«Ceux qui appartiennent au jour» : l’un des romans les plus originaux de la rentrée littéraire

«Ceux qui appartiennent au jour» : l’un des romans les plus originaux de la rentrée littéraire
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A moins de 25 ans, cette Néerlandaise écrit en français mais son roman, Ceux qui appartiennent au jour, regorge d’expressions en néerlandais qui ajoutent, surtout pour nous Belges, un charme supplémentaire et unique.

Il ne faut pas dire nature morte. Nous devrions dire la vie silencieuse, ‘Stilven’ », elle écrit. Ou « En français, ils sont en lambeaux. En néerlandais, ils se déchirent. Versceurd zijn”. Et le curieux titre du roman Ceux qui appartiennent au jours’allume lorsqu’elle écrit : «En français, ils ne tiennent qu’à un fil. En néerlandais, ils appartiennent au jour. Il y a deux hommes du jour. » Tous les personnages sont au bord de la vie, fragiles au point de tomber.

Visite à Michel Tournier lorsqu’il vivait dans un presbytère

C’est l’histoire d’une famille de pasteurs arrivée en Alsace depuis longtemps mais qui vit dans un ancien presbytère et dont le fils Nicolaas souhaite à son tour devenir pasteur.

C’est un huis clos familial qui ne quitte jamais les murs du presbytère et de ses habitants, où l’on retrouve le grand-père, Opa, qui perd la mémoire atteint d’Alzheimer et le père qui est en Burnout et tout oublier. Il doit se rappeler quoi faire en collant des post-it sur le réfrigérateur. Les post-it roses servent à se souvenir des blagues.

Ce matin, papa s’est effondré. C’est cassé.

La narratrice est retournée dans sa famille pour aider ses parents et grands-parents et conseiller son frère qui doute de sa vocation, voire de sa foi : « Nous ne croyons plus en Dieu, mais vous pensez qu’avec tout ce qui arrive, Dieu croit toujours en nous ? », demande-t-il à sa sœur.

Dans ce lieu exigu comme une peinture hollandaise d’antan, où tout semble s’écrouler, il y a aussi de l’humour et des jeux, dont celui de Memory dont Opa manque systématiquement, forcément.

Bonne cacophonie

Emma Doude Van Troostwijk écrit des phrases très courtes, descriptives comme les détails d’un tableau, ou ajoute qu’il faut amener le « beschuitjes » à Oma dans son lit. Elle revient sur le passé de la famille, les souvenirs heureux ou tristes.

“En françaiselle écrit encore, ils perdent la tête. En néerlandais, ils perdent le chemin. C’est ainsi que nous procédons, comment nous procédons. »

En français on dit « Il est malheureux comme des pierres. On peut aussi dire qu’il est assis dans un puits. Dans de put zetten.

« En français, ils sont en lambeaux. En néerlandais, ils se déchirent. Versceurd zijn. » Une grande leçon de multilinguisme où la connaissance d’une autre langue, la traduction d’expressions courantes, apportent une poésie nouvelle.

Pour préparer Nicolas à devenir pasteur, le petit-déjeuner est rythmé par la lecture de la Bible. Quand nous célébrons l’anniversaire d’Opa et lui chantons “Lang zal hij leven», Opa se retourne et dit « C’est l’anniversaire de qui pour que je ne l’oublie pas ? »

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Dans ce monde où la vocation religieuse se perd, dans ce roman où les hommes perdent la mémoire, mais où les femmes résistent, le narrateur retrouve la lumière, l’humour, la tendresse, l’amour.

Dans cet ancien presbytère où cohabitent trois générations, c’est même une joyeuse cacophonie qui règne, avec parfois en fond sonore des chansons d’Elvis Presley.

Un roman très singulier et touchant.

Ceux qui appartiennent au jour | Roman | Emma Doude Van Troostwijk | Éditions de Minuit, 175 pp. 17 €, numérique 12 €

EXTRAIT

« Mon père, enveloppé dans une vieille couverture à carreaux, est penché […] Il ne s’est pas lavé depuis longtemps. Il trace au feutre noir le périmètre où Nicolas aurait pu se rendre. Dans le cendrier, le mégot fume. Maman se penche vers Papa, enroule ses bras autour de ses épaules courbées. Elle dit, ne t’inquiète pas, ton fils est fort. Il a juste besoin de temps, c’est tout. »

 
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