Peut-on apprendre à écrire un roman ? – .

Peut-on apprendre à écrire un roman ? – .
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1 Écrire, c’est d’abord lire

La grande majorité des romanciers sont avant tout des dévoreurs de romans et c’est ce qui leur a donné envie d’en écrire. La lecture est certainement la première école d’écriture.

2 Écrire est-ce que ça s’apprend ?

Les maîtres de Écriture créative existent depuis longtemps aux États-Unis. Ici, on garde une idée romantique de l’écriture et le mot « technique » est considéré comme un gros mot dans les milieux intellectuels francophones, par peur du formatage. Certains Américains, péremptoires, proposent une recette de cuisine à suivre à la lettre. Je n’y suis pas du tout favorable. Mais donner des conseils, apprendre à réfléchir, soulever certaines questions, peut être intéressant et faire gagner beaucoup de temps aux écrivains en herbe. Que des auteurs de la trempe de Joyce Carol Oates donnent des cours aux Etats-Unis est édifiant.

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3 Le scénario ou l’attente d’une vision

Stephen King, que je cite souvent, estime qu’on ne peut pas provoquer l’émergence d’une bonne idée. Cela nous arrive un jour ou l’autre. Pour moi, c’est souvent sous forme d’images. Par exemple, cela faisait des années que je voulais écrire une robinsonade, mais je ne trouvais rien à ajouter à celle de Michel Tournier, Vendredi ou Les Limbes du Pacifique. Puis, j’ai eu la vision d’un animal surprenant sur fond de nature vierge et il a disparu. C’est la relation entre ce naufragé et l’animal qui m’a permis de tenir mon sujet. Il faut savoir attendre ces visions qui vous mobilisent presque physiquement. Comme JKRowling, qui a imaginé Harry Potter dans le train reliant Manchester à Londres. Cette vision doit aussi durer et durer… Je vis quelques jours, deux ou trois semaines avec une idée. Je prends quelques notes et à un moment donné, je me retrouve avec une intrigue et j’écris un résumé de 3 ou 4 pages, que je réécris jusqu’au squelette de l’histoire, mais chacun a sa méthode, qui peut évoluer et varier. .

4 Les personnages doivent surprendre

Certains auteurs choisissent des personnages de leur vie qu’ils transforment. Ou bien ils combinent plusieurs personnages en un seul. Ou utilisez un autre personnage de roman comme Jean Giono l’a fait avec Angelo Pardi pour Le hussard sur le toitce brillant roman né de La Chartreuse de Parme . Angelo est le fils littéraire de Fabrice del Dongo. Rastignac, Madame Bovary, D’Artagnan, Edmond Dantès ou encore Jean Valjean sont devenus des mythes modernes. Un auteur ne peut pas évaluer la longévité de ses héros au moment où il écrit, mais plutôt la manière dont il leur donne vie. Quoi qu’il en soit, un personnage doit toujours nous surprendre. En ce qui me concerne, les protagonistes sont créés en même temps que mon scénario. Comme je laisse toujours une grande part d’improvisation, certains personnages émergent. Bjorn le morphir est tellement proche de moi dans sa façon de penser, de regarder le monde que sa création était naturelle, sauf que je ne suis pas un héros. En plus, c’est de la fantaisie. Cela ne pourrait pas être plus éloigné de ma propre vie. Cependant, j’y ai mis beaucoup de moi-même. Ce n’est pas forcément le cas dans mes autres romans.

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5 personnages secondaires

Il ne faut pas trop s’y perdre mais certains auteurs comme Tchekhov ou Fitzgerald parviennent à leur donner de la profondeur et de la complexité en quelques lignes de dialogue seulement.

6 écrivains cultes

Alexandre Dumas est l’écrivain le plus cité. C’est très intéressant sur le plan technique et peut donner des indices à un auteur qui cherche à engager le lecteur. Les trois Mousquetaires est un de mes romans cultes, même si je les aime tous. Patrick O’Brian est une découverte ultérieure dans ma vie. Jules Verne est le romancier d’aventures par excellence. Stendhal, sur le plan littéraire, est certainement au-dessus de Dumas. J’ai une prédilection pour La Chartreuse de Parme, pour la profondeur des personnages, pour l’intelligence de l’auteur. Il fait partie de ceux qui, comme Dumas, sont toujours présents. Nous les entendons nous parler. Flaubert ou Camus veulent garder leurs distances.

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7 Le style ou le danger du maniérisme

Comment éviter le maniérisme ? Je suis fan de clarté. Je suis un grand lecteur de Levi Strauss, qui parle de choses complexes mais avec la plus grande clarté. Vous pouvez très bien écrire d’une manière très simple ou plus élaborée. J’aime aussi Marguerite Yourcenar, qui frise parfois le maniérisme mais qui ne tombe jamais dans le maniérisme gênant. On goûte à la beauté du style et en même temps, cela n’empêche ni la projection ni l’immersion romantique.

8 Dialogues, un art particulier

C’est un art particulier et subtil. Chaque personnage doit penser raisonnablement en fonction de son parcours, de son âge, sans attirer l’attention. Il faut éviter les faux dialogues, qui répètent des informations que le lecteur connaît déjà, et se méfier des accents ou de l’argot. Les dialogues permettent aussi de donner vie aux personnages, de nous faire découvrir. Avec Fitzgerald, on a toujours l’impression qu’ils auraient pu dire autre chose cinq minutes plus tard et pourtant, c’est tout à fait vrai. Il réussit à nous montrer à quel point ils peuvent être arbitraires. C’est un champion. Je le mets un peu au-dessus d’Hemingway, dont les dialogues sont parfois presque fabriqués. Et il y a Tchekhov, bien sûr.

9 Le méchant, générateur de conflits

Cela génère certes des conflits mais il peut y avoir de très bonnes histoires sans méchant, comme La steppe par Tchekhov. Chez Jules Verne, il n’y a pas toujours non plus de méchant. Le héros peut être un méchant comme dans Les gentils par Jonathan Littell. On peut aussi imaginer un méchant aux multiples facettes, à condition de savoir quel écrivain on est. Je pourrais difficilement prendre un vrai méchant comme personnage principal. Cependant, j’aime que mes personnages principaux aient des zones grises. Le capitaine Nemo n’est pas non plus un pur méchant. Au cinéma, j’aime l’exemple du héros de Balle de match par Woody Allen. On finit même par se réjouir qu’il échappe à son sort.

10 La fin est parfois inacceptable

Certaines fins ouvertes sont inacceptables, comme lorsque le roman pose une question à laquelle il ne répond pas. C’est très frustrant. Mais si on a répondu aux questions essentielles, on peut placer le personnage face à un avenir indéfini, ce que j’ai toujours aimé. Ensuite, il y a des fins fermées avec par exemple la mort de personnages comme dans La Chartreuse de Parme. Stendhal le fait extraordinairement. Il a eu beaucoup de mal à faire mourir ses personnages. Il utilise alors beaucoup d’ellipses, une forme de poésie.

Le métier du roman. Introduction à l’écriture créative | essai | Thomas Lavachery, L’École des lettres, 304 pp, 19 €.

Thomas Lavachery sera en dédicace sur le stand de L’École des Loisirs le dimanche 7 avril de 13h30 à 15h30

 
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