pas un gage de vérité, certaines structures indépendantes n’hésitent pas à s’en inspirer pour se démarquer sur un marché économiquement dominé par les labels spécialisés des grandes maisons.

«Je publie à 99% de femmes» dire Stéphanie de Bussierreà la tête d’Akinomé. Maison spécialisée dans le voyage et l’écologie, cette dernière édite une douzaine de nouveautés par an, dans la rubrique jeunesse et adulte. Engagé pour l’environnement, l’éditeur veille à ce que ses auteurs effectuent des voyages au long cours et à ce que tous ses titres soient « non couché et non laminé ».

« Sur les salons, nous cartonnons ! »

Avec dix autres éditeurs, dont Transboréal, Magellan & Cie, Nevicata et les éditions du Mont-Blanc – qui ont notamment introduit les thrillers de montagne à leur catalogue –, la maison fait partie du Syndicat des éditeurs indépendants de voyages. L’organisation représente à elle seule 3 500 titres de littérature de voyage. Une stratégie de mutualisation des ressources qui, jusqu’à présent, a su conjurer toutes circonstances défavorables. « Sur les salons, nous cartonnons !accueille Marc Wiltzprésident de l’UEVI et fondateur de Magellan & Cie. Rien que la semaine dernière, lors du festival du livre de poche de Bordeaux, nous avons vendu plus de 600 titres. »

S’il admet que le segment doit une partie de son succès à la fiction – son recueil « Miniatures », composé de nouvelles issues de la littérature étrangère, en est un illustre exemple –, le directeur des éditions Magellan & Cie tergiverse. « Ce qui nous fait tenir, c’est avant tout un fonds de titres qui continue de se vendre dix ans après »argumente-t-il.

Lors du salon du livre, plus de 1000 références ont été commandées par la librairie des Bauges, en plus du catalogue des éditeurs invités. – Photo CE

Alors qu’elle commence tout juste à élaborer un recueil de « poésie voyageuse » inauguré par les textes de Iocasta Huppen, Laurence Vanderhaeghendirectrice des éditions Partir Pour, continue d’enrichir son catalogue de « des histoires personnelles mais universelles ». Son label « Errances » renoue ainsi avec les traditionnels carnets de voyage, pensés comme « des titres à glisser dans sa poche ».

Développer et pérenniser la collection du catalogue

In finel’objectif reste le même, quels que soient les contours qu’il affiche : offrir au lecteur une expérience immersive. Après avoir adapté en bande dessinée les grands récits d’aventures du début du XXe sièclee siècle – Voyager avec un âne à partir des textes de Robert Louis Stevenson ou Maître d’équipage basé sur le travail de Joseph ConradLes éditions Futuropolis s’essayent également à la non-fiction. « On a longtemps considéré les carnets de voyage comme des instantanés, mais je crois qu’aujourd’hui, il s’agit aussi de développer un fonds documentaire avec de la non-fiction pour raconter autre chose »expliquer Frédéric Schwamberger.

Ravi du succès rencontré par La loi du sol d’Etienne Davodeau (2021), sorte de reportage témoignage vendu à plus de 170 000 exemplaires, le directeur de la maison a réitéré l’hybridation du genre avec le road movie deEinstein etÉtienne Klein Dans L’éternité béante et annonce, pour la fin de l’année, une odyssée cartographique de Ptolémée avec Géographiesigne Jean Leveugle et Emmanuelle Vagnon, et la Bnf.

Plus d’informations sur le Grand Bivouac

Du 14 au 20 octobre, la 23e édition du Grand Bivouac a attiré près de 40 000 festivaliers venus d’une quarantaine de départements à Albertville (Savoie). Une soixantaine de projections internationales, 80 invités et une myriade d’événements artistiques ont ponctué l’événement, placé cette année sous le thème « Fureur de vivre ». A noter que, vendredi 18 octobre, le maire d’Albertville Frédéric Burnier Framboret inauguré, aux côtés du journaliste Delphine Minoui et deux classes primaires, la bibliothèque du groupe scolaire du Val des Roses, qui prendra le nom de l’écrivain.

 
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