Alain Crevier ou l’Être insondable

Pour Alain Crevier, retraité après 40 ans à Radio-Canada, ce premier livre peut être vu comme la suite logique de l’émission Deuxième regardqu’il a animé pendant près de 25 ans et, plus récemment, le podcast Être.

Dès les premières phrases du livre, on entend la voix d’Alain Crevier. On le voit presque nous parler, s’adresser à nous avec son propre ton et ses propres questions.

” Pour quoi [le mot ”être”] est-ce que ça m’intéresse ? Parce que c’est mal défini, c’est maladroit, »être». On ne sait pas trop ce que c’est, c’est incertain, c’est plein d’erreurs, et c’est ça qui m’intéresse. »

Dans ce livre, publié aux Editions Édito, l’ex-animateur nous présente les personnes qui l’ont influencé durant sa carrière de journaliste. Des gens qui ont ébranlé ses convictions, qui l’ont confronté à ses idées. Les personnes qui ont commis l’irréparable, qui ont survécu à des violences ou qui ont affronté la mort en demandant l’aide médicale à mourir.

C’est ça, Être. Je voulais trouver la preuve que malgré tout, on crée notre vie, on crée l’espoir qui nous permet de respirer.

La douleur de vivre à 15 ans

En plus de donner la parole à l’autre, il parle aussi un peu de lui-même. Alain Crevier nous révèle qu’à l’âge de 15 ans, il avait envie de mourir.

Je ne savais pas si j’allais en parler, comment je voulais en parler et puis je me suis dit, ce que j’avais vécu à 15 ans était un drame. Je n’en ai parlé à personne et je l’ai vécu presque seul. Aujourd’hui, je suis capable de le nommer, je suis capable de dire une partie de ce qui m’est arrivé.

Une révélation qui permet de mieux comprendre la sensibilité évidente du journaliste et sa compassion envers ceux qui ont souffert. J’ai vécu pendant plus de 50 ans avec l’ombre de la dépression qui m’a durement frappé lorsque j’étais adolescente.il explique.

Je me souviens avoir été à l’hôpital, avoir été intubé, j’étais à moitié conscient et je vois le visage de mon père qui était dans tous ses états. Il pensait que je faisais une overdosedit Alain Crevier qui, en fait, n’a pas consommé.

C’était irréel. Pourquoi n’ai-je rien dit à ce moment-là. Je ne sais pas, je n’ai rien dit.

La quête d’Alain Crevier est pleine d’espoir. Il écrit qu’il a souvent pensé à Nathalie Provost, devenue amie, abattue à Polytechnique Montréal en 1989. Ou encore à la mère de Marc Lépine, Monique. Deux femmes qui ont pensé au pardon. Parce que le pardon, lui a-t-on dit, est libérateur.

Il est vrai que nous sommes confrontés à de nombreux défis autour de nous, mais il y a quelque chose que nous refusons d’accepter, c’est la force qui réside en nous. Nous sommes capables de créer de l’espoiril explique.

Qu’il soit meurtrier, victime de viol ou survivants, Alain Crevier écoute et réfléchit sur la quête de sens et de liberté.

Si je devais aller au procès, ce sont eux que j’inviterais à témoigner. C’est à eux que j’aimerais être là pour dire, écoutez, j’ai vécu quelque chose d’incroyable et je suis toujours là, je suis vivant.