« Le fait divers est une affaire noble »

« Le fait divers est une affaire noble »
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Après trente ans passés à couvrir l’actualité Libérer, le journaliste français est devenu une référence en matière de cold cases à travers des livres et mini-docu-séries sur les grandes affaires pénales des dernières décennies. Son nouveau livre, Kim et les papys voleursretrace le braquage de Kim Kardashian par une bande de seniors.

Le métier de journaliste

Il faut savoir rester à sa place. Je ne suis ni flic ni procureur. Je prétends être un « spoiler ». C’est un mot que je trouve très beau car longtemps été mal vu. Autrefois, ces journalistes étaient pris pour des voyeurs qui se comportaient comme des « chiens écrasés ». Cela a changé maintenant, c’est devenu prestigieux et même à la mode avec le vrai crime.

Amour de la lecture

La lecture est un ascenseur social. Dès le cours préparatoire et tout au long de mes années primaires, j’ai reçu à chaque fois le prix d’excellence pour mes essais. J’ai aimé écrire et lire. Pour me récompenser, l’école m’a offert des livres que j’ai vite dévorés. Mais ce n’était pas la culture de ma famille. Ces œuvres ont construit mon écriture et mon amour pour la langue française.

L’art de l’empathie

La mort d’un proche fait grandir très vite. Mon père est mort d’un cancer quand j’avais 13 ans. Maman possédait une entreprise de transport et moi, l’aînée de deux sœurs âgées de 8 et 3 ans, j’ai dû l’aider. Cela m’a permis de devenir rapidement indépendant mais aussi de pouvoir me mettre au diapason de certaines victimes.

“J’aime autant parler à un clochard qu’à un ministre de l’Intérieur.”

Une relation de confiance

Le fait divers est un sujet noble. C’est ce que j’essaie d’inculquer à mes élèves. C’est une question profondément humaine. J’aime les gens de toutes sortes ; J’aime autant discuter avec un clochard qu’avec un ministre de l’Intérieur ou un enquêteur. Les sources étant soumises au secret de l’instruction et de l’enquête, écrire sur une affaire en cours constitue un véritable défi. C’est difficile et c’est pourquoi il est nécessaire d’établir une relation de confiance sans complaisance pour obtenir des informations.

Le braquage de Kim Kardashian

Le choc des cultures est fascinant. Dès l’arrestation des braqueurs de Kim Kardashian à Paris en janvier 2017, lorsque j’ai appris leur âge et leur profil, l’histoire a immédiatement titillé mes papilles comme un fait divers. Kim et les papys voleurs c’est la collision entre ces vieux voleurs pépères sans pension qui semblent tout droit sortis des films de gangsters français des années soixante et l’univers de paillettes et de richesse de la star mondiale des réseaux sociaux, l’influenceuse et femme d’affaires américaine Kim Kardashian. Bling-bling versus passes murales, discret. Le vélo contre le jet privé. Les refuges des voyous, les vieux bistrots parisiens par opposition aux showrooms de mode. Cela dit, je ne suis ni complaisant ni excessivement accusateur. J’ai retracé le parcours de chacun de mes grands-pères voleurs. Mais je ne prône en aucun cas leurs crimes. Le but est de comprendre où et pourquoi ils en sont arrivés là.

Une capacité à mettre les choses en perspective

Voir des horreurs peut susciter l’optimisme. Depuis mes 20 ans, je mène ma vie sans illusions mais avec la pêche. Lorsqu’un événement grave m’arrive, je m’en remets facilement car ce que j’ai vécu à travers mon métier me permet de relativiser. J’aime enquêter, suivre l’intrigue d’une affaire. Je n’ai aucune idée des choses et je ne prétends pas changer le monde.

Pas de lumière sur le criminel

Je ne mets jamais en avant le criminel. Quand je fais une grosse affaire sous forme de série documentaire, j’essaie toujours de trouver un angle qui ne mette pas en avant le criminel. Par exemple, dans Les femmes et le meurtrier, sorti en 2021 sur Netflix, je retrace l’arrestation du tueur en série Guy Georges en plaçant l’intrigue sur le dur labeur de deux femmes : une commissaire de police et la mère d’une victime. Pour moi, il était hors de question que ce soit Guy Georges qui soit à l’honneur !

Les réseaux sociaux sont faux

Il est urgent de recréer l’essence même de notre métier. Les réseaux sociaux sont faux. Les amis ? Ce sont des faux. Cela brise le lien humain de croire que les gens qui nous aiment sont nos amis. Ces plateformes mettent une distance entre la vraie vie, les vraies personnes et les internautes qui défilent derrière leur compte. C’est un danger pour moi. Je souhaite que les jeunes journalistes reviennent sur le terrain et rencontrent vraiment du monde.

Kim et les papys voleurspar Patricia Tourancheau, éditions du Seuil.

 
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