La chronique de Pierre Vermeren. Les Français et la lecture, bon sang Monsieur le Président… – .

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Le livre a connu son âge d’or auprès de la jeunesse en France des années 1960 à la fin du XXe siècle.e siècle. Avant cela, l’école n’était pas démocratique (1 % des bacheliers en 1945) et la lecture restait plutôt une pratique tout en haut de l’échelle sociale. A l’inverse, au 21ème sièclee siècle, la scolarisation s’est généralisée, mais le livre est pris en otage par l’électronique.

Depuis l’émergence du téléphone portable et d’Internet, le temps de lecture des Français a été divisé par deux, frappant…

Le livre a connu son âge d’or auprès de la jeunesse en France des années 1960 à la fin du XXe siècle.e siècle. Avant cela, l’école n’était pas démocratique (1 % des bacheliers en 1945) et la lecture restait plutôt une pratique tout en haut de l’échelle sociale. A l’inverse, au 21ème sièclee siècle, la scolarisation s’est généralisée, mais le livre est pris en otage par l’électronique.

Depuis l’émergence du téléphone portable et d’Internet, le temps de lecture des Français a diminué de plus de moitié, touchant particulièrement les jeunes lecteurs : les jeunes passent aujourd’hui dix fois plus de temps sur leur écran que sur un livre ; et lorsqu’ils lisent, les activités sur écran ne s’arrêtent pas pour la moitié d’entre eux (enquête du Centre national du livre du 9 avril 2024). Entre 16 et 19 ans, un garçon lit en moyenne 7 minutes par jour (contre 5,12 heures devant un écran), et une fille 17 minutes (contre 5,9 heures). De plus, la majorité de ces livres sont des mangas et des bandes dessinées…

Les premières études de lecture remontent aux années 1960 en France. Leur pionnier, Jean Hassenforder, a souligné la forte prédominance des milieux sociaux sur la lecture, les lycées généraux ayant alors le taux de lecture le plus élevé et les jeunes étant les principaux lecteurs. Par la suite, l’extension de l’enseignement secondaire a porté le lectorat en 1990 à 71 % d’hommes et 76 % de femmes ! Ces chiffres se sont inversés au tournant du XXe sièclee siècle : en 2020, un homme sur deux ne lit plus de livres dans l’année, contre moins d’une femme sur trois. Entre-temps, les 35-74 ans sont devenus le lectorat dominant. La crise de la lecture chez les jeunes est donc incontestable par rapport à son âge d’or.

La majorité des habitants de la planète ne lisent pas et vivent dans des dictatures qui les exemptent de toute action collective.

Peut-on vivre sans lire ? Certainement. La majorité des habitants de la planète ne lisent pas et vivent dans des dictatures qui les exemptent de toute action collective. Le particularisme culturel puissant de notre pays est le rapport des Français à leur littérature et à leur langue. Non seulement la Révolution inaugure le siècle brillant du roman, mais c’est parce qu’ils sont lecteurs que les Français entrent dans ce tourbillon. L’explosion de la presse en est témoin : la France était au XIXèmee siècle, le plus grand lecteur de journaux au monde.

Il n’y a pas de démocratie ni de science sans lecture, pas d’intelligence collective sans littérature, pas de libertés publiques sans une presse nourrie par un petit peuple d’écrivains et de journalistes, sous le regard de quelques génies. Si la lecture s’était répandue au XVIIème sièclee et XVIIIe Depuis des siècles, à l’initiative d’hommes d’Église, la République a rendu accessibles au plus grand nombre les auteurs qui ont forgé notre génie littéraire. Victor Hugo, l’école et la République française sont indivisibles.

Le déclin actuel de la lecture a poussé le président de la République à proposer de généraliser ce que font certains enseignants, lire – ou faire lire ? – chaque jour à toutes les classes à partir des pages de notre littérature. Les jeunes reçoivent 1 000 heures de cours de français de moins au cours de leur scolarité que notre génération (soit 100 heures par an de grammaire, d’orthographe, de littérature, etc.).

Cela fragilise leur rapport à la langue, prépare leur soumission aux images et bloque l’accès aux livres pour les jeunes qui n’entendent pas le français à la maison. Mais l’école continue de les occuper trente heures par semaine ! A raison d’une demi-heure de lecture collective par jour, l’entreprise a les moyens de leur faire découvrir quelques dizaines de livres et ainsi rattraper les 100 heures perdues annuellement. Pour que la corvée de lire devienne une joie et une attente pour le plus grand nombre.

Certains pays pratiquent une gymnastique collective matinale. Autres chants patriotiques. Ce serait bien que les jeunes Français écoutent nos écrivains exceptionnels. Sans simplifications ni concessions, car le temps a filtré les travaux de l’esprit.

Chronique suivante, celle de Belinda Cannone.

 
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