Briser les contraintes sociales, Leila Slimani, en quête d’exploration humaine

Briser les contraintes sociales, Leila Slimani, en quête d’exploration humaine
Briser les contraintes sociales, Leila Slimani, en quête d’exploration humaine

De nature rebelle, Leila Slimani, à travers ses écrits, aspire à transcender les stéréotypes sociaux et à entraîner le lecteur dans un univers où les jugements s’évaporent et où l’acceptation de l’autre est prônée. A l’occasion de la 29ème édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) 2024, Leïla Slimani partage son parcours littéraire et personnel. Jardin de l’Ogre, Douce Chanson, Le Parfum des fleurs de la nuit, ou encore Mathilde, sont autant de titres qui résonnent dans l’esprit du public, partagé entre ceux qui vantent ce courage et ceux qui critiquent cette ouverture parfois jugée « extrémiste ». ».

Plus qu’une présentation d’un nouveau livre, cette rencontre particulière au SIEL se veut l’occasion idéale d’explorer les arcanes d’une figure majeure de la littérature contemporaine, Leïla Slimani. Modérée par Soukaina Regragui, cette interview revient sur les succès littéraires de cette écrivaine franco-marocaine reconnue pour sa capacité à capter la complexité de l’âme humaine.

Interrogé sur l’un de ses romans les plus percutants, ” Le jardin de l’ogre», Leïla Slimani estime que « ce dernier est une exploration audacieuse de la sexualité féminine, suivant le parcours d’une femme prise dans les méandres de l’addiction sexuelle. Au Maroc, le livre a suscité des réactions variées, comme on pouvait s’y attendre lorsqu’on aborde des sujets aussi sensibles. Certains lecteurs ont loué le courage de briser les tabous autour de la sexualité féminine, tandis que d’autres se sont montrés plus hésitants, peut-être en raison de l’audace avec laquelle j’ai abordé le sujet. Mais au-delà des réactions individuelles, ce roman a surtout marqué le début d’une exploration plus profonde de la condition humaine à travers mes écrits, une exploration qui transcende les frontières géographiques et culturelles. ».

©Mounir Mehimdate

Elle dure une semaine. Une semaine où elle n’a pas cédé. Adèle a été sage. En quatre jours, elle a couru trente-deux kilomètres. Elle est allée de Pigalle aux Champs-Élysées, du musée d’Orsay à Bercy. Elle courait le matin sur les quais déserts. La nuit, sur le boulevard Rochechouart et la place de Clichy. Elle ne buvait pas d’alcool et se couchait tôt. Mais cette nuit-là, elle en a rêvé et n’a pas pu se rendormir. Un rêve en sueur, interminable, qui la pénétrait comme une bouffée d’air chaud. Adèle ne peut penser qu’à cela. Elle se lève, boit du café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d’un pied sur l’autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se gratter, de déchirer son corps en deux. Elle se cogne le front contre le mur. Elle veut qu’on l’attrape, qu’on lui fracasse le crâne contre la vitre. Dès qu’elle ferme les yeux, elle entend les bruits, les soupirs, les cris, les coups. (…) Elle veut être une poupée dans le jardin de l’ogre», rapportons-nous de la préface du roman. Adèle, femme qui veut explorer les pulsions féminines, mais de manière extrême. Une description aussi fine, délicate et intime laisse penser que Leila Slimani se cache derrière ces et (ses) personnages ?

En réponse, Leila Slimani réfute cette pensée et suggère qu’elle se considère comme une menteuse et que la littérature est un grand mensonge porteur de vérité là où elle fuit la morosité du quotidien. En ce sens, elle ajoute que l’écrivain est un marionnettiste qui déplace ses marionnettes pour explorer les pensées les plus sombres de l’esprit humain.

En pleine extase, Leila Slimani se baigne quand elle écrit et quand elle se laisse dévorer par une autre histoire. Une évasion célébrée en 2016 lorsque l’écrivain remporte le prix Goncourt pour son roman « Chanson douce», un livre poignant qui a touché des milliers de lecteurs à travers le monde. Pourtant, avant même ce succès retentissant, Leila Slimani est reconnue pour son courage à aborder des sujets souvent considérés comme tabous.

©Mounir Mehimdate

Accro au sexe et femme musulmane, Leila Slimani a préféré faire l’impasse sur l’aspect religieux ? Selon ses propos, l’écrivaine avait une autre façon de voir les choses : « D’un point de vue littéraire, cela n’aurait pas été intéressant. Pourquoi ? Parce que les gens se seraient concentrés uniquement sur cela. Donc toute la question autour de cette femme aurait tourné autour de son identité, de sa religion. Maintenant, en tant qu’auteur, je voulais que nous regardions la femme. Je voulais qu’on enlève tout ce qui avait à voir avec son identité, sa religion, qu’on s’intéresse à cet être humain, à l’âme de cette femme. Et je trouve qu’aujourd’hui, dans la lecture des médias, des critiques littéraires et même malheureusement parfois du public, il y a trop de biais sociologiques. On veut trop expliquer les gens par leur lieu de naissance, par leur religion, par leur appartenance, en oubliant ce qui fait de nous tout simplement des êtres humains. Je choisis donc souvent dans mes livres d’essayer d’avoir le moins de préjugés sociologiques entre le lecteur et le personnage.“, Elle ajoute.

Comme un livre, On reproche à Leïla Slimani d’être très ouverte et certains affirment que tous ses lecteurs la connaissent par cœur. Pour elle, et comme le disait Friedrich Nietzsche « Parler beaucoup de soi peut être juste une autre façon de se cacher», l’écrivain estime que « la littérature est une invitation à explorer la complexité de l’existence humaine, à travers des histoires qui remettent en question les perceptions et les préjugés. En éliminant autant que possible les préjugés sociologiques, je cherche à offrir aux lecteurs une expérience immersive, où ils peuvent se connecter avec les personnages au niveau le plus profondément humain. Cela ne signifie pas ignorer les réalités sociales ou culturelles, mais plutôt les intégrer de manière subtile pour enrichir le récit, plutôt que de le définir. Mon objectif est de créer des histoires qui résonnent avec l’universalité de l’expérience humaine, au-delà des frontières géographiques ou culturelles, et qui encouragent la réflexion et l’empathie chez mes lecteurs. « .

 
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