En Allemagne, la découverte de livres contaminés à l’arsenic bouleverse les bibliothèques du pays

En Allemagne, la découverte de livres contaminés à l’arsenic bouleverse les bibliothèques du pays
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Plusieurs milliers d’ouvrages du XIXe siècle soupçonnés d’être contaminés à l’arsenic ont été découverts dans certaines bibliothèques universitaires allemandes, comme celles de Düsseldorf et Bielefeld. La Bibliothèque nationale de Strasbourg (BNU) cherche désormais à savoir si elle contient également des livres empoisonnés.

Outre-Rhin, le sujet des « livres verts empoisonnés » est pris très au sérieux. Un certain nombre d’ouvrages du XIXe siècle exposés dans plusieurs bibliothèques allemandes sont soupçonnés d’être contaminés à l’arsenic. En cause : un pigment vert qu’il était d’usage d’utiliser à l’époque pour confectionner les pages ou le dos de certains livres afin de les rendre plus esthétiques.

Plus de 15 000 livres soupçonnés d’être concernés ont déjà été retirés des rayons des bibliothèques allemandes par mesure de précaution depuis début mars, selon l’Association allemande des bibliothèques, qui indique être consciente du problème « de longue date ». Au total, cela pourrait concerner 5 à 7 % des livres dans les bibliothèques publiques, selon l’Association allemande des bibliothèques. Ce qui représenterait entre plusieurs milliers et jusqu’à 2 millions de volumes au niveau national.

Les dangers avérés du « Paris vert »

Ce pigment brillant de couleur émeraude, appelé « vert Schweinfurt » ou « vert Paris », était à l’époque utilisé pour éloigner les insectes ou les nuisibles comme les rats dans les égouts parisiens. Cette substance, composée de métaux lourds comme l’acétate de cuivre et le trioxyde d’arsenic, est également particulièrement dangereuse pour l’homme : elle peut provoquer des maux de ventre, des nausées et des diarrhées. Il est même considéré comme cancérigène et peut être mortel.

À l’université de Bielefeld, dans le nord-ouest du pays, 60 000 livres de la bibliothèque universitaire ont été mis de côté en février dernier afin de déterminer s’ils avaient été empoisonnés ou non. Les 33 000 étudiants ont été alertés qu’il n’était plus possible d’emprunter ces œuvres.

Puis quelques semaines plus tard, l’université Heinrich Heine de Düsseldorf a fermé ses portes pendant plusieurs jours pour les mêmes raisons, selon le journal Suddeutsche Zeitung. La bibliothèque de Siegen, dans l’ouest du pays, soupçonnait également 12.000 livres et magazines d’être contaminés, selon la radio locale Radio Siegen, tout comme celles des campus de Duisburg-Essen, Sarrebruck et Kaiserslautern.

“L’université de Bielefeld est loin d’être un cas isolé”, confirme Reinhard Altenhöner, membre du comité directeur de l’Association allemande des bibliothèques, à BFMTV.com.

« Ne prenez aucun risque »

« C’est pour cette raison que nous sommes très prudents, nous faisons ce que nous pouvons en termes de sécurité pour protéger les étudiants, les visiteurs et nos employés. Nous ne voulons prendre aucun risque”, explique-t-il, rappelant que “des tests étaient actuellement réalisés en coopération avec des laboratoires de toxicologie. “Cela prend du temps et cela n’est pas possible avec les millions de livres que nous possédons.”

Par précaution, Reinhard Altenhöner indique qu’au moins 60.000 livres seront testés en Allemagne. A terme, difficile de dire ce qu’ils vont devenir. « Pour l’instant on les stocke, on les isole du public et on pense pouvoir les nettoyer selon certaines méthodes mais on ne sait pas encore vraiment comment. Nous aimerions pouvoir numériser tous les livres concernés, sous certaines conditions strictes”, explique ce spécialiste. Il est demandé aux personnes en contact avec ces livres de porter des masques et des gants de protection.

Il se veut cependant relativement rassurant quant à la dangerosité de ces livres : « C’est une substance toxique, c’est vrai, mais nous n’en sommes pas à des niveaux de concentration comparables aux industries qui la produisaient à l’époque. On s’interroge plutôt sur la manière dont l’arsenic peut se disséminer dans l’air. On ne sait pas vraiment, ce n’est pas clair.

Des livres contaminés en Alsace ?

Le directeur des bibliothèques reconnaît enfin que le problème ne se limite pas aux frontières allemandes. En effet, ce pigment, populaire au XIXème siècle, était produit et distribué dans de nombreux pays à travers le monde, et la France n’était pas en reste. Notamment en Alsace, puisqu’une partie de la bibliothèque historique locale a été créée à l’époque où la région était une capitale impériale allemande.

C’est la raison pour laquelle la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg (BNU) confirme à BFMTV.com avoir lancé « une recherche ciblée » des livres contaminés dans ses bibliothèques, « à partir des données figurant dans une base de données constituée par une université américaine ». .

« Nous n’avons jamais identifié de livres contenant de l’arsenic jusqu’à présent », précise Frédéric Blin, directeur des services et des collections à la BNU. Mais « si nous devions trouver de tels livres, nous les isolerions avant de les numériser, afin que les contenus restent accessibles, au moins sous forme numérique ».

En 2018, des chercheurs danois ont découvert trois livres empoisonnés à l’arsenic dans une bibliothèque du sud du pays. Les œuvres ont été immédiatement confinées dans des cartons individuels pour réduire leurs manipulations.

Jeanne Boulant Journaliste BFMTV

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